Le vice-président du comité de gestion du parti national pour le renouveau ( PNR), Lucien Beindou Guilavogui, a commenté plusieurs questions relatives à l’actualité politique nationale. Guilao parle successivement de la déclaration de Loncény Camara, de la démission de certains membres du CNT et de la Ceni. Ila aussi jeté un regard sur la gestion du Pr Alpha Condé. Entretien accordé à un pool de journalistes.
Que pensez vous de la démission au sein du gouvernement des 2 ministres du PEDN et des membres de la CENI et du CNT?
Comme je l’ai dit à un de vos confrères, ces démissions je les respecte et je les comprends même si je pense qu’ils auraient dû le faire dès lors que leur Parti a rejoint l’opposition radicale. Car, il ne faut pas oublier qu’ils ont été nommés ministres par ce que leur parti faisait parti de la mouvance présidentielle qui a fait élire le président En démissionnant, ces Ministres ont fait preuve de loyauté envers leur formation politique et je pense que c’est tout à leur honneur.
La Guinée d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier. Hier, je m’en souviens encore, on a vu des grands ministres refuser de démissionner d’un gouvernement dans lequel il n’était plus en odeur de sainteté. On a vu des ministres qui avaient été réduits à zéro, dépourvus de tout pouvoir et qui ont refusé de démissionner. Aujourd’hui, le Gouvernement doit positiver sur ces démissions et aller de l’avant. Je suis convaincu que ces ministres étaient de bonne qualité et qu’il est toujours pénalisant pour une équipe de perdre ses bons éléments, mais nul n’est irremplaçable. Je disais tout à l’heure que ces 2 ministres ont été loyaux envers leur Parti, d’autres me diront qu’ils ont été déloyaux envers le chef du gouvernement qui les a maintenu à leur poste alors que leur Parti se radicalisait dans l’opposition. Mais qu’à cela ne tienne, le Gouvernement ne doit s’intéresser qu’au futur et aller de l’avant à la conquête des challenges qui l’attendent. Quant à celles de la CENI et du CNT, je les respecte et les comprend mais il serait bon que ces démissions servent de déclic pour faire avancer les choses afin que nous sortions rapidement de cette crise et que nous fassions ces élections législatives cette année.
Nous avons été très surpris de ne pas vous entendre commenter la démission du Président de la CENI, Monsieur Louceny CAMARA ….
Ecoutez ! Quand j’ai lu la lettre de Monsieur Louceny Camara, je n’ai lu à aucun endroit qu’il démissionnait. J’ai compris qu’il ne représenterait plus et qu’il demandait à sa centrale de désigner quelqu’un d’autre pour la nouvelle CENI. Pour moi il ne s’agissait pas d’une démission, mais d’un désistement à faire partie de la prochaine CENI. Et comme je l’ai dit, il ne reste plus qu’à souhaiter que cet acte serve de déclic pour faire avancer les choses.
Ne pensez vous pas que ce qui se passe actuellement dans notre pays soit de nature à mettre en cause l’atteinte au point d’achèvement de l’initiative PPTE ?
Je n’ose pas imaginer qu’il y ait une corrélation étroite entre ce qui se passe actuellement et le désir ardent qu’ont certains acteurs à faire échouer la Guinée dans l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE.
Atteindre le point d’achèvement doit être considéré comme une question d’intérêt national et de ce fait, si il y a une chose pour laquelle, Mouvance et Opposition doivent s’accorder, une fois n’étant pas coutumes, c’est bien celle là.
Les Guinéens doivent savoir que les ressources empruntées par la Guinée depuis plus de 25 ans n’ont pas servi à financer la croissance et n’ont par conséquent pas pu générer des capacités de remboursement espérées. La Guinée s’est retrouvée dans une situation où le service de la dette était tellement insoutenable qu’il devenait incompatible avec sa politique de développement, d’où la nécessité absolue de recourir à l’initiative PPTE pour annuler une bonne partie de sa dette. Qu’avons-nous fait de ces 14.000 milliards de francs guinéens (plus de 2 milliards de dollars) pour lesquels on souhaite l’annulation ? C’est la question qu’il faut se poser, mais personne ne se la pose.
En Cote d’Ivoire, un pays qui vient d’atteindre son point d’achèvement, il y a eu un tissu industriel porteur de croissance et créateur d’emplois durables, des Universités et grandes écoles de qualité, des infrastructures, de l’eau et de l’électricité, des hôpitaux de qualité, une agriculture en pleine croissance. On peut donc conclure qu’une bonne partie de sa dette s’explique, mais que peut-on dire de la Guinée ? Si non que cette dette de plus de 2 milliards de dollars (14.000 milliards de francs guinéens) ait été purement et simplement détournée de son objectif initial et s’est retrouvée dans des comptes personnels en banque, ou à satisfaire des dépenses de prestige de l’Etat qui vivait au dessus de ses moyens. Par conséquent nous sommes toujours non seulement surendettés mais, sans eau, ni électricité, sans système éducatif fiable, avec une agriculture qui n’arrive toujours pas à décoller malgré l’immensité de nos ressources naturelles. Cette mauvaise gouvernance du passé nous a mis dans une situation où nous ne pouvions plus assurer le service de la dette et c’est ainsi que la Guinée, à l’instar de certains autres pays, a sollicité l’initiative PPTE, sans laquelle tout développement est d’emblée compromis.
A mon avis, je le dis encore une fois, il s’agit là d’une question d’intérêt national et , l’opposition et la mouvance doivent jouer dans le même camp afin que la Guinée atteigne enfin le point d’achèvement. Malheureusement la réalité est tout autre et il est regrettable de constater que dans notre pays, il y a des personnes, de grandes personnalités, qui ne souhaitent pas que l’on atteigne le point d’achèvement de l’initiative PPTE et qui agissent en conséquences.
La Guinée a répondu aux 4 critères qui lui permirent d’atteindre le point de décision et elle est sur le point de répondre aux trois critères qui lui permettront d’atteindre le point d’achèvement. En effet le FMI exige de la Guinée d’être performant dans l’exécution des programme soutenus par des prêts FMI et banque mondiale, d’être irréprochable dans la conduite des réformes, et débuter la mise en œuvre du plan de réduction de la pauvreté tel que mentionné dans le document stratégique de réduction de la pauvreté.
Ces trois conditions, comme je le disais tantôt, sont quasiment satisfaites mais quelques taches restent encore à accomplir, notamment, la préservation de la paix et la stabilité, l’amélioration de la Gouvernance, la satisfaction des services de base, et le renforcement des institutions républicaines
La préservation de la paix a été sérieusement remise en question avec les derniers évènements. Aujourd’hui, la seule option qui reste à ceux qui ne veulent pas que l’on atteigne le point d’achèvement est de faire en sorte qu’il n’ y ait pas de paix dans ce pays, mais aussi que la gouvernance faillisse. Et comme je l’ai toujours dit, ces gens sont présents à la fois dans la mouvance et dans l’opposition.
Il vous plait souvent d’affirmer que les mauvaises graines peuvent être à la fois dans l’opposition et dans la mouvance présidentielle…..
Je pense que, et ça n’engage que moi, le Président est pris dans l’étau de ceux qui ne veulent pas que les législatives se fassent dans les meilleurs délais. Et je vous dis que ces gens là sont présents de part et d’autres.
D’une part tu as ceux qui pensent qu’après les législatives ils seront purement et simplement remerciés et d’autre part ceux qui font semblant d’être pressés alors qu’il ne souhaitent pas que le président et son gouvernement applique le programme pour lequel ils ont été élus.
Vous semblez assez perplexe quant à la sortie de crise ?
Oui et Non, par ce que à bien réfléchir la situation n’est pas aussi compliquée que ça. Nous sommes quand même dans un régime présidentiel, même si il y a un décalage de majorité, l’exécutif ne risque pas d’être renversé par l’assemblée. Ce qu’il faut se mettre en tête c’est qu’il peut, plus ou moins, avoir accord ou parallélisme entre la majorité présidentielle, c’est-à-dire celle qui a porté le professeur à la présidence et la majorité législative qui est électorale. Quel que soit le cas l’assemblée nationale ne pourra jamais renverser le gouvernement, le régime présidentiel ne le permettant pas. Par contre le président a la possibilité de dissoudre l’assemblée lorsqu’il a le sentiment que cette assemblée bloque l’action gouvernementale et l’empêche par conséquent d’appliquer le programme pour le quel il a été élu.
Les Partis Politiques réunis au sein de l’ADP et du Collectif viennent de rejeter en bloc, le plan de sortie de crise proposé par le CNT, et réclame la signature d’un accord politique global, qu’en pensez vous ?
Ecoutez, j’ai été parmi ceux qui ne comprenaient pas l’inaction du CNT, et le PNR a même publié une déclaration dans laquelle il fustigeait le silence du CNT et on lui demandait par la même, de s’impliquer à fond dans la résolution de la crise. Maintenant que le CNT essaye de faire bouger les choses, je ne vais pas me plaindre.
Je crois que le CNT a privilégié le consensus, pour essayer d’apporter des solutions et c’est pourquoi elle a fait appelle à d’autres institutions et organisations de la société civile. Face à cela l’opposition exige que la loi soit respectée, par ce que ça l’arrange. Elle dit et on l’a comprend, que les institutions consultées ne légifèrent pas, donc ne doivent pas être consultées. Mais comment voulez vous donc, que l’on soit d’accord lorsque l’une des parties propose le consensus et que l’autre s’accroche à la loi. Le Parti National pour le renouveau, a toujours dénoncé la capacité que les acteurs politiques ont à muter facilement entre la loi et le consensus au gré de leur intérêt égoïstes. Dites moi où était l’opposition et l’ensemble de la classe politique Guinéenne lorsque la communauté internationale nous a poussé à faire adopter la nouvelle constitution par décret présidentiel émanant d’un gouvernement non élu ? Pour des personnes qui se disent démocrates, c’est quand même inacceptable ! Il y a eu usurpation des prérogatives du Peuple qui était le seul apte à travers un référendum à valider la constitution. C’est basique, et nous sommes le seul pays au monde à avoir utilisé le consensus pour faire adopter sa constitution. J’aimerai savoir qu’est ce qui est le plus grave entre consulter les institutions républicaines et organisations de la société civile pour trouver un consensus à la crise que nous traversons et faire adopter la constitution d’un pays par consensus ? Et le peuple dans tout ça ? y a-t-il par exemple, une loi qui nous autorise à mettre un étranger à la tête de la CENI? Non et pourtant on l’a fait au nom du consensus. Ne pourrait-on pas chacun de son coté lâcher quelque chose pour faire avancer le processus, au lieu de ne se tenir qu’à « sa » vérité ou à « sa » raison ?
Une autre chose qu’il ne faut pas perdre de vue c’est que sans les organisations de la société civile et les syndicats il n’ y aurait pas eu d’accords de Ouagadougou et ne serait ce que pour ça, on leur doit du respect.
L’opposition exige la signature d’un accord politique global…
Oui, mais encore une fois on est dans la réaction et quand on réagit c’est que l’on est en retard.
Je fais partie de ceux qui ont réclamé la signature d’un accord politique global à la suite de la déclaration de Ouagadougou. Pour moi et c’était évident, les accords de Ouagadougou n’engageaient que le Capitaine Moussa Dadis Camara et le Général Sékouba Konaté respectivement président et vice président du CNDD. Et je pense que le Premier Ministre Fall, alors porte parole des forces vives, avait bien senti le danger quand il déclarait dans son discours, je cite
« .. Nous demandons à la communauté internationale de bien vouloir maintenir, voire renforcer sa solidarité avec le peuple guinéen en insistant sur la signature dans les plus brefs délais de l’Accord Politique Global Inter Guinéen, comme le stipulent les résolutions de la 10ème session du Groupe International de Contact sur la Guinée tenue à Addis-Abeba le 26 janvier 2010. Ce document qui sera la Charte de la Transition a intégré toutes les dispositions contenues dans la Déclaration de Ouagadougou du 15 janvier 2010. Sans la signature de cet accord, nous pouvons dire que la présente transition est dépourvue de bases juridiques et politiques sérieuses indispensables à son succès, avec tous les dangers que cela comporte dans le contexte actuel. »
Cet accord que l’opposition réclame aujourd’hui, aurait du être signé au départ quand tous les acteurs, candidats à la présidentielle et leur alliance étaient sur le même pied d’égalité. A cette époque je pense qu’il n’y aurait pas eu de difficultés à le signer.
7. A votre avis pourquoi cet accord politique global n’a pu être signé dès le lendemain des accords de Ouagadougou ?
Après les accords de Ouagadougou, au lieu de se soucier de la signature d’un tel accord politique global, les acteurs politiques se sont plutôt rués à la conquête des postes au sein du gouvernement de transition, du CNT et même au sommet de l’administration. On a commencé à violer le texte de Ouagadougou, par consensus et après c’est parti dans tous les sens jusqu’à la nomination d’un étranger à la tête de la CENI et l’adoption de la constitution par consensus à travers un décret présidentiel d’un gouvernement non élu. Disons qu’au lendemain des accords de Ouagadougou, ce sont les intérêts égoïstes qui ont prévalu au détriment de l’intérêt national et pourtant c’est collectivement que nous avons eu les résultats que nous avons eus.
Quelle appréciation donnez-vous de la politique économique du Gouvernement du Pr Alpha Condé à mi parcours ?
Vous avez déjà vu une élection présidentiel à mi parcours ? Non et je ne pense pas qu’il en existe, je ne vois donc pas pourquoi j’évaluerai la politique économique du gouvernement à mi parcours. Je crains de vous décevoir sur cette question, je l’ai fait une fois en me basant sur mon ressenti et j’ai été mal compris. De toutes les façons il serait injuste de porter un regard sur la politique économique du Gouvernement du Professeur Alpha Condé sans faire le point sur ce qu’était la Guinée avant 2010. Je ne possède aucune statistique sur les réalisations actuelles pour faire une évaluation correcte, mais par contre je sais à quel niveau nous étions avant 2010. Je sais et je suis convaincu qu’aucune politique économique fût t-elle de relance ou de rigueur n’aurait eue une chance de réussite si l’on avait continué à fonctionner comme on l’a fait pendant plus de 25 ans. Evaluez le bilan de l’action gouvernementale à mi parcours est un exercice que je ne ferais plus. Il s’agit d’une analyse factuelle basée sur les faits et les chiffres et puisque je n’ai pas les statistiques à ma disposition je n’irai pas plus loin. Et puis entre nous, soit dit en passant, en quoi est-il utile que moi, Lucien Guilao, évalue l’action gouvernementale à mi- parcours ? La grande évaluation aura lieu à la fin du mandat présidentiel et elle sera faite par le peuple tout entier détenteur de la souveraineté nationale. Le président a été élu pour appliquer le programme pour lequel il a été élu et ce n’est qu’à la fin de son mandat qu’il sera jugé et sanctionné par le peuple, en fonction des résultats obtenus. Si les résultats sont bons, le peuple portera son choix sur lui encore une fois, mais si ils sont pas conformes à ce que le peuple attendait, la sanction sera inévitable. C’est ça la démocratie. Alors laissons le peuple décidé….
Pour finir, Monsieur Guilao, ne regrettez vous pas d’être entré en politique ?
Il y a une telle agressivité et adversité dans le climat politique Guinéen que j’en ai peur. C’est en politique que j’ai reçu ma première menace de mort, tout simplement par ce que nous n’étions du même avis. Les gars font de la politique avec un couteau entre les dents. C’est en politique que l’on m’a traité de maudit pour la seule et unique fois de ma vie, par ce que j’ai demandé tout simplement au ministre de la fonction publique de suspendre le paiement de mon salaire. Vous savez en Guinée quand tu fais un acte patriotique on te traite de maudit et quand tu dis la vérité on te menace de mort ou on te traite d’orgueilleux. Vous savez, si l’agressivité, l’adversité et l’énergie que les gens mettent dans la politique, ils le mettaient dans le sport, il y a très longtemps que nous aurions participé à 2, si non 3 coupes du monde de football, basket-ball et handball et récolté plusieurs trophées continentaux. Les politiciens Guinéens possèdent tout ce qui manque à nos sportifs et vice versa. Les sportifs savent reconnaître leur défaite, savent se remettre en question et respectent les lois du jeu, par ce qu’ils sont sanctionnés à chaque fois que les lois sont violées, tant disque les politiciens ont l’agressivité, les moyens, les ressources et savent évoluer dans l’adversité, toutes choses qui manquent à nos sportifs aujourd’hui.
Reconnaître sa défaite, serrer la main du vainqueur est un acte propre aux sportifs, rares sont les hommes politiques Africains qui le font. Le sportif se justifie très rarement et il a la faculté de se remettre en question à chaque défaite, c’est ce qui lui permet de reprendre la compétition l’année suivante dans le seul objectif de gagner loyalement le trophée perdu l’année d’avant. En cas d’échec, le politicien accuse toujours l’autre, alors que le sportif ne s’en prend qu’à lui-même, et pas aux autres. Pour répondre clairement à votre question, Non je ne regrette pas d’être venu à la politique, même si je me pose souvent des questions.
Propos recueillis par A.T