Au Mali, tôt ce mercredi 19 août au matin, les militaires mutins ont appelé à une transition politique civile conduisant à des élections et annoncé la création d’un Comité national pour le salut du peuple. Les militaires au pouvoir ont affirmé par ailleurs que tous les accords internationaux seront respectés.
Bérets bleus, marron ou verts, vissés sur la tête… Ils sont cinq officiers supérieurs de l’armée malienne, assis devant la caméra. D’autres sont debout dans la salle. Ils sont quasiment tous des officiers supérieurs.
« Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l’Histoire », a déclaré sur la télévision publique ORTM le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’Air.
Les militaires, qui ont pris le pouvoir au Mali et poussé à la démission le président Ibrahim Boubacar Keïta, déclarent vouloir mettre en place une « transition politique civile » devant conduire à des élections générales dans un « délai raisonnable ». La continuité des services publics sera assurée.
Qui sont les mutins ?
En plus du colonel-major Ismaël Wagué, chef d’état-major adjoint de l’armée de l’Air, il y a un autre officier supérieur parmi eux : on reconnaît également le colonel Malick Diaw, chef de la 3e division militaire de Kati. C’est un des cerveaux du putsch. Il connaît parfaitement le camp militaire d’où sont parties les opérations.
Il a également d’autres officiers : Sadio Camara, par exemple. C’est un colonel de l’armée qui revient à peine de Russie, où il était en formation. Il a joué un rôle clé. Et dans le noyau des putschistes, il y a également d’autres officiers supérieurs de la gendarmerie, de la police et de l’Armée de l’air. C’est donc un coup d’État d’officiers supérieurs nous décrit notre correspondant à Bamako, Serge Daniel.
Pour le chercheur indépendant Marc-André Boisvert, interrogé sur RFI, ces militaires sont d’ailleurs beaucoup expérimentés que ceux ayant fait le putsch de 2012 : « Si on compare à 2012, ce sont des officiers qui ont un bon curriculum vitae et qui ont de l’expérience. Cela se voit déjà juste à la façon dont ils ont formulé leur intervention. Ils savent actionner les leviers pour tenter de rassurer la communauté internationale et tenter de rétablir un dialogue. En 2012, jusqu’à la dernière minute, on ne savait pas à qui l’on avait affaire. Et les putschistes à ce moment-là étaient nettement moins expérimentés en communication. Pendant près d’une semaine, on ne savait pas trop on allait. »
Les engagements internationaux respectés
Dans cette déclaration, Ismaël Wagué assure également que tous les accords internationaux seront bien respectés. Il précise enfin que des forces telles que la Minusma (force de l’ONU) ou encore Barkhane, le G5 Sahel et la force Takuba « demeurent des partenaires pour la restauration de la stabilité ». « Tous les accords passés », notamment le processus d’Alger signé en 2015, seront respectés.
Dans l’édition spéciale de RFI ce mercredi matin, Ibrahim Maïga, chercheur à l’Institut de Sécurité de Bamako, souligne, l’importance de pouvoir faire cette transition rapidement pour éviter tout risque d’instabilité : « C’est un temps qui peut être mis à profit par les groupes extrémistes violents et terroristes pour non seulement propagés l’insécurité à l’intérieur du pays. Mais au-delà de la question des groupes armés qui essayeront de profiter de ce vide institutionnel, la question se pose aussi sur les ex-groupes rebelles. Et même si le comité national pour le salut du peuple tend la main à ses groupes dans le cadre de la poursuite de la mise en œuvre de l’accord de paix, on peut encore s’interroger sur la réaction de ces anciens groupes rebelles. »
De son côté, Jean-Pierre Lacroix, aussi invité de l’édition spéciale de RFI, secrétaire adjoint de l’ONU aux opérations de paix, reste sceptique face au coup de force malgré le discours des militaires de ce matin : « On ne peut pas se satisfaire de la manière dont les institutions démocratiques et constitutionnelles ont été interrompues par la force. Les pays de la région l’ont exprimé d’une manière très claire. Je note que la CEDEAO a annoncé un certain nombre de mesures, mais aussi une délégation de haut-niveau qui devrait se rendre prochainement à Bamako. Et nous soutiendrons ces initiatives. »
Il rejoint M. Maïga sur les risques engendrés par cette prise de pouvoir : « Mais il y a un risque : un vide constitutionnel qui risque d’aggraver les problèmes auxquels le Mali fait face. Il est essentiel qu’un retour à un fonctionnement normal des institutions du Mali se fasse le plus rapidement possible. Nous soutiendrons tous les efforts en cours. »
Le discours du CNSP dresse aussi un tableau sombre de la situation du pays, dénonçant pêle-mêle le « clientélisme politique », la « gestion familiale des affaires de l’État », la « gabegie, le vol et l’arbitraire ». Cette mutinerie est le résultat d’une grogne sensible depuis plusieurs mois dans l’armée.
Les arrestations de hauts responsables militaires et civils
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Pas un mot, en revanche, sur l’avenir du président IBK, ni sur les responsables politiques arrêtés mardi. Dans les couloirs, ils annoncent qu’ils vont mettre à la disposition de la justice un certain nombre de personnes soupçonnées d’avoir détourné de l’argent dans le cadre de la moralisation, raconte notre correspondant à Bamako, Serge Daniel.
Mais le problème, c’est que pour le moment, il n’y a pas eu d’annonce sur ces arrestations. Un putschiste interrogé par RFI dans la nuit de mardi à mercredi, explique : « Nous prenons la garantie que rien n’arrivera. On ne touchera pas un seul cheveu des personnes interpellées et arrêtées ».
En dehors du président et du Premier ministre, les membres du CNSP ont notamment arrêté le chef d’état-major des armées et quasiment tout l’état-major, c’est-à-dire, les hauts gradés de l’armée, des chefs d’état-major des différents corps. Il y a également, le ministre de la Défense, qui est entre leurs mains et celui de la Sécurité, qui est un général.
Parmi eux, il y a également des civils dont nous sommes sans nouvelles ou qui sont arrêtés : le président de l’Assemblée nationale, qui a d’ailleurs été dissoute, et puis des ministres, comme celui des Finances ou le ministre de la Justice dont nous sommes sans nouvelles.
RFI