Philippe Van Damme, Représentant de l’Union Européenne en Guinée, a reçu il y a quelques jours à son bureau, un pool de journalistes dont ceux de GuinéeTime. Nous proposons l’essentiel de cette interview à bâtons rompus. Exclusif
GuinéeTime : La Guinée vient juste d’installer son assemblée nationale, aujourd’hui nous voulons savoir l’état du partenariat entre l’UE et la Guinée…
Ph. Van Damme : Comme vous le savez, nous avons l’année dernière, suite à l’organisation des élections législatives, au niveau du Conseil européen, on a décidé de lever les mesures appropriées au titre de l’article 96 de l’Accord de Cotonou. Ce qui implique en gros que nous avons libéré le seul fonds du 10ème FED. L’ancien ministre de Finances, M. Yansané est passé à Bruxelles en fin janvier pour signer une convention de financement liée au 10ème FED. Donc, nous sommes dans une normalisation totale de la coopération avec la Guinée, avec un 10ème FED pleinement engagé et une programmation d’un 11ème FED qui est lancé. Le 11ème FED va couvrir la période 2015-2020.
Si le 11ème FED est engagé, est-ce que les montants sont dégagés ?
Comme je le disais, on a engagé les fonds en décembre. Nous avons signé les conventions de financement (…) en fin janvier. Nous sommes dans une phase de préparation et de mise en œuvre. La mise en œuvre se fait en des étapes : il faut préparer les dossiers d’appel d’offres, lancer les appels d’offres et sélectionner les entreprises (…). C’est quelque chose qui prend assez de temps..
En gros les programmes développés en fin 2013 vont commencer à voir le jour au courant 2014 (…) il est nécessaire d’accélérer ce calendrier. Les derniers de ces programmes devront être opérationnel à partir de septembre au plus tard. On avait déjà réussi à débloquer un certain nombre de fonds depuis 2013 qui porte sur environ 40 millions d’euro…Et sur ces fonds il y a certaines choses qui sont mis en œuvre déjà. Certains contrats signés notamment l’appui à l’accès à l’eau potable en milieu rural qui va démarrer dans les semaines qui suivent.
Les choses commencent à bouger rapidement et au fur et à mesure qu’il y a des programmes qui se rationnalisent sur le terrain, nous allons informer les médias de la place. Nous avons également versé les fonds d’urgences parce qu’on se focalise toujours sur le 10ème FED en terme de fond programmé. Mais il y a aussi des fonds d’urgences que ce soit sur le FED ou le budget général de la Commission européenne.
L’année dernière suite aux évènements de N’zérékoré, nous avons débloqué 10 millions supplémentaires pour la forêt pour l’appui à la stabilisation. Nous allons communiquer sur nos fonds d’appuis aux médias la semaine…Nous avons un programme de la Forêt toujours dans le fonds d’urgence, dans l’appui à la réinsertion des anciens combattants volontaires, la gestion de conflit, notamment les conflits fonciers qui sont sources de beaucoup de tensions. Vous savez qu’on est entrain de monter un programme d’appui orienté vers des activités génératrices de revenus et d’emplois pour les jeunes de la forêt. Donc, nous avons un certain nombre de programme d’urgence…Dans le prochains mois, nous aurons un certain nombre d’activités qui vont se mettre en place et sur lesquelles nous allons faire aussi des communiqués.
Les programmes d’urgences sont déjà programmés…Mais est-ce que l’enveloppe est la même ?
Non l’enveloppe programmée était de 174 millions dont 33 millions pour début 2013 et 140 millions débloqués en fin 2013. Au de-là de ces 174 millions d’aide programmée, nous avons sur ces trois dernières années débloqué des fonds d’urgence sur le FED pour un montant de 61 millions d’euros et nous avons débloqué des fonds sur le budget général de la Commission pour un montant de l’ordre de 30 millions d’euro aussi. Donc, nous avons ces dernières années déjà engagé annuellement environ 20 à 30 millions d’euro d’activités d’urgences y compris d’ailleurs notre appui au processus électoral qui a été financé sur le fonds d’urgence. Mais aussi il y a des fonds d’urgences humanitaire, de lutte contre le cholera pour l’année dernière, lutte contre l’épidémie de méningite etc…
Il ya 5 millions d’euros pour la police. Nous allons organiser une journée porte ouverte au commissariat central de Ratoma pour expliquer un peu quelles sont les activités que nous développons dans ce domaine. Donc nous avons une diversité d’activités et de programmes d’urgences qui ont été développé auxquelles s’ajoute ce programme de 174 millions d’euros qui sont débloqués et qui vont être engagés. Donc, ces 174 millions d’euros vont être décaissés sur une période de 3 à 4 ans.
A la faveur du coup d’Etat de 2008 en Guinée, l’UE a gélé du coup sa coopération avec le pays. Ces dernier temps on appris que vous avez repris la coopération pleinement avec la Guinée mais l’UE pas communiqué pleinement les détails des fonds et des programmes qui ont été repris. Est-ce qu’on peut avoir une idée sur cela?
Pour faire un aperçu d’ensemble de ce que nous faisons, je vais vous donner tout à l’heure un tableau qui détaille tout ce que nous avons engagé ces dernières années et sur les fonds programmés du 10ème FED. Nous avons trois grands secteurs de concentration. Il y a d’une part tout ce qui a trait à la Gouvernance donc, dans ce domaine nous avons un grand programme d’appui à la Justice et nous avons aussi des activités préparatoires. Un programme qui se met en place pour 20 millions d’euros. Nous aurons un programme d’appui à la réforme du secteur de la sécurité, un appui à la police, aux gardes forestiers et à la protection civile. Toujours dans le domaine de la Gouvernance nous avons un petit montant de 12 millions d’euro en appui aux finances publiques donc la reforme de la chaine des recettes et des dépenses, la cour de compte, le contrôle financier, des douanes, des impôts etc.
Il existe un programme pour la décentralisation qui fait partie de cette grande réforme de l’Etat et de la modernisation de l’Administration. Ensuite, nous avons un second secteur de concentration qui est le transpor. Egalement, dans les semaines qui suivent un programme de réhabilitation de la RN2 entre Kissidougou et Guékédou qui est en fait la suite des travaux que nous avions entamé sur le 9ème FED, il y a des appuis institutionnels au ministère des Travaux publics et des Transports qui vont être mis en place pour un montant total de 83 millions d’euro. Enfin nous avons le 3ème secteur de concentration qui est un programme d’appui à la Santé de 20 millions d’euro auxquels la France a ajouté 10 millions d’euro. Cela fait un paquet de 30 millions d’euro…. Il faut savoir que beaucoup de ces secteurs y compris le secteur de la Santé et les autres programmes institutionnels également ont un encrage important en forêt.
Nous avons privilégié la région forestière compte tenu de sa position géographique, ensuite, parce que c’est une des régions la plus sinistrée, il y a eu beaucoup d’instabilité, de tension… On a un programme d’appui au processus électoral, présidentiel ou législatif.
Par rapport au 10ème FED et par rapport au processus de décaissement certaines sources rapportent que ce décaissement a été conditionné cette fois-ci. Ces personnes pensent que l’UE n’a pas effectivement décaissée ces fonds sous réserve de certaines réformes au niveau de l’Etat, de la Justice, de l’Administration, des Droits de l’Homme…
Oui ce n’est pas des conditions, ce sont des mesures d’accompagnement. Ce que nous faisons c’est un appui au programme des réformes de l’Etat. Nous ne sommes pas là pour décaisser dans le vide, nous sommes là pour appuyer le gouvernement dans son programme. Vous savez qu’il y a une stratégie de réduction de la pauvreté qui identifie les secteurs prioritaires de l’Etat et des actions prioritaires et dans tous les secteurs où nous intervenons, l’Etat avec l’appui des partenaires, non pas l’UE, mais l’ensemble des partenaires élaborent des stratégies sectorielles de réformes avec des actions prioritaires et nous les inscrivons dans les actions prioritaires. Quant on mobilise 20 millions pour la Justice, cela veut dire qu’on renforce le ministère de la Justice. On renforce la magistrature, on appuie éventuellement le Conseil supérieur de la magistrature, on appuie les réformes dans le système pénitentiaire etc…Pour qu’effectivement on ait une justice digne de nom avec des magistrats bien formés, indépendants, qu’ils puissent avoir les moyens d’exercer leur métier. Bien sûr chaque appui sectoriel implique un certain nombre de réforme pour essayer de remédier aux faiblesses du passé, ce qui est bon. Ceci s’inscrit dans la réforme de l’Etat et la modernisation de l’administration. Nous appuyons à travers notre programme un volet institutionnel très important, un volet équipement et un volet infrastructure. Mais il y a une chose, on travaille sur l’institutionnel d’abord pour qu’on puisse gérer les autres aspects. Prenons un exemple du secteur de la Santé. Nous proposons des réformes institutionnelles. Nous allons travailler dans la région forestière. On peut construire des centres de santé mais ceci ne peut être fait sans avoir des médecins, des infirmiers, des réserves de médicaments. Un bâtiment en somme ne peut résoudre les problèmes de santé ! C’est toute la chaîne, la pyramide de santé qui doit être réformée : un personnel rémunéré sur le terrain avec des incitatifs pour faire du bon travail qui soit suivi par la communauté villageoise.
La question est de savoir est-ce qu’il y a des actes à poser de la part du gouvernement guinéen comme la mise en œuvre de l’Accord politique du 3 juillet 2013 pour obtenir ces décaissements ?
Il y a deux parties institutionnelles. Comme je le disais il y a des réformes continues : nous accompagnons des réformes donc notre accompagnement va au rythme des réformes, c’est clair, au niveau des différents secteurs d’une part. D’autre part, il ya une question : Y a t-il un lien entre le portefeuille d’activités de coopération qui doit être mis en œuvre et l’Agenda politique ? La réponse est non ! On a dit clairement dans le passe que le 10eme FED est conditionné par la tenue effective des élections législatives, libres et satisfaisantes. Il n’y a plus de conditions politiques au sens lié aux élections. Ce sont des réformes…Chaque secteur dans lequel nous travaillons, il y a une administration défaillante qui doit être remise à niveau ou prendre un certain nombre de mesures.
A la Justice, on ne peut pas faire de réformes s’il n’y a pas un Conseil supérieur de la Magistrature qui supervise le code de déontologie, le comportement des magistrats…Il y a toute une série de mesures. Dans les finances publiques, tout appui implique la sécurisation des chaînes de dépenses, de recettes, la révision des procédures de la douane…
Dans tous les domaines d’intervention, bien sur, le défi est de renforcer les capacités d’administration afin de rendre les services à la population.
Propos recueillis par Ismael Camara et A. Touré