Conakry, Guinée : l’émission « Papier Plume Parole », dédiée à la Culture, revient pour le bonheur des téléspectateurs de télévision guinéenne (RTG). Avec 34 d’existence, la légende va continuer. L’animateur Mohamed Salif Keita, journaliste-écrivain, ouvre son coeur à votre quotidien. Entretien
Guinéetime : On a appris le retour de cette grande émission littéraire « Papier plume parole » sur les antennes la RTG, parlez- nous en ?
Mohamed Salif Keita : Oui, nous sommes de retour. il est vrai que nous sommes restés pendant 34 ans sur les chaines de la télévision nationale. Aujourd’hui, ce come back a été suscité par les téléspectateurs, ils sont près d’un millier à œuvrer dans ce sens. D’ailleurs nous allons vous montrer sur LinkedIn, sur Twiter et facebook, ces sollicitations. Vous savez le déclic est parti d’un passage du directeur général de la RTG sur Espace Fm, qui a parlé de l’absence de cette émission sur les antennes.Mais, au demeurant, nous avions nos raisons de prendre du recul, après avoir travaillé plus de trois décennies dans une émission qui est connue en Guinée, en Afrique et dans le monde Francophone, y compris le Canada.
Certaines choses vous poussent à l’hibernation, en somme à la réflexion. Comme vous voyez, nous sommes revenus en commençant par une soirée thématique, avec des dames : la plume guinéenne au féminin. Rassurez-vous donc, nous n’allons pas abandonner. Le public ne sera plus sevré. Comme disent les Guinéens, trois générations de Guinéens sont venues boire à la lie de cette émission qui est devenue « un patrimoine et une institution » à notre insu.
Quels sont les grands changements qui seront apportés à l’émission ?
D’habitude, nous faisons du talk show, mais cette fois nous essayons de mettre ensemble les livres qui sont dans la veine thématique à travers des soirées thématiques de haute facture. Vous savez, en matière de télévision, il y a des soirées qu’on peut consacrer à un sujet pris sous moult angles. C’est ce qui fait la force d’une chaîne de télévision comme ARTE, une chaîne de télévision franco Allemande, transnationale où nous avons travaillé dans les années 2000 à la direction des relations internationales.
Par ailleurs, nous avons consacré notre thèse de troisième cycle sur ARTE: « Arte et le Dialogue Interculturel » . Nous sommes très séduit par les soirées thématiques d’Arte. C’est pour cette raison que nous avons commencé avec des dames qui ont toutes écrit des livres fabuleux. Vous savez, les femmes sont assez timides en matière d’écriture. Elles y accèdent très difficilement, en ce moment il y a un engouement qu’il faut accompagner.
Tenez vous bien, d’autres vont suivre. La prochaine fois, Boubacar yacine Diallo et Mody Sory viendront présenter leurs ouvrages. Yacine a écrit un livre sur les pas du feu Général Conté et Mody Sory quant à lui, a écrit un livre aussi sur les pas du feu Ahmed SEKOU TOURE. Pour nous, au cours de ces soirées, nous faisons des études comparatives de ces oeuvres littéraires.
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Toute cette démarche méthodologique sera soutenue par l’omniprésence des éléments extérieurs constitués par des reportages sur les espaces de diffusion la culture livresque: tels que l’Harmattan Guinée, pour savoir comment l’équipe de Sansy Kaba fait pour éditer tous ces ouvrages ? La maison du livre : comment nous faisons pour éditer les livres chez Tabala? Comment les maisons d’édition se sont installées ici? Retracer l’historique de l’implantation des maisons d’édition en Guinée. Nous savons que cela a commencé par la SAEC (la société africaine d’édition et de communication) du professeur Djibril Tamsir Niane qui a été dotée dernièrement d’une bibliothèque: un don du chef de l’État guinéen. le professeur Alpha Condé.
Les admirateurs de l’émission « Papier Plume Parole » ont longtemps été sevrés de cette émission. Qu’est ce qui explique cette longue interruption ?
D’abord nous avons dû prendre du recul, nous vous l’avions dit de façon couverte tout à l’heure, pour avoir travaillé dans une boite pendant plus de trois décennies, n’est pas à négliger. Vous savez, nous avions fait la promesse aux amis de par le monde que nous fêterons les 32 ans de notre émission. Nous en avions profité pour écrire à la direction générale de la RTG, qui n’a pas bougé d’un iota, nous avons écrit au ministère de la culture qui n’a pas aussi bougé d’un iota. C’est le lieu ici de rendre hommage à Monsieur Sansy Kaba qui avait compris le sens de cette démarche.
Faut-il signaler que dejà à l’occasion du 20ème anniversaire de cette émission, nous avions réuni dans la capitale guinéenne des grands écrivains francophones, de grands journalistes, éminents critiques littéraires ici au centre culturel Franco-Guinéen. Nous avions été soutenus par une société de téléphonie mobile de la place qui s’installait. Son ancien directeur, Hassane, était un littéraire qui admirait beaucoup notre émission. Nous avions été aussi soutenu par l’Etat avec l’aide du Général Lansana Conté. Nous avons pu inviter des écrivains, des journalistes qui ont logé à l’hôtel de l’indépendance, actuel Novotel, au frais de l’Etat guinéen. L’évènement s’est très bien passé au Centre culturel franco-guinéen. Cet événement ressemblait à celui de mon ami Sada Kane, animateur de « Regards » une émission littéraire de L’ORTS au Sénégal, qui a bénéficié du soutien du président Abdou Diouf. Il nous a tous reçu là-bas et l’évènement a été exceptionnel.
Par ailleurs à l’occasion des 20 ans de papier plume Parole, nous avions été invité par notre ami Patrick Poivre D’Arvor dans son émission littéraire » Vol de Nuits ». Lui et son frère Olivier Poivre D’Arvor, aujourd’hui ambassadeur de France en Tunisie, sont des amis qui ont soutenu cette initiative en nous invitant sur TF1. Nous y sommes passés pour parler de Papier plume parole. Oui !!! de la Guinée, dire, comment fait -on pour rendre pérenne une émission littéraire en Afrique, particulièrement en Guinée pendant deux décennies. Pour les 32 ans aussi, nous avons demandé de l’aide au Ministère de la Culture, ce n’est pas venu, heureusement que Sansy Kaba faisait à la même période l’évènement « Conakry, capitale mondiale du livre ». Nous avions pu inviter toutes les sommités littéraires, venues de la France, de l’Allemagne, de l’Autruche, des Etats-Unis, du Sénégal, de la Mauritanie et d’ailleurs.
C’etait un événement important pour des jeunes guinéens, qui découvraient pour la première fois l’écrivain Alioune Fan Touré qui avait fait presque 40 ans, sans mettre pieds en Guinée. Donc, tous ces intellectuels se sont réunis pour rehausser le niveau des débats. En ces temps là, Conakry a été la capitale de l’intelligentsia francophone et ce, pendant une semaine grâce à cette émission. Il y a eu des reportages des chaines de télévisions étrangères pour magnifier l’oeuvre accomplie. Ce fût une réussite, seule touche noire, ce fût le trépas D’Alimou Camara, President du Comite Scientifique de cet événement, l’un des plus grands critiques littéraires d’Afrique, mort ici dès suite de crise cardiaque.
En sommes, après cette attitude d’indifférence des autorités de la la RTG, où vous avez donné 32 ans de votre vie, à un moment donné, vous prenez du recul pour réfléchir sur l’attitude des uns et des autres. Mais dernièrement, quand le DG de la RTG est passé sur les ondes d’Espace, le public s’est remué sur LinkedIn. Des milliers de personnes ont dit de revenir, nous acceptons l’appel du public.Mais là aussi, il y a eu des petits problèmes de diffusion. La Direction Générale de la RTG dit que cette émission ne peut être programmée la nuit, mais pendant la journée. Une émission de ce genre passe la nuit, normalement. Mais nous, on collabore, on accepte qu’elle passe à 16 heures les samedis. L’émission a toujours son public, puisque c’est le public qui la réclamée. D’ailleurs sur les Réseaux sociaux, il ya de l’engouement du public d’ici et d’ailleurs. Allez-y regarder!
Le papier plume parole existe en magazine, comment se porte- t-il ce projet ?
Le magazine 3p+, qu’on appelle le magazine de la nouvelle Afrique, se porte très bien. Les seules difficultés que ce magazine peut avoir : il est édité en France. Par conséquent, il est un magazine concurrent à certains magazines internationaux. Par notre volonté, elle tient la route depuis 25 ans. Et depuis, nous faisons en sorte que la Guinée soit présente dans ce milieu-là. Aujourd’hui pour perpétuer son existence, nous avons besoins de publicité. Le dernier numéro est consacré à la BICIGUI qui a fait un grand effort pour cette parution, le prochain c’est avec Kamsar Petrolium, de M. Louis Camara qui est à la Une, parallèlement nous produisons un autre hors-série, où nous mettons à la Une le chef du gouvernement Dr Ibrahima Kassory Fofana.
Un mot pour vos admirateurs ?
Nous remercions tous les téléspectateurs qui ont demandé à ce que nous revenions.
Nous sommes maintenant conscients que nous n’avons pas travaillé pendant 34 ans pour rien. Nous avons travaillé pour notre pays, nous lui avons donné notre jeunesse, notre talent, notre intelligence et aussi notre créativité. Nous avons réellement travaillé pour ce pays! Nous pensons que nous avons fait le meilleur de nous-mêmes. Nous vous remercions pour avoir demandé de revenir sur les antennes de la télévision nationale. Avec votre volonté, nous y sommes et malgré les couacs, nous allons y arriver, nous allons encore persévérer. Comme vous le dites, cette émission est « Un Patrimoine, une Institution »,
Voici maintenant le nouveau slogan que devez reprendre et faire perpétuer partout où besoins sera: Papier plume Parole 34 ans d’existence la légende continue.