En Guinée, l’opposant Bah Oury est rentré dans son pays natal après quatre ans et demi d’exil. Il avait été condamné à la prison à perpétuité en 2013 suite à la tentative d’assassinat du président Alpha Condé. Le chef de l’Etat guinéen l’a finalement gracié fin décembre 2015. Son retour divise son parti, l’UFDG, principale force d’opposition. Cellou Dalein Diallo, président de l’UFDG, réaffirme son leadership et appelle les militants à l’unité et à la tolérance.
RFI : Le vice-président Bah Oury de retour, quelles seront les conséquences pour votre parti, l’UFDG ?
Cellou Dalein Diallo : Nous nous réjouissons d’abord de la décision prise par le président de la République de lui accorder sa grâce. Nous avions à l’époque diffusé un communiqué pour saluer ce décret parce nous sommes convaincus que Mr Bah Oury a été condamné à tort. Nous avons décidé de lui réserver un accueil chaleureux. En tant que président du parti, j’ai demandé à tous les militants de se mobiliser pour le recevoir. C’est un prisonnier qui vient de retrouver sa liberté, il a été absent malgré lui de son pays pendant plus de quatre ans. C’était tout à fait normal que les militants expriment leur joie.
Bah Oury n’exclut pas de «travailler » avec Alpha Condé. Ce discours va à l’encontre de celui de l’UFDG qui juge l’élection du chef de l’Etat illégitime ?
Je pense que Bah Oury sera amené à faire un choix. Soit il s’inscrit dans l’opposition comme son parti, et en ce moment son rôle c’est de dénoncer la mauvaise gouvernance et les dérives dictatoriales de Mr Alpha Condé, soit il veut collaborer avec Alpha Condé. Dans ce cas, il faudra tirer les conséquences.
Bah Oury, devant les militants de l’UFDG, se définit comme l’incarnation de l’unité. Ce à quoi vous répondez : «Je suis le président de l’UFDG »…
Tout en étant aussi et surtout l’incarnation de l’unité. Tous les observateurs savent à quel niveau se trouvait l’UFDG quand j’y suis arrivé. Naturellement, mon premier objectif a été d’implanter le parti dans tout le territoire, dans les 304 communes rurales. Nous sommes devenus un parti national. En six mois, j’en ai fait la première force politique du pays. Et le premier tour de l’élection présidentielle de 2010 l’a éloquemment démontré. Nous avons participé aux élections législatives malgré la fraude massive dont on a été victime et nous avons pu avoir 37 députés sur 113. Ce n’est pas rien.
A l’élection présidentielle de 2015, on s’est battu également et nous avons fait des résultats. Tout le monde a vu la mobilisation suscitée par ma visite dans l’intérieur du pays et à l’occasion de mon retour à Conakry. C’est grâce au travail des équipes que nous avons constituées à notre arrivée à la tête du parti. On ne peut pas dire aujourd’hui que tout le mérite revient à Mr Bah Oury. C’est vrai, il a fait partie du groupe qui a requis l’agrément de l’UFDG mais qui a apporté les militants ? Je suis l’un d’entre eux et sans doute le plus important.
Et pourtant Bah Oury remet en cause votre leadership ?
Nous venons de tenir le congrès il y a six mois. Les 70 fédérations étaient représentées. Mr Bah Oury aurait pu se présenter comme candidat à la présidence. Rien ne l’en empêchait. Il était candidat à sa succession, il a été élu comme vice-président. Au prochain congrès, il pourra préparer sa campagne et se présenter à la présidence du parti, je n’aurais pas d’objection. On sera en compétition dans le respect des règles démocratiques.
Mais pour l’instant, je suis le président du parti. Les rôles sont clairement définis. Les vices-présidents assistent le président et exécutent toutes missions confiées par le président dans leur domaine de compétence. Je vais exercer pleinement mon rôle.
Certains reprochent le manque de démocratie dans les instances décisionnelles de votre parti…
Ce sont des griefs qui ne sont pas fondés. Nous avons des débats. Ce que je n’accepte pas c’est qu’après que le parti ait pris une décision, une autre position soit défendue dans la presse. Il y a des débats parfois rudes entre nous mais une fois que la décision est prise à la majorité, ça devient la décision du parti. Chaque militant, chaque responsable a l’obligation de s’y soumettre, même si cela ne reflète pas son point de vue.
A cet égard, j’ai rassuré les militants. Je n’ai pas répliqué aux attaques de Bah Oury, j’ai appelé au rassemblement, à la tolérance, au pardon, s’il y a des frustrations pour qu’on mesure l’importance des enjeux. L’enjeu, c’est d’abord l’unité et la crédibilité du parti. Il faut un parti avec un seul discours. On ne peut pas avoir le discours du président et du vice-président. Sinon c’est le désordre et je n’accepterai pas le désordre.
RFI AFRIQUE