Pays-hôte de la grande fête du football africain, le Gabon traverse une double crise politique et économique à l’heure d’accueillir samedi la Coupe d’Afrique des Nations (jusqu’au 5 février), que des opposants rêvent de transformer en tribune contre le président Bongo.
Des appels au boycott ont été lancés par des membres de la société civile soutenant Jean Ping, l’opposant N.1 à la réélection en septembre dernier d’Ali Bongo Ondimba, qui s’est auto-proclamé « président élu ».
Dans son édition de vendredi, l’hebdomadaire d’opposition Echos du Nord appelle ses partisans à se rassembler samedi dans un quartier populaire de Libreville pour « célébrer la liberté » avec M. Ping, au moment où se tiendra la cérémonie d’ouverture de la compétition à l’autre bout de la ville.
Après le scrutin du 27 août, le Gabon, petit pays relativement prospère de 1,8 million d’habitants, avait vécu un épisode de violence sans précédent avec des manifestations d’opposants sévèrement réprimées, un millier d’interpellations et des morts (entre cinq et plusieurs dizaines).
Les appels au boycott sont le fruit d' »une petite minorité qui oublie qu’il s’agit d’une compétition sportive », a lancé le président Ali Bongo Ondimba en inaugurant en début de semaine les nouveaux stades de Port-Gentil et Oyem.
« Derrière ces critiques, il n’y a simplement que de la jalousie et rien que de la jalousie », a ajouté M. Bongo.
Fin décembre, la ministre des Sports Nicole Asselé a fait état de possibles troubles. « Les services de renseignements assermentés indiquent que ces actes de sabotages projetés par ces citoyens (…) toucheraient l’ensemble des sites d’attraction retenus, tant en dehors qu’à l’intérieur des stades de compétition ».
– Sécurité des supporters –
« Nous prendrons toutes les dispositions nécessaires à leur quiétude tout au long de la compétition et au-delà et aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des stades », a-t-elle ajouté. Jeudi, le ministre de l’Intérieur a rencontré une délégation des 15 pays participants pour leur assurer que la sécurité des supporters serait assurée.
Les rumeurs et l' »agit-prop » fusent sur les réseaux sociaux. Un homme se présentant comme ingénieur demande ainsi aux Gabonais de ne pas se rendre aux stades car « il y a d’énormes risques d’effondrement des gradins des stades d’Oyem et de Port-Gentil ».
La CAN-2017 doit aller de pair avec « un programme de développement économique », a lancé le président Bongo, dont le pays se bat contre de graves difficultés financières comme ses voisins d’Afrique centrale touchés par la baisse des prix du pétrole depuis 2014.
La Banque africaine de développement (BAD) a d’ailleurs annoncé cette semaine qu’elle allait débloquer un prêt de 130 milliards de FCFA (environ 200 millions d’euros) pour aider le Gabon à relancer et diversifier son économie.
A l’heure où le rappeur français Booba va animer la cérémonie d’ouverture samedi, les grèves se poursuivent dans plusieurs secteurs économiques, comme les salariés de la société pétrolière Shell dans la capitale économique Port-Gentil ou les enseignants des lycées.
Hasard du calendrier ou pas, la CAN-2017 commence alors que le Gabon vient de lancer une d’opération « main propre » anti-corruption sans précédent, avec le placement en détention de deux anciens puissants ministres (Economie et Pétrole) soupçonnés de détournement de fonds.
Les organisateurs ont mis en vente 500.000 billets avec des prix allant de 500 FCFA à 40.000 pour la finale (de 0,75 à 60 euros). Mercredi, une petite centaine de supporteurs attendait la fin de l’entraînement des Panthères à l’extérieur d’un stade de Libreville. Ils n’ont vu que le car passer.
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