Conakry, Guinée : En Guinée, le rideau est tombé sur la date du 3 Mai, marquant la fête mondiale de la liberté de la presse, sans que les vrais maux qui minent la corporation ne soient suffisamment évoqués.
La fête et les beaux discours d’intention, rassurez-vous, ne suffiront pas à régler les problèmes, les maux qui assaillent la presse nationale.
Avant d’aller au fond, chers concitoyens, faites cet exercice avec moi ! Comptons dans les rares kiosques de vente de journaux du pays, pardon de Kaloum et Dixinn, les quotidiens, les hebdos ou les mensuels guinéens qui sont très réguliers.
En fin de compte, on les compte du bout des doigts. L’AGEPI, l’association qui regroupe les éditeurs de la presse privée, en sait quelque chose.
Dans ces kiosques, on a quelque fois l’impression que les journaux « importés », la plupart d’expression française, sont plus nombreux et occupent l’essentiel des rayons. Ce qui suffit à dire que l’actu nationale disparaît des kiosques de vente de journaux de Conakry. Et de surcroît, le citoyen guinéen est sevré d’informations de proximité.
Cette malheureuse situation a désormais la vie dure. Depuis quelques années, la précarité a installé ses tentacules dans les salles de rédaction de Conakry et par ricochet, à celles de l’intérieur de la Guinée. Des titres ont disparu des radars de la Haute Autorité de la Communication !
Ceux qui résistent, au-délà des grands groupes de presse qui ont plus de quinze ans d’existence, le sont pour bénéficier de la maigre subvention annuelle que l’Etat alloue à la presse privée.
Les plus malins, fatigués d’être à la maison, ont simplement migré vers la presse en ligne où ils continuent à grossir le nombre. Et pour quel résultat?
Lorsque vous faites un tour dans certains sièges de radio et Tv du pays, vous vous rendrez compte qu’en dehors du confort apparent des salles climatisées, la misère frappe de plein fouet les hommes de médias.
Tenez, dans un Rapport publié en 2014 par l’ong « Alternative citoyen », mené par des journalistes, 20 patrons de presse sur 26 ont reconnu n’avoir aucun contrat de travail avec leurs employés.
Déficit de formation
La presse guinéenne est un domaine privilégié pour toute personne qui aura échoué dans son secteur d’origine ! Les rédactions sont envahies par des gens qui n’ont rien à avoir avec le métier du journaliste. Je soutiens fermement la rigueur -avec une main de fer- avec laquelle la Haute Autorité de la Communication délivre les nouvelles cartes professionnelles du journaliste.
Si cette démarche régalienne de la HAC n’arrive pas à extirper des rangs de journalistes ces « envahisseurs », il revient donc à la rédaction, aux associations de presse, ongs ou même à l’Etat, d’aider à leur formation. Dieu seul sait leur nombre et l’impact négatif de ce groupe sur la corporation.
Un vrai débat, on aurait pu l’organiser. Cela pour réfléchir et trouver des pistes de solutions idoines. Car même la présidente de la HAC, Martine Condé, ne s’y trompe. Ils sont les vrais mots, pardon des maux de la presse guinéenne.
« En Guinée, la liberté d’entreprendre a conduit à la floraison d’organes de presse. Cependant, peu d’entre eux sont des entreprises de presse financièrement solides et économiquement viables. A cela s’ajoutent la précarité de l’emploi dans les médias privés et l’insuffisance de la formation des personnels. Ces problèmes affectent la liberté et la responsabilité du journaliste dans le traitement de l’information. »
L’une des solutions de la précarité de l’emploi dans les médias, est sans nul doute la signature d’une Convention collective. Tout le monde le sait. Et depuis quelques mois, le jeune syndicat des journalistes s’active sur le terrain. Mais là il y a question.
Comment une entreprise, incapable de faire face à ses charges simples de fonctionnement, peut se faire hara-kiri en acceptant de signer un contrat avec son personnel?
Ce n’est pas la joie pour les patrons lorsque les colonnes de leurs journaux ou leurs temps d’antenne sont vides de publicité. Ou lorsque les prix sont simplement « cassés » par le client.
Selon un Etude publiée en mars 2015 sur « le paysage médiatique guinéen : état des lieux, enjeux et défis », il reste assez de chemin à parcourir.
« La «viabilité des médias » est pour l’heure illusoire et favorise un modèle économique fondé sur une très faible – voire nulle – rémunération du personnel, qui conduit les journalistes à se plier à la pratique du « nèm-nèm » : les donneurs d’informations deviennent donneurs d’ordre et offrent aux journalistes « le prix du transport », voire davantage. La marchandisation éditoriale est généralisée et le temps d’antenne « non commercialisé » est, in fine, proche de zéro. La faible durée d’exercice et la mobilité professionnelle des équipes témoignent de l’impossible stabilisation du secteur en l’état. La taille des structures en est également un autre indice : seuls 18 % des médias privés ont plus de 20 collaborateurs (et 24 % à Conakry). Un sur quatre compte moins de 5 professionnels et 4 sur 10 à Conakry. Le budget moyen annuel – pour ce qui est des radios privées – est de l’ordre de 200 millions de GNF (25 000 €). À titre de comparaison, au Burundi, pays de population similaire et de contexte médiatique proche en dépit de toutes les différences, deux tiers des organes médiatiques ont aujourd’hui plus de 10 ans d’existence, plus de 40 salariés et un budget annuel de fonctionnement supérieur à 400 millions de FBU (228 000 €, soit 1,8 milliard GNF). »
Le syndicat des journaatlistes, les associations de presse, la HAC, l’Etat, l’Assemblée nationale, les multinationales établies en Guinée, etc….doivent dialoguer pour trouver les moyens de renflouer les caisses des rédactions. ça y va de l’intérêt de la liberté de la presse, et simplement de la Démocratie.