Quatre jours après des affrontements meurtriers à Kidal, dans le nord-ouest du Mali, les combats ont repris dans la région mercredi 21 mai. Ils opposent des soldats maliens et plusieurs groupes armés, dont des rebelles touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui ont réussi à prendre le dessus sur les militaires.
L’armée cherche à récupérer la grande ville du nord du pays, située à plus de 1 500 kilomètres de Bamako, retombée sous le contrôle du MNLA le 17 mai, après des combats qui ont coûté la vie à une trentaine de soldats maliens, déclenchés lors d’une visite sur place du premier ministre.
Plusieurs villes contrôlées par les rebelles
Le MNLA a déclaré mercredi soir avoir conservé le contrôle de Kidal, qui est son fief, et pris le contrôle d’autres localités de la région avec l’aide de deux autres groupes armés : le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA).
Un porte-parole du MNLA a assuré mercredi soir :
« La situation est calme ce soir à Kidal. Nous avons pris plusieurs villes d’où l’armée a fui, sans combats : Anderamboukane, Ménaka, Aguelhoc, Tessalit, Anefis. »
Des observateurs indépendants ont fait état du même constat. Un membre de l’ONU sur place avait indiqué plus tôt dans la journée que les rebelles armés avaient « pris nettement le dessus sur les forces armées maliennes ».
Lourdes violences
Selon plusieurs sources, dont les bilans sont contradictoires ou manquent de détails, des soldats maliens ont été tués, et d’autres faits prisonniers par les groupes armés au cours de la journée.
Ces derniers ont eux aussi subi des pertes humaines, sans qu’il soit possible de dire le nombre précis de victimes ; un porte-parole du MNLA a indiqué que la coalition des groupes armés avait enregistré dans ses rangs « quatre morts et huit blessés ».
Des témoins contactés sur place expliquent que le principal marché de Kidal a été détruit dans la journée.
« Il ne s’agit pas seulement de tirs, ce sont des combats. Il y a eu des fusillades pendant une heure sans interruption », a raconté un habitant.
Selon un membre de la Minusma, la mission de l’ONU sur place, « le renforcement des positions des uns et des autres ne pouvait déboucher que sur [une telle situation] ».
Appel au cessez-le-feu
Le gouvernement a reconnu que les combats à Kidal avaient tourné en défaveur de son armée. Les militaires ont expliqué mercredi soir avoir dû battre en retraite, affaiblis, selon eux, par des problèmes de coordination et de transmission des renseignements.
Ils ont toutefois promis dans la journée :
« Les combats se poursuivront jusqu’à ce que nous ayons entièrement libéré la ville. Nos hommes sont toujours sur le terrain face aux forces coalisées d’AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique), du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest) et autres trafiquants. »
Mercredi soir, on apprenait néanmoins que « le président appelait à un cessez-le-feu immédiat », selon un porte-parole du gouvernement qui est apparu à la télévision publique.
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, avait plus tôt réclamé « la cessation immédiate des combats » à Kidal, soulignant « en particulier (…) que la protection des civils [était] une obligation qui s’impose à toutes les parties ».
Elément déclencheur des tensions, la visite du premier ministre Moussa Mara à Kidal, le 17 mai, n’a pas eu l’effet souhaité. La volonté de l’Etat malien de réaffirmer son autorité sur l’ensemble du territoire a été vécue comme une grave provocation par la rébellion. Un risque qu’avaient pointé de nombreux diplomates pour convaincre le chef du gouvernement malien de ne pas effectuer ce déplacement.
La nomination, le mois dernier, d’un Haut représentant chargé de relancer des pourparlers, faisait espérer une nouvelle impulsion dans les négociations de paix. « Le premier ministre est rentré à Bamako comme un héros. Et maintenant ? », se demande, amer, un diplomate étranger, interrogé par Le Monde. « Les autorités ont sans doute pensé que cette visite serait, pour elles, une façon de marquer un point. Elle risque de marquer plutôt un pas en arrière ».
Renforts français sur place
Face à cette situation, la France a annoncé qu’une centaine de soldats supplémentaires allait être envoyés dans le pays. L’effectif français de la force Serval va ainsi passer de 1 600 à 1 700 soldats.
Le porte-parole des armées françaises, le colonel Gilles Jaron, a détaillé mercredi soir :
« La décision a été prise de prendre des éléments depuis Abidjan pour les basculer à Gao compte tenu de la période de tension. C’est une centaine d’hommes qui devraient être là en fin de soirée ou demain dans la journée à Gao pour nous permettre de faire face à une contrainte : celle d’amorcer une relève alors que nous faisons face à une période de tension. »
Paris avait décidé mardi de repousser de quelques semaines la réorganisation annoncée de son dispositif militaire dans la bande sahélo-saharienne.