Les élections législatives étaient très attendues en Guinée. Après la reprise du dialogue politique, la date des élections a finalement été fixée au 30 juin 2013. Analyse d’un Avocat au barreaux de Paris
Ce rendez-vous électoral doit permettre de finaliser la transition entamée en 2010, avec les premières élections présidentielles démocratiques qui ont porté Alpha Condé au pouvoir en Guinée. Une récente manifestation ce jeudi 18 avril, émaillée par des heurts, a rappelé les divergences de la classe politique, malgré les appels au rassemblement lancés par le gouvernement.
« Aujourd’hui, la Guinée doit se donner la main pour avancer », a déclaré le Président Alpha Condé, samedi 20 avril, lors du lancement des travaux d’une nouvelle route dans la capitale Conakry.
Les défis sont encore nombreux pour ce pays qui vit largement sous le seuil de pauvreté, mais l’annonce des élections législatives laisse penser que la transformation a bien commencé. La tenue du scrutin doit marquer un tournant pour cette jeune démocratie ouest-africaine. Le Président a également souligné, ce samedi, l’importance de ne plus céder à la corruption qui avait miné le développement de la Guinée sous les régimes précédents.
Depuis 2010, le nouvel exécutif guinéen a souhaité donner la priorité au renforcement de l’Etat de droit, des administrations et des services publics, ainsi qu’à la lutte contre la corruption et l’impunité, dans un pays où les précédents régimes confondaient les ressources et les fonds publics avec leurs biens personnels, et donnaient la priorité à l’intérêt privé des dirigeants au détriment des populations. A son élection, le Président Alpha Condé avait d’ailleurs souligné « avoir hérité d’un pays, non d’un Etat »: « un Etat, c’est une police, une armée, une administration, une Justice et des services publics qui fonctionnent bien et qui sont au service du pays ». Ces réformes ambitieuses doivent toutefois s’accompagner d’un changement en profondeur des mentalités dans une société où le respect de la Loi avait disparu.
Depuis fin 2010, la Guinée a réalisé des progrès sensibles aboutissant à la stabilisation de son économie et au renforcement de sa croissance (4,8% en 2012 ; la Guinée classée dans le Tier 1 de la croissance mondiale selon JP Morgan). Le gouvernement a engagé plusieurs réformes permettant de réduire le déficit public de 13% à 2%, d’alléger sa dette extérieure, de réduire l’inflation, de stabiliser sa monnaie, et d’augmenter significativement ses recettes douanières. Toutefois, les conditions de vie restent extrêmement difficiles pour la population guinéenne. L’accès à l’alimentation, à l’eau et à l’électricité est encore précaire. La jeunesse, qui représente plus de 65% de la population, souffre du chômage et d’un manque de formation de qualité.
Malgré ses immenses ressources naturelles, la Guinée a longtemps été qualifiée de scandale géologique et agricole. Depuis 2010, dans le cadre d’une politique de renforcement du secteur agricole, le soutien à la production de riz local a permis de diminuer les importations et le prix d’achat pour les populations, mais le pouvoir d’achat reste un des grands défis de la Guinée.
Sur le plan minier, un nouveau Code a été adopté en 2011, récemment amendé pour favoriser davantage les investissements. Un audit du cadastre a également permis de révéler que plus de la moitié des licences accordées jusqu’à présent étaient non conformes à la réglementation. Une revue des contrats est par ailleurs en cours pour permettre de poser un cadre légal stable, renforcer le climat des affaires et lutter contre la corruption dans ce secteur hautement stratégique. Récemment, l’arrestation par le FBI d’un agent proche de la société minière BSGR a jeté la lumière sur les conditions opaques d’acquisition de droits, sous les régimes précédents, sur Simandou, l’un des plus grands gisements de fer au monde non exploités.
Sur le plan énergétique, les récents délestages ont nourri des tensions dans la capitale. Mais plusieurs grands projets sont en cours de développement, parmi lesquels un barrage à Kaleta.
Aujourd’hui, Conakry change. Les chantiers routiers et les constructions d’hôtels laissent penser qu’un nouveau vent d’entreprenariat souffle sur cette terre qui a tant souffert.
Alpha Condé doit résoudre un paradoxe: comment une Guinée aussi riche en terre arable, en bauxite, en fer, en diamant et en or peut-elle sortir de la pauvreté et prendre son essor ? Si le pari est tenu, la Guinée pourrait être un exemple pour le reste du continent, tout comme le Sénégal.
in Huffingtonpost.fr
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