Guinée-Conakry : Dans son discours de circonstance désormais mémorable, le président de la Cour constitutionnelle Me Kèlèfa Sall a prévenu le président de la République Alpha Condé en ces termes: « Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes ».
« Excellence Mesdames, messieurs, les Chefs d’Etat
Excellences Mesdames les premières dames
Mesdames et messieurs, les chefs de gouvernements
Mesdames et messieurs, les chefs de délégations
Distingués représentants des pays frères et amis
Mesdames et messieurs, les présidents des institutions constitutionnelles
Mesdames et messieurs, les membres du gouvernement
Excellences Mesdames et messieurs, les ambassadeurs et représentants des organisations internationales
Honorables invités
Mesdames et messieurs, tout protocole respectueusement observé
Monsieur le Président de la République, Pr Alpha Condé
La Cour constitutionnelle a reçu votre serment et vous installera dans vos fonctions de président de la République le 21 décembre 2015, conformément à la Constitution. Avant ce jour, permettez-moi de mettre à profit cette circonstance pour m’adresser à vous et à travers vous, à mes compatriotes dont je sollicite l’attention.
L’élection présidentielle du 11 octobre était à certains égards, source de risques de troubles sociaux. Les Guinéennes et les Guinéens en votant massivement dans le calme et la sérénité avec un taux de participation de 68,43% ont déjoué tous les scenarii imaginés.
En cela, ils ont démontré leur maturité politique. C’est par sa capacité à mobiliser aux heures difficiles pour construire ce qui est essentiel à son destin de dignité qu’un peuple grave l’image que l’histoire retiendra de lui. C’est donc tout naturellement vers ce grand peuple que vont mes premières félicitations. Les Guinéens dans leur majorité et le Tout puissant et miséricordieux ont voulu que ce soit vous, Pr Alpha Condé, qui présidez aux destinées de notre pays. Telle est la loi de la démocratie. La gouvernance par la majorité et ce, dans le respect de la minorité.
Monsieur le Président de la République,
Dernier terme de la gloire humaine, la fonction de président de la République est caractérisée par la brutale coexistence entre notoriété et suggestion. C’est là tout le paradoxe de vos responsabilités futures. Vous serez à la fois premier et second, serviteur et maître, supérieur et subordonné. Vous vous êtes engagés solennellement à respecter la constitution et les décisions de justice, à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale. Par cet acte, vous venez de faire une déclaration de loyauté et d’engagement signifiant que force doit rester à la loi et que nul n’est au-dessus de la loi. C’est cela un État de droit, et l’état dans lequel aussi bien l’Etat dans lequel les citoyens sont soumis sans distinction à l’autorité de la loi. Vous avez été élu le 11 octobre 2015 pour continuer la lutte du peuple de Guinée contre la misère et l’immoralité.
La confiance que nos concitoyens viennent de vous renouveler est une reconnaissance pour l’effort fourni et les résultats obtenus au cours d’un mandat marqué par une crise sanitaire inattendue et sans précédent et une série de manifestations politiques. Malgré ce contexte, vous avez pu réaliser des exploits.
Pourtant, il y a cinq ans, en prenant en main les destinées de la Guinée, il y avait beaucoup à faire ou à refaire si bien qu’aujourd’hui encore ce qui reste à faire est énorme. Mais dédramatisons
Pour vous reprendre: « si vous avez devant vous une montagne à franchir, il faut un jour commencer à grimper. Vous n’atteindrez pas tout de suite le sommet mais au moins auriez-vous fait un premier pas. » Votre premier mandat a été votre premier pas et il n’ y a que le premier pas qui coûte.
Monsieur le Président de la République,
Votre jugement de vos devanciers est sévère et sans appel et peut se résumer à cette question. Qu’ont fait nos dirigeants de ce fabuleux potentiel que Dieu a donné à la Guinée? Seule l’histoire détaillante et analysante donnera la réponse à cette question. Je fais remarquer seulement que vous avez placé la barre très haut pour vos successeurs.
C’est dire à quel le choix renouvelé du peuple vous oblige à davantage de prouesse pendant votre second et dernier mandat. Ce mandat s’annonce très difficile pour vous car après avoir réalisé des exploits inattendus, le peuple croit que vous pouvez et devez solutionner tous ses maux. A cet instant précis, je ne doute point que l’un de vos soucis est de laisser l’image positive d’un homme d’Etat visionnaire talentueux et bâtisseur de la Guinée moderne. Vous êtes déjà rentré dans l’histoire pour avoir amorcé avec succès le défi de l’électrification de la Guinée par la construction du barrage de Kaléta.
Les chantiers de l’éducation de qualité pour tous, de la couverture sanitaire universelle, de la lutte contre l’impunité, de la préservation et de la récupération des domaines publics et maritimes, de la sécurité de nos concitoyens et de leurs biens, des emplois durables et décents, de la poursuite des investissements dans le secteur de l’électrification ou enfin d’une administration d’Etat figureront certainement parmi les priorités de votre quinquennat.
En tant que président de la République, vous devez être le rassembleur, au-dessus des partis politiques, des contingences. C’est là votre défi. Et comme l’a dit un de vs admirateurs qui a longtemps partagé vos peines et vos joies, Alpha Condé s’est aménagé avant l’heure et de manière constante les habitudes et aptitudes d’un homme de défis.
A cet instant précis, toute la Guinée prie afin que vous soyez l’homme de la situation.
La Cour, en sa qualité de régulatrice de fonctionnement et des activités des pouvoirs législatif et exécutif et les autres organes de l’Etat, vous encourage à accélérer l’intégration de toutes les énergies, de toutes les compétences et de toutes les expertises pour la cohésion sociale et le développement durable de notre chère Guinée.
Guinéennes et Guinéens,
Chers compatriotes?
« La Guinée est une famille », nous le disons à toutes les occasions. Alors unissons-nous dans la fraternité pour mieux nous connaître, nous comprendre, nous apprécier, nous aimer, et rester toujours solidaires. N’excluons personne. Encourageons et favorisons le débat inclusif dans la richesse que constitue, en plus de celle du sol et du sous-sol, notre diversité ethnique et culturelle. Faisons en sorte que désormais, gouvernants et gouvernés, membres ou non des partis politiques, acceptent que les affaires de l’’Etat ne soient le bien de personne. Elles appartiennent au peuple qui en délègue la gestion temporaire, non pas à un maître comme on a souvent tendance à le penser, mais à un serviteur.
Monsieur le Président de la République,
Sur le chantier de l’histoire, ceux qui sont devant sont ceux qui sont en vus. Veuillez constamment avoir à l’esprit que quand on est devant, l’on doit être le référentiel tandis que lorsqu’on est derrière personne ne vous regarde. Alors, demain, ne dites pas que les Guinéens vous fatiguent ou vous agacent considérez seulement qu’ils vous en demandent un peu trop.
La conduite de la nation doit nous réunir autour de l’essentiel. Ne nous entourons pas d’extrémistes qui sont nuisibles à l’unité nationale. Évitez toujours les dérapages vers les chemins interdits en démocratie et en bonne gouvernance. Gardez-vous de succomber à la mélodie des sirènes révisionnistes car, si le peuple de Guinée vous a donné et renouvelé sa confiance, il demeure cependant légitimement vigilant.
Monsieur le Président de la République,
Permettez-moi, au nom de la Cour et en mon nom personnel, de vous présenter à vous et à votre famille mes félicitations pour votre élection pour un second mandat de cinq ans.
Que le Tout-puissant et miséricordieux vous accorde longue vie, bonne santé et ainsi que les ressources morales et intellectuelles nécessaires pour mener à bien votre noble , délicate et difficile mission.
Permettez-moi également de remercier les éminentes personnalités présentes dans cette salle, de féliciter les 7 autres candidats pour la considération et le respect des voix exprimés pour eux par nos concitoyens ainsi que tous les acteurs de la vie nationale pour leur appel au calme et à la cohésion nationale.
Monsieur le Président, soit prêt dès le 21 décembre pour que vive la Guinée. »