Guinée-Conakry : Des femmes séropositives en Guinée font face à certaines difficultés pour suivre leur traitement antirétroviral, même à titre gratuit.
« Quelques fois je manque de transport »
«Je loge à Kagbélén (à plus de 30 km du «Centre Dream » , sa structure de prise en charge), je suis séropositive, mère de deux enfants. Mes frais de transport à l’aller et au retour me coûtent 16.000 gnf (soit moins de 2 euros). Quelques fois je manque de transport pour venir au Centre de traitement» chuchote Mme C.R, rencontrée dans ce centre.
Comme cette dame sait bien utiliser son traitement, elle ne se présente qu’une seule fois par mois au centre pour recevoir ses médicaments antirétroviraux.
Malgré ses difficultés économiques, cette jeune mère au foyer a pourtant fait beaucoup d’efforts. Ses deux enfants, âgés de 2 et 3 ans, sont sortis du programme PTME ( Prévention de la Transmission de la Mère à l’Enfant) de ce centre de traitement spécialisé sis à Donka, dans la commune de Dixinn. Les enfants n’ont pas été infectés.
«Aucun membre de ma famille, y compris mon mari n’est au courant de mon statut ici. Comme c’est une situation qui pèse sur moi, je ne peux pas le dire. Il y a des moments, je ne peux pas bouger de la maison. Donc, je peux rater mon rendez-vous » poursuit Mme C.R.
«Des femmes séropositives abandonnent le traitement »
En présence de la Coordinatrice du Centre Dream, la malade a du mal à avouer qu’elle a « besoin d’aide ». En réalité, il lui faut de l’argent pour respecter ses rendez-vous.
Le centre Dream, supporté par la Communauté Sant’Egidio et des « personnes de bonne volonté », a ouvert ses portes depuis 2006 en Guinée. Actuellement, « près de 4.000 personnes vivant avec le VIH/SIDA sont sous traitement antirétroviral dont 70 % de femmes ». Le traitement est gratuit.
Sur les 120.000 personnes vivant avec le VIH en Guinée, plus de la moitié sont des femmes (68.000). Un peu plus du quart seulement (33 .000) du nombre total de malades est sous traitement ARV, note-t-on dans le Rapport ONUSIDA 2015 sur la Guinée.
«Dans nos sociétés, le poids de la famille pèse sur les épaules de la femme. Elle doit s’occuper de l’éducation des enfants, des travaux ménagers et si d’aventure elle est séropositive, elle doit se présenter au centre de traitement pour avoir des médicaments. Tout ceci combiné, pousse certaines femmes séropositives à abandonner le traitement ou à être irrégulières au rendez-vous. Donc , nous les appelons pour insister sur la nécessité pour elles de continuer la thérapie » affirme Fatoumata Sylla, Coordinatrice du Centre Dream.
La cellule PTME du dispensaire Saint Gabriel de Matoto, haute banlieue de la capitale guinéenne, a été ouverte par le Centre Dream pour éviter les cas d’abandon de femmes enceintes, dépistées positives à Matoto. Elles étaient auparavant référées au centre Dream à Dixinn.
«Conditions de pauvreté extrême »
Selon le constat de la coordinatrice de ce centre, certaines abandonnaient le traitement à cause des frais de transport. L’aller/retour de Matoto au Centre Dream s’élève à 8.000 gnf, un peu moins d’un euro !
«La majorité des femmes séropositives qui abandonnent sont illettrées. Il peut arriver qu’elles n’ont jamais entendu parler de cette maladie. Donc si le councelling n’est pas renforcé et la femme bien consciente de son statut sérologique, elle peut abandonner » justifie Fatoumata Sylla, comme une autre cause de l’abandon du traitement.
Six mois après, lorsque l’effet de la maladie se fait sentir, celles qui ont abandonné reviennent au traitement, nous signifie-t-elle. En plus de cela, elle note que «la stigmatisation dans la communauté et la peur de dévoiler son statut sérologique au mari« , sont également des causes d’abandon du traitement aux ARV.
En Guinée, le niveau de la discrimination envers les personnes vivant avec le VIH SIDA est très élevé : de 80.1 pour cent, selon le Rapport Onusida 20015.
Fatoumata Lamarana Baldé, Sociologue au Canada, a travaillé sur un échantillon de 12 femmes en situation d’abandon de traitement à Conakry et dans la préfecture de Kissidougou, située à plus de 500 km de la capitale guinéenne.
«Ces femmes vivent donc dans des conditions de pauvreté extrême. Cette faiblesse ou absence de revenus a des conséquences sur la poursuite du traitement antirétroviral à plusieurs égards et notamment les difficultés pour ce qui concerne le transport pour se rendre sur les lieux du traitement, le logement dans la ville où sont donnés les soins, la nourriture, l’achat des médicaments, l’obligation du dévoilement du statut sérologique ainsi que pour de l’aide de la famille et des réseaux ».
Source : Amadou Touré, in Le blog des journalistes de Santé