Les tas d’immondices pilulent à Conakry en dépit de la mise à disposition du Gouvernorat de Conakry, à sa tête Soriba Sorel Camara de quelques milliards de nos francs et l’implication des plus hautes autorités du pays pour rendre propre la capitale. Les résultats sont en deçà des espérances.
Guinéetime : Votre constat du problème d’assainissement à Conakry…
Modi Mahi Barry : La propreté de la ville de Conakry interpelle tout le monde. C’est d’ailleurs la chose la mieux partagée dans une ville. Quand une localité est propre, tous les citoyens y tirent des bénéfices.
Conakry connait un état d’insalubrité surtout à l’approche de cette saison pluvieuse.
En tant qu’observateur, on note une forte volonté politique autour de la problématique de l’assainissement de Conakry. Malheureusement, les stratégies qui sont utilisées pour accompagner cette volonté politique ne sont pas conformes. Assainir une ville, est une question de professionnels, de techniciens. Ce n’est pas donné à tout le monde.
La volonté politique, je le répète, est un point fort. Quand nous étions en charge de la gestion des déchets à Conakry, il n’y avait pas de volonté politique, mais une bonne stratégie.
Le point faible est que la structure centrale, le Service public de transfert de déchets ( SPTD), qui doit gérer cette question d’ordures est complètement déstructurée et devenue faible. Et une question de leadership se pose.
Conakry fonctionne à l’image d’une communauté urbaine, il faut donc mutualiser les moyens et non les décentraliser. C’est la première erreur. Il faut mutualiser les moyens à l’intérieur d’une structure qui a une forte capacité d’actions sur le terrain. Ses activités peuvent être décentralisées sur la base de contrat ou une décentralisation contractualisée. En fonction des contrats établis entre le SPTD, les Pme de collecte d’ordures, les communes, les chefs de quartier…à la base on établit des contrats de performance, des objectifs de résultats et des indicateurs clairs. On répartit alors les moyens afin que chaque acteur sache ce qui lui revient comme tâche sur une base claire. C’est la stratégie de façon globale.
Le premier acteur d’un assainissement, c’est la population, puis viennent les communes et le SPTD. Le SPTD, je le répète encore, doit avoir un fort leadership – sinon les départements ministériels risquent de l’envahir- pour répondre aux actions d’assainissement.
Le Gouvernorat de Conakry semble tout gérer et le SPTD est inexistant
Ce n’est pas normal ! La propriété d’une ville est une question de professionnels, de techniciens et ces derniers existent en Guinée. Il y ‘en a même un qui travaille de nos jours au SPTD. Le Gouvernorat de Conakry doit assurer la tutelle rapprochée de ce service public. Le SPTD doit à son tour fonctionner de manière autonome sur la base de son décret de création, de ses attributions et d’un budget élaboré conformément à la réglementation en vigueur. Ces coups de subvention ne peuvent pas assainir la ville.
Facteur important
Les efforts internes de financement des activités d’assainissement doivent être accompagnés par des financements extérieurs. La Guinée a rompu avec la Banque mondiale dans le secteur de la gestion des déchets. Il faudrait que le Gouvernorat de Conakry, en rapport avec le ministère de la Ville, se battent pur que la Banque mondiale fasse son retour. En l’absence de cette institution, il n’y aura pas d’opportunités de financements des investissements dans ce secteur et l’Etat n’a pas les disponibilités budgétaires nécessaires. L’Etat peut financer le fonctionnement du SPTD sur la base d’un budget. Je me résume, il ya actuellement un point fort : la volonté politique, le point faible, le SPTD est affaibli. Les moyens sont décentralisés au lieu qu’ils soient mutualisés.
Ce n’est pas la peine de distribuer des fonds aux élus locaux à la base pour les opérations d’assainissement ?
Dans toutes les capitales africaines, les subventions pour la gestion des déchets n’ont jamais rendu la ville propre ! On peut donner jusqu’à 30 ou 50 milliards gnf de subvention, mais tant qu’il n’y a pas une bonne stratégie dans laquelle les tâches sont reparties, inscrites dans un document dûment signé par les autorités, ça ne marchera pas. Mais tout ceci existe déjà !
Je vous rappelle que c’est la Guinée qui a mis en place le schéma de gestion des déchets de la ville de Ouagadougou (Burkina Faso). C’est encore la Guinée qui a accompagné la ville de Nouatchok pour la mise en place de son schéma de gestion des déchets. Je l’ai fait personnellement avec M. Koulibaly. Le schéma de gestion des déchets de Ouagadougou s’est inspiré de celui de la Guinée. Quand j’ai appris que la Guinée a envoyé des experts à Ouagadougou pour s’inspirer de ce schéma ( encore), j’ai eu des céphalées.
Nous avons des opportunités et des potentialités dans notre pays, on n’en profite pas. Il y a un schéma de gestion des ordures à Conakry qu’on n’utilise pas. Il a été complètement mis de côté et on fait autre chose. Ça ne rendra pas Conakry propre ! C’est mon point de vue. Je pense qu’avec cette volonté, on doit ramener cette stratégie et Conakry sera propre !
A votre époque, il y avait de sérieux problèmes aussi au SPTD…
Quand j’assumais les fonctions de DG du SPTD, le budget annuel était 1 milliard 200 millions gnf, avec la même production de déchets qu’actuellement. Les moyens matériels étaient là. L’appui de la Banque mondiale sur le plan investissement nous a permis de fonctionner. Premier avantage. Le deuxième est que nous avions un système de gestion performant basé sur un budget, celui du SPTD. Les sources de recette étaient identifiées et connues et les comptes étaient audités par un organisme indépendant. Avec ces critères, on ne pouvait pas faire du n’importe quoi avec les ressources. Trimestriellement, nos indicateurs de résultats étaient vérifiés par la Banque mondiale. Je ne dis pas que la ville était extraordinairement, puisqu’on avait des difficultés pour la mobilisation de ce budget annuel. On n’arrivait qu’à mobiliser seulement 600 à 700 millions gnf annuellement. Ceci permettait de fonctionner correctement tous les acteurs déjà cités.
Ce qu’on avait, c’était le leadership parcequ’on n’avait pas d’interférences dans les activités de propriété. Tous les départements qui voulaient intervenir dans le secteur de l’assainissement passaient par le SPTD. Il y avait une coordination et non une substitution du GOuvernorat de Conakry au SPTD. L’avantage de la Banque mondiale est que, même en apportant 10 dollars, le système se crédibilise et la gestion devient transparente.
Avant, il y avait des dizaines de Pme de collecte d’ordures ménagères à Conakry. Celles-ci ont presque disparues….
Effectivement, je vous parlais de stratégies. Avant le SPTD s’occupait du transfert, les Pme étaient dans les zones de collecte, les communes, le long des voies et places publiques et les ongs faisaient de la sensibilisation. Chacun avait un contrat et il y a vait une cinquantaine de Pme de collecte d’ordures. Il y avait un responsable de suivi des activités de ces Pme au SPTD au niveau du projet de la Banque mondiale, le PDU 3. Le mécanisme était bien huilé et ça fonctionnait bien.
Les Pme se sont découragées parcequ’il y a interférences dans les zones de collecte. Ce sont des organisations qui travaillent pour générer des recettes, s’il y en a pas elles se découragent. Leur avantage est que la collecte primaire s’effectue de manière pérenne et c’est le producteur de déchets qui paie la prestation.