Il avait déjà annoncé son intention de se présenter à la présidentielle. On connaît désormais la date de son possible retour en Guinée. Et c’est une exclusivité RFI. L’ancien président de la transition guinéenne Moussa Dadis Camara dit avoir l’intention de rentrer en Guinée entre le 20 et le 25 juin, pour déposer sa candidature. Reste à savoir s’il pourra réellement rentrer… Moussa Dadis Camara était à la tête de l’Etat lorsque l’armée a massacré plus de 157 personnes et violé des centaines de femmes au stade du 28 septembre, c’était en 2009.
Les enquêtes judiciaires sont toujours en cours. Pourquoi cette candidature ? S’agit-il d’une stratégie pour échapper à de possibles poursuites ? Moussa Dadis Camara est l’invité de Florence Morice ce matin.
RFI : Avez-vous l’intention de vous rendre en Guinée prochainement pour déposer officiellement votre candidature à la présidentielle ?
Moussa Dadis Camara : Bien sûr. Je suis un citoyen guinéen, au vu de la Constitution guinéenne rien ne peut m’empêcher de me rendre dans mon pays natal, de me présenter comme candidat à l’élection présidentielle.
Avez-vous fixé une date pour votre retour ?
J’ai fixé une date dans le courant du mois de juin, entre le 20 et le 25. Pour une question de principe et de règlement, je me dois le devoir de leur envoyer un courrier officiel, leur demandant que leur frère, leur fils, juge nécessaire de rentrer à partir de tel jour.
Que ferez-vous si le président Alpha Condé s’oppose à votre retour, sachant qu’en 2013, lors des obsèques de votre mère, vous n’aviez pas pu vous rendre à Conakry ?
Si cela se passait, ce ne serait pas démocrate. Le président Alpha, j’ai eu confiance en lui lorsqu’il a été investi en disant qu’il est le Mandela de la Guinée. S’il a dit qu’il est le Mandela de la Guinée, il ne pourra pas s’opposer.
A l’annonce de votre candidature, Thierno Sow, le président de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme, a estimé que votre retour dans le jeu politique était une insulte faite aux victimes du massacre du stade du 28 septembre 2009. Est-ce que la vérité ne doit pas être un préalable à votre candidature ?
Je ne sais pas si c’est un grand juriste. Ce n’est pas une insulte. Au vu de la Constitution, j’ai le droit de me présenter à l’élection présidentielle.
Au-delà de la Constitution n’avez-vous pas un devoir moral ?
Le devoir moral, c’est ce que je suis en train de faire. Si j’ai jugé nécessaire de me présenter candidat à l’élection, j’ai voulu mettre fin à l’instrumentalisation ! Le dossier du 28 septembre est devenu un moyen d’instrumentalisation pour avoir l’électorat de mes sympathisants. En disant : voilà… Votez pour monsieur x. Si vous votez pour lui, alors Dadis Camara va avoir l’immunité juridique. De tromper les gens pour dire : si vous ne votez pas pour cet homme-là, ils vont l’amener devant à La Haye, ce n’est pas normal. On ne doit pas mélanger la politique et la justice !
Pensez-vous pouvoir vous présenter à l’élection présidentielle, tant que la vérité n’a pas éclaté sur le massacre du 28 septembre 2008 ?
Cette vérité va éclater ! Ça n’empêche pas ! Je ne suis pas à l’abri de la loi.
Si vous étiez inculpé accepteriez-vous de venir vous expliquer devant les juges ?
Même étant président, même candidat à l’élection présidentielle, mon choix serait de passer un jour devant les juges, devant la communauté nationale et internationale, pour dire ma part de vérité. Je reste à la disposition de la justice guinéenne à n’importe quel moment et devant le barreau guinéen. Le dossier du 28 septembre ne doit pas être un objet pour aller conquérir l’électorat de mes sympathisants en disant : « Nous allons reconnaître l’immunité juridique pour Dadis ».
Vos chances de remporter l’élection sont très minces. Votre parti est implanté en Guinée forestière, mais pas sur le reste du territoire. Vous parlez d’instrumentalisation. Est-ce que vous n’êtes pas en train de négocier votre immunité contre le ralliement de l’électorat de la Guinée forestière ?
La corruption n’est pas une culture pour moi. Si j’avais l’intention de négocier, je n’allais pas me présenter comme candidat à l’élection présidentielle, je serais resté dans les coulisses à Ouagadougou. Il n’y a plus de négociations concernant le dossier du 28 septembre.
Alors, revenons si vous le voulez bien à ce qui s’est passé le 28 septembre 2009. Pourquoi avoir décidé ce jour-là d’envoyer l’unité d’élite de la Garde présidentielle dans ce stade où se déroulait une manifestation autorisée et alors qu’il n’y avait pas d’émeute en ville ?
Avez-vous les preuves juridiques ? Avez-vous les preuves que j’ai envoyé des gens ?
En tant que chef des forces armées c’est vous qui déteniez l’ultime commandement et vous avez déjà reconnu avoir envoyé les hommes sur place ce jour-là.
Je suis tenu, obligé 100% à rentrer dans les détails. Mais je crois que c’est les juges qui pourront me poser cette question. Sinon, j’aurais la prétention de me défendre et je n’ai pas l’intention de faire justice. Commandant en chef des forces armées ; il y a une structure, il y a un ministre de la Défense, il y a des chefs d’état-major particuliers. C’est comme si on disait : un président est le premier magistrat d’une Nation. Cela ne veut pas dire qu’il assume le rôle du ministre de la Justice. Non ?
Les auteurs du rapport des Nations unies sur le sujet, vous citent comme un des principaux responsables du massacre et estiment au minimum que votre responsabilité pénale est engagée.
Si les Nations unies l’ont fait, les Nations unies aujourd’hui ont besoin d’un jugement et que ce jugement prouve à suffisance les preuves dont vous venez de parler, pour dire que j’ai ordonné, j’ai dit aux gens d’y aller. C’est pour cette raison que je ne voudrais pas outrepasser la compétence des juges. Ce serait me justifier. On n’est plus à l’heure de la justification. J’irai devant les autorités compétentes ! Et ça dépendra maintenant de leurs convictions. Moi je ne ferai que donner ma part de vérité.
RFI