jeudi, mars 28, 2024

Conflit syrien: Les Etats du Golfe refusent d’ouvrir leurs frontières

SYRIE REFUGIESLa photo du petit Aylan Kurdi, échoué sur une plage turque, a obligé les pays européens à entrouvrir leurs portes. Mais la noyade du garçonnet au tee-shirt rouge n’a pas ébranlé les murs d’une autre forteresse : les monarchies du golfe Arabo-Persique.

Alors que le ­Liban, la Jordanie et la Turquie ­hébergent des centaines de milliers de réfugiés syriens, l’Arabie saoudite, le Qatar, les Emirats ­arabes unis et le Koweït n’en abritent aucun.

Bien que gorgés de pétrodollars et beaucoup plus proches de la Syrie, géographiquement et culturellement, que ne le sont l’Allemagne ou le Royaume-Uni, les Etats de la péninsule Arabique refusent d’ouvrir leurs frontières aux victimes des atrocités commises par le régime de Bachar Al-Assad et l’Etat islamique (EI). « Nos consciences sont-elles mortes ? Pourquoi des pays aussi puissants que les nations du Golfe ne peuvent-elles pas participer à l’accueil des réfugiés ? » s’est indigné sur Twitter le Saoudien Salman Al-Awdah, un prédicateur vedette, aux 7 millions de « followers ».

Ce protectionnisme trouve son origine dans le fragile équilibre socio-démographique sur lequel ces pays se sont construits. Leur prospérité repose non seulement sur l’or noir, mais aussi sur la ­présence d’une énorme main-d’œuvre émigrée, très bon marché, originaire le plus souvent d’Asie du Sud-Est.

Si ces travailleurs étrangers représentent un tiers « seulement » de la population de l’Arabie saoudite, le ratio approche 90 % au Qatar et aux Emirats, ce qui soumet ces cités-Etats à des crispations identitaires récurrentes.

«Aux Emirats, l’immigration est une question de sécurité nationale, confie Oussama, un Syrien qui a monté un cabinet d’études à Dubaï. Les gens ont le sentiment que s’il arrivait quelques milliers d’étrangers en plus, le pacte social, au fondement du pays,pourrait voler en éclats. »

Concept étranger à la législation

Comme Oussama, des dizaines de milliers de Syriens résident dans les six Etats membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG : Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Qatar, Koweït, Bahreïn, Oman).

La plupart y sont entrés avec un visa de travail en bonne et due forme, dans le cadre d’un ­contrat avec une entreprise locale, ou avec un visa de visiteur, parce qu’ils ont de la famille sur place. Le concept de réfugié est étranger à la législation des pays du CCG, qui n’ont pas signé la convention internationale de 1951 ayant donné naissance à ce statut.

En 1990, pourtant, dans la foulée de l’invasion du Koweït par les troupes de Saddam Hussein, des centaines de milliers d’habitants de ce pays avaient trouvé momentanément refuge dans la province orientale de l’Arabie saoudite. L’année suivante, après que le maître de Bagdad eut écrasé dans le sang la révolte des chiites irakiens encouragée par le président américain George Bush, des dizaines de milliers d’entre eux furent autorisés à s’installer dans un camp de fortune, à Rafha, du côté saoudien de la frontière. Ils y restèrent plus de dix ans, jusqu’au renversement du dictateur irakien en 2003, avec un statut de réfugié de fait.

Dans le cas des Syriens, des craintes d’ordre sécuritaire et politique s’ajoutent aux considérations démographiques. La hantise numéro un est celle d’une infiltration par des sympathisants de l’Etat islamique, qui a déjà perpétré plusieurs attentats en Arabie saoudite et au Koweït. Les potentats du Golfe, conscients que la stabilité politique constitue leur principal atout financier, ne voient pas d’un très bon œil la perspective d’accueillir une population désormais politisée, parfois même rompue à l’agit-prop. Si Doha et Riyad comptent parmi les parrains les plus influents de l’insurrection syrienne, ce qu’ils encouragent en dehors de leurs frontières demeure strictement interdit à l’intérieur.

Dons à l’ONU et aux ONG

« L’obsession principale des dirigeants du Golfe consiste à se tenir à l’écart des secousses des printemps arabes. Pour eux, c’est comme si les Syriens avaient la peste », témoigne Oussama. « Nous avons déjà fort à faire avec l’Etat islamique et la guerre au ­Yémen, argumente Nassimah Al-Saadeh, une militante saoudienne des droits de l’homme. La responsabilité première de nos responsables, c’est de protéger leur peuple. »

Faute d’ouvrir leurs portes aux Syriens, les Etats du Golfe se ­contentent d’amortir les conséquences de leur exode. Le total des fonds alloués par les membres du CCG à cette crise humanitaire dépasse le milliard de dollars. En pourcentage de leur PIB, le Koweït et les Emirats figurent parmi les donateurs les plus généreux des agences de l’ONU et des ONG déployées sur le terrain. Ces sommes restent cependant modestes comparées aux gigantesques réserves financières de ces Etats, estimées à plus d’un millier de milliards de dollars.

« C’est une goutte d’eau dans l’océan, dit Louay Al-Khatteeb, analyste à la fondation Brookings. La moindre des choses que les pays du Golfe pourraient faire, c’est de laisser entrer sur leurs territoires tous les Syriens qui ont de la famille sur place. Ils seraient ­hébergés et nourris par leurs ­proches. Ça ne coûterait quasiment rien à ces Etats. »
Pour l’instant, aucun dirigeant du Golfe ne s’est exprimé sur la question. L’opinion publique, strictement surveillée, reste largement muette. Sur le site du journal qatari Gulf Times, un ­contributeur anonyme écrit : «Dans cette partie du monde, le silence est assourdissant. »

Le Monde

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