vendredi, novembre 22, 2024

Sanaba Kaba aux ministres de la CEDEAO à New York : « 53 pour cent des victimes d’Ebola sont des femmes »

Les ministres de la CEDEAO en charge des questions de femme à New York
Les ministres de la CEDEAO en charge des questions de femme à New York

En marge des travaux de la l’Assemblée des Nations Unies, les ministres de la CEDEAO en charge des questions féminines de la région ont eu une rencontre à laquelle la ministre guinéenne de l’Action sociale a parlé de la femme de son pay et de ses conditions. Lisez

 

 

Mesdames et Messieurs les Ministres en Charge des questions de la femme de la CEDEAO ;

Madame la Commissaire chargée du genre de la CEDEAO ;

Distinguées invités ;

Mesdames et Messieurs ;

L’honneur m’échoit d’adresser en mon nom propre ainsi qu’au nom de la délégation qui m’accompagne mes sincères remerciements aux initiateurs de cette réunion de la CEDEAO sur EBOLA.

Je voudrais joindre à mes sentiments personnels, les vifs remerciements de Son excellence le Professeur ALPHA CONDE, Président de la République, Chef de l’Etat de Guinée.

En effet, l’épidémie Ebola a été officiellement déclarée en Guinée en mars 2014, au moment où, les populations guinéennes s’attendaient aux impacts positifs des efforts énormes du Gouvernement au plan économique et social.

Les réponses apportées par le Gouvernement et ses partenaires pour lutter contre Ebola ont d’abord été principalement d’ordre sanitaire et humanitaire (formation du personnel médical, fourniture de matériels de traitement et de protection, assistance technique extérieure etc.).

Si ces efforts ont permis de la circonscrire, dans certaines limites durant les premiers mois, la propagation du virus s’est rapidement accélérée à partir du mois d’Août pour s’étendre hors de la Guinée forestière, épicentre de l’épidémie, et toucher d’autres pays de la sous-région, notamment le Libéria et la Sierra-Léone. Ainsi, d’un total de 49 cas confirmés enregistrés au courant du mois de juillet 2014 dont 33 décès, ce bilan a atteint 3.080 cas dont 2034 décès en janvier 2015. Notons que 65% des personnes contaminées sont de la tranche d’âge de15-49 ans et que 53% des victimes sont des femmes.

 Mesdames et Messieurs ;

Les décès des femmes actives enregistrés a exacerbé la vulnérabilité des enfants/adolescents, en particulier des filles, qui deviennent automatiquement la relève de leurs mères décédées, dans la prise en charge des travaux domestiques, y compris les soins aux malades, les exposant davantage au virus Ebola, à la précarité et à d’autres formes de violences. Cette situation accroit les sollicitations auprès des services sociaux.

Par rapport à la santé de la reproduction, l’épidémie a provoqué une peur chez les femmes enceintes qui fuient les formations sanitaires parce que craignant d’être contaminer. Cette peur a aussi gagné le personnel de santé qui déserte les centres de santé et n’offre plus les soins nécessaires pour les femmes qui ont le courage d’y aller. Cette situation a augmenté le risque de décès maternel et néonatal.

Les données récentes collectées sur le terrain ont révélé une réduction de l’utilisation des services de santé de la reproduction, en particulier dans la région forestière (épicentre de la maladie pendant près de 10 mois). On note une réduction de près de 10 à 25% sur les consultations prénatales et de 7 à 20% sur les accouchements assistés dans les services de santé, alors que ces services sont gratuits, et une proportion de décès maternels évaluée à 50% des accouchements. Ensuite, il est rapporté que 90% des femmes enceintes infectées par la maladie à virus Ebola risquent de mourir de la maladie, tandis que le taux de mortalité est plus faible (75%) pour les autres personnes infectés.

Quant aux violences basées sur le Genre, les données collectées dans les centres VBG indiquent que le nombre de VBG déclaré en 2014 à Kankan, depuis l’apparition de l’épidémie est 1,4 fois supérieur à celui déclaré avant l’apparition de l’épidémie. Il a été enregistré deux fois plus de viols en 2014 qu’en 2013. A Nzérékoré, on note que le nombre global de cas de VBG déclarés en 2014 est quatre fois plus élevé que celui de 2013.

En ce qui concerne la pratique de l’excision, malgré les textes de lois en vigueur, elle reste perçue par la majorité des officiantes, des leaders des associations féminines et le personnel de santé, notamment dans les deux préfectures (Gueckédou et Macenta) fortement touchées par l’épidémie (au cours d’une étude menée en décembre 2014 sur la vulnérabilité des femmes et des filles) comme un acte identitaire.

S’agissant des enfants, le nombre d’orphelins dus à Ebola identifiés (février 2015) est de 4.229. 67% des enfants orphelins d’EBOLA sont d’âge scolaire dont 33% de moins de 5 ans. Parmi les orphelins identifiés à ce jours, 45% ont perdu leurs pères, (34%) leurs mamans et 21% les deux parents. Les filles rendues orphelines par EBOLA constituent 47% du nombre total.

Aussi, 100% desdits enfants orphelins sont des communautés et de familles déjà très pauvres qui sont dans l’obligation d’accueillir une moyenne de 4 enfants orphelins pour des familles dont la taille moyenne était déjà de 6.9 enfants (enquête légère sur la pauvreté : ELEP 2012). Quant au nombre total d’enfants affectés (orphelins, séparés, non accompagnés) est estimé à 120.000.

 Mesdames et Messieurs ;

A divers égards l’épidémie a aggravé une situation sociale déjà difficile. En plus des effets susmentionnés, l’épidémie a réduit les investissements et la croissance, cela compromet les efforts pour l’accès des femmes, des enfants et personnes âgées aux services sociaux de base. Elle affecte les moyens d’existence des populations dans les communautés les plus pauvres, entraînant des pertes de revenus au plan économique et une détérioration des moyens de subsistance, le tout éloignant d’avantage le pays des perspectives de l’atteinte des OMD à court et moyen termes.

A ces effets nocifs, il faut ajouter la stigmatisation, la peur et le manque de confiance chez tous les enfants, femmes dont la vie a été exposée directement ou indirectement par EBOLA. Aux seins des familles, les multiples décès ont conduit à la rareté des ressources, bref à la difficulté de satisfaire les besoins de subsistance.
Aussi, l’accès à un mécanisme formel de protection sociale reste très limité, il est essentiellement réservé à quelques employés du secteur moderne.

Ensuite, du fait de l’épidémie, on observe aussi une rupture de l’entraide communautaire pour les travaux champêtres, et même un recul de l’entraide sociale. La méfiance et la stigmatisation ne concernent pas seulement les familles qui ont connu des cas de contamination, elles poursuivent aussi les malades guéris. Ces derniers sont rejetés par leurs voisins, leurs collègues et même par certains membres de leur famille.

 Mesdames et Messieurs ;

Dans le cadre de la prévention, les efforts de mon Département se sont focalisés sur la mobilisation sociale dans les lieux publics de regroupement des femmes, les écoles et centres d’accueil des enfants et des personnes handicapées. Cette démarche a été renforcée par la distribution de kits de prévention, de vivres et non vivres.

Pour briser les poches de résistance, l’implication des femmes leaders a été la stratégie principale que nous avons utilisée, notamment dans les préfectures du littoral, pour les deux derniers mois (Conakry, Coyah, Forécariah et Dubréka).

Au titre des évaluations, mon département a réalisé une évaluation et deux études :

 Une évaluation des besoins psychosociaux et de protection des enfants dans le contexte EBOLA ;
 Une étude d’impact social de la maladie à virus EBOLA sur la population guinéenne ;
 Une étude socio-anthropologique en appui à la riposte nationale de la maladie a virus EBOLA.

De ces études et évaluation, les progrès enregistrés sont fondamentalement dans le domaine de la protection des enfants :

 Formation de 60 formateurs nationaux en soutien psychosocial et gestion des cas ;
 Démultiplication de la formation en soutien psychosocial et gestion des cas en faveur de plus de 600 acteurs locaux de protection de l’enfant (processus continu) ;
 Construction/équipements d’un centre de transit à Guéckédou (un des principaux centres de traitement d’EBOLA) pour les enfants qui accompagnaient leurs mères suspectées d’EBOLA ;
 Identification et réinsertion familiale/communautaire de 4.229 enfants orphelins d’EBOLA ;
 Octroi de cash transfert pour 44% des enfants orphelins d’EBOLA identifiés (1.860) ;
 Appui en fournitures scolaires pour 2000 orphelins en âge scolaire (activité en cours) ;
 Réalisation de 2,080 visites domiciliaires dans les familles d’accueil des orphelins d’EBOLA ;

 Mesdames et Messieurs ;

Au titre des défis, je voudrais souligner trois points essentiels :

 Le développement du travail social (formation et mise à disposition des assistants sociaux pour les personnes guéries et affectées dans les différentes communautés) ;
 La mobilisation des ressources nécessaires à la relance des activités des femmes, la prise en charge des enfants orphelins, la réinsertion socioprofessionnelle des filles affectées ;
 La mise en place d’un mécanisme de protection sociale pour les nombreuses personnes rendues vulnérables par EBOLA.

 Mesdames et Messieurs ;

Dans le domaine social et en fonction des attributions de mon Département nous avons élaboré un plan de relance qui se décline sur trois ans (2015-2017) et s’articule autour de six (6) axes que sont :

1. La Mobilisation Sociale ;
2. La Prise en charge des victimes et personnes affectées ;
3. La mise en place d’un mécanisme de Protection sociale et le développement du travail social ;
4. La Lutte contre les inégalités et les violences basées sur le genre ;
5. L’Appui à l’autonomisation des femmes ;
6. L’Appui institutionnel au Ministère de l’Action Sociale, de la Promotion Féminine et de l’Enfance.

Le coût total des actions envisagées est de 19 694 000 US, conformément au plan budgétisé en annexe.

 Mesdames et Messieurs ;

En raison du poids social découlant des conséquences de la maladie à virus EBOLA, notamment :

 l’augmentation des charges des femmes,
 l’accroissement du taux de vulnérabilité (enfants, jeunes, femmes) ;
 la perte d’emplois de nombreuses femmes du secteur informel ;
 l’accroissement des besoins de protection sociale chez les personnes âgées, etc…

Je sollicite auprès de la CEDEAO, la recherche de fonds spécial en faveur de la relance des activités d’autonomisation et de promotion économique des femmes.
Vive la coopération internationale

Je vous remercie

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