La mise en examen par la justice française de l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), Lamine Diack, pour corruption passive et blanchiment aggravé, fait écho au séisme qui secoue la Fifa depuis fin mai.
Après la Fifa et le football, sport le plus populaire au monde, l’athlétisme, sport olympique N.1 : depuis quelques mois, des scandales majeurs de corruption ébranlent les institutions sportives et révèlent certaines pratiques mises à mal par l’exigence de transparence, estiment des experts.
Perquisitions, gardes à vues, mises en examen. Le vocabulaire sportif s’est enrichi de termes juridiques et, au bord des stades, les spectateurs sont parfois désormais des agents du FBI et des juges d’instruction.
La mise en examen par la justice française de l’ancien président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), Lamine Diack, pour corruption passive et blanchiment aggravé, fait écho au séisme qui secoue la Fifa depuis fin mai. Son emblématique président, Sepp Blatter, a été contraint de se mettre en réserve, alors que plusieurs responsables de la Fifa et du football mondial sont accusés de corruption par la justice américaine.
« C’est dur à admettre mais c’est ainsi, les grandes instances sont corrompues. On en avait eu un avant-goût avec l’attribution des JO à Salt Lake City, même si le CIO a depuis apporté des corrections », affirme à l’AFP Michaël Tapiro, fondateur de Sports Management School, une école internationale (Paris et Lausanne) spécialisée en management du sport.
Avant les JO d’hiver de Salt Lake City en 2002, deux membres du comité de candidature avaient été accusés d’avoir versé des pots-de-vin à des membres du CIO.
« Le combat (contre la corruption) a commencé il y a 20 ans, dans tous les domaines. Le sport était un peu en retard. Mais maintenant, il y a beaucoup plus d’informations. Il est difficile de cacher les choses », analyse auprès de l’AFP Sylvia Schenck, responsable du dossier sport à Tranparency International, une ONG spécialisée dans la lutte anti-corruption basée en Allemagne.
– Question de génération ? –
« Il y a plus de pression du public, des politiciens, des sponsors », poursuit-elle.
Diack, 82 ans, Blatter, 79 ans, et avant eux Juan Antonio Samaranch (81 ans à son départ du Comité international olympique, le CIO) : ces caciques à l’âge avancé se sont souvent vu reprocher des pratiques clientélistes qui ouvrent la porte à des risques de corruption. Tout est-il donc une question de génération ?
Pas vraiment, répond Sylvia Schenck, pour qui « le risque existe à tous les niveaux, du plus bas au plus haut. Plus il y a d’argent, de puissance, plus le risque de corruption est grand. Même avec les nouvelles générations, le risque existe toujours. C’est pourquoi il faut travailler sur les structures, les règles et la culture de l’organisation sportive », argumente-t-elle.
« Le modèle sportif a été réinventé à partir de 1945, avec les nouveaux JO et les Coupes du monde couplées avec les diffusions télévisuelles qui en ont fait des évènements planétaires, rappelle Michaël Tapiro. Le système est devenu autre chose que du simple sport, avec des enjeux financiers énormes, qui peuvent transformer des villes ou des pays ».
Les deux experts se rejoignent sur le fait que les instances sportives sont à un tournant de leur histoire.
« Je suis très optimiste », souligne Sylvia Schenck. « On sait maintenant qu’on peut toucher presque tout le monde dans le sport et qu’il est donc légitime de combattre la corruption ».
« De gré ou de force, ça doit basculer, souligne Michaël Tapiro. Il faut de nouveaux dirigeants issus du sport business, des passionnés qui auront la vertu de pouvoir annoncer des sommes et des flux financiers en toute transparence afin que sport et argent puissent faire bon ménage. »