vendredi, mai 17, 2024

Culture: “Je veux qu’on me reconnaisse à travers ma musique” (SEKOUBA BAMBINO)

Conakry-Guinée : Musicien immense au propre comme figure, Sékouba Bambino est un artiste de renommée internationale qui afflûta ses premières armes dans la formation orchestrale de Manden Kono de Siguiri. Son succès a été immédiat avec sa voix de rossignol, car de Siguiri, il est copté par le Bembaya Jazz avant d’être sollicité par le groupe Africando, groupe au sein duquel, il s’offre une visibilité internationale avec son titre « Apollo ». Chantre de la liberté et d’amour, Bambino est un messager adulé du continent. Prince d’afro rock du mandingue, Bambino n’avait que sa fougue et sa jeunesse comme atouts. Il avait aussi conscience de la misson à accomplir en tant qu’artiste qui sait melanger les mélodies traditionnelles africaines et la musique rock dont il exploite le rythme. De la rue au sommet de la gloire, Bambino raconte ici son parcours artistique dans un entretien qu’il nous a accordé.

Guineetime.info : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Sékouba Bambino Diabaté : Je suis Sekouba Bambino Diabaté, griot de naissance, fils de feu Elhadj Baba Diabaté et de feue Djeli Mariama Samoura, chanteur, compositeur et arrangeur. Je suis né en 1964 à Kintinya, préfecture de Siguiri, dans la région de la Haute Guinée. Après mes études primaire à Siguiri centre, j’ai décidé de ranger mes affaires scolaires au profit de la musique à bas âge. Je vous le dis sans me tromper, j’ai commencé la musique depuis le berceau malgré que mon père ne voulait pas que j’exerce ce métier, mais je ne m’empêchait pas de continuer de chanter. Oui ! Parce que je suis né pour chanter, c’est ce que je sais faire et je continue à le faire

Où et quand avez-vous commencé votre carrière musicale ?

Bien entendu, j’ai commencé au bercail ici même en Guinée pour la première fois. C’est à Kankan que j’ai chanté devant le public en 1976. Cette première sortie devant le public m’a permis d’intégrer l’Ensemble instrumental de Siguiri, précisement dans le quartier qui s’appelle Révolution Band en 1977. Ainsi, en 1979, j’ai été recruté au Manden Kono ou l’orchestre fédéral de Siguiri comme chanteur principal à la même année. Nous avons été au rendez-vous artistique, c’est-à-dire au festival national Manden kono était de la partie. En qualité de chanteur leader de cette formation d’aloes, j’ai damé les pions avec ma prestation devant des spectateurs enthousiasmés. Sur scène après la prestation, j’ai eu des applaudissements, des félicitations et encouragements de la part du public au Palais du people. Franchement, j’ai été ovationné par les mélomanes de Conakry à cause surtout de mon âge puisqu’à l’époque je n’avais que 14 ans. Après ce festival, l’orchestre Bembaya qui avait perdu son chanteur charismatique, le leader de la section vocale (feu Aboubacar Demba Camara), ainsi le feu Président Ahmed Sekou Touré a sollicité mon intégration dans le groupe ce qui fut fait. Avec Bembaya, j’ai connu le monde des artistes avant de partir dans le groupe Africando. Avec l’experience, je me suis lance dans la carrière solo depuis 1990.

Le surmon Bambino,  comment l’avez-vous eu ?

Le surnom Bambino est venu du Bembaya lorsque j’ai intégré ce groupe orchestral en 1982. Dans cet orchestra, j’ai trouvé qu’il y avait deux Sekou : Sekou le gros et « Sekou Bembaya » ou le petit Serous, le redoutable guitariste qu’on appelait Diamond  Fingers. Étant alors le plus petit, Sekou le gros a toute suite trouvé le sobriquet “Bambino » qu’il m’a collé. Ce qui veut dire le Bambin ou le plus petit du groupe. Dons, c’est comme cela que j’ai eu ce petit nom « Bambino ».

A ce jour, combien d’albums avez-vous sur le marché musical ?

Personnellement, je ne compte pas mes albums, mais si j’ai bonne mémoire, je crois avoir produit une dizaine d’albums d’après mon manager Moussa Moïse Diabaté.

Avec tous ces albums, quel est ta chanson préférée ou celle que vous aimez le plus ?

C’est bien-sûr mon morceau fétiche que j’aime le plus qui est connu du monde « Kassoumama » ou aussi « Apollo ». J’ai un amour pour cette chanson parce qu’elle a été composée pour la première fois par ma chère et tendre maman. Et chaque fois que je chante cette chanson sur scène où ailleurs, je ressens une certaine force en moi. Ce qui me galvanise davantage et du coup, c’est la silhouette de ma mère que je vois en face de moi en quelque sorte. Je reçois sa bénédiction et comme si par télépathie, j’échangeais avec elle. Que son âme repose en paix.

Brièvement parlez-nous de votre participation dans le groupe Africando ?

Bon c’est vrai qu’au sein de ce groupe Africando, j’étais là aussi le plus jeune, mon aventure dans ce groupe m’a permis d’améliorer les qualités et les valeurs musicales sur lesquelles je travaille aujourd’hui. Quand j’étais là-bas, on m’appelait « Bambinos »et non Bambino qui est maintenant grand, qui a la barbe blanche. Au sein de cette formation, j’étais entouré par des anciens de la musique africaine, donc pétri d’expériences, des personnalités que je considèrais comme mes pères. Ma traversée dans Africando a été une expérience pour moi parce que mon integration dans ce groupe m’a apporté assez de bonheur autant dire qu’Africando a été une école pour moi d’où une réussite parfaite pour ma personne.

Dans votre carrier, quels sont les titres ou récompenses qui vous ont réellement marqué ?

Ah ! Il y a en pleins, mais ce qui m’a beaucoup marquee, je me souviens le jour où pour la première fois, j’ai chanté devant le feu Président Ahmed Sekou Touré au Palais du people, c’est quelque chose  qui m’a beaucoup touché au fond du Coeur. Parce que j’étais très petit, je n’avais que 14 ans à l’époque au Palais. Quand j’ai fini de chanter, le Président Sekou Touré est monté sur scène pour me féliciter, je ne peux rien au monde oublier ce jour-là et il y a aussi le jour qu’on m’avait donné le disque d’or avec Africando à travers le titre « Apollo » de ma maman. Voilà pourquoi, je dis que ce titre m’a toujours couronné de bonheurs. Après la remise, je me suis déplacé pour venir présenter ce disque d’or à la Guinée, ces deux repères-là bien qu’il y en a beaucoup, je ne saurais les oublier.

Ressentez-vous une différence entre la musique guinéenne d’hier et celle d’aujourd’hui ?

Ah oui ! Cela est dû à une question de génération. Sinon il y a un changement notable. C’est comme notre temps et celui de nos prédécesseurs, il y a et il y en aura toujours de différences entre les generations, cela y va avec l’évolution du monde. Le monde d’aujourd’hui évolue avec la technologie, autrement dit les artistes de nos jours sont assistés par les ordinateurs, tandis qu’avant, il n’ y avait pas cela. Tout était fait par les artistes eux-mêmes. Ce que nous faisions en 10 jours, les artistes  aujourd’hui le font en une heure et cela grâce à la technologie.

Est-ce que cette évolution du monde n’est pas en train de pousser la nouvelle génération guinéenne à ignorer les vraies sonorités et les rythmes guinéens ?

Évidemment que oui ! Parce que nous sommes complexés, influencés par d’autres musiques étrangères qui ne sont pas nos propres musiques. Aujourd’hui, nous faisons ce qu’on appelle copier-coller, c’est-à-dire on utilise les paroles guinéennes, mais avec un rythme soit américain, nigerian ou ivoirien s’il faut même dire français qui n’a rien avoir avec le rythme guinéen. C’est aussi le gros problem, pourtant nous avons des jeunes qui sont très talentueux et valeureux. Partout où je vais pour un concert, quand vous suivez ma prestation, vous écoutez ma musique, vous vous rendez compte automatiquement qu’il s’agit de la musique guinéenne. En fait, vous vous sentez en Guinée, vous vous dites que c’est de la musique Mandingue, c’est vrai que la musique n’a pas de frontiers, mais moi je veux qu’on me reconnaisse à travers ma musique. Quand je chante qu’on dise effectivement, c’est Bambino. Dons, je veux que nos fans qui nous écoutent, qui achètent nos CD soient toujours émerveillés en écoutant les propres sonorités de leur pays afin qu’ils nous portent confiance toujours comme auparavant. On peut changer certaines choses, mais n’acceptons jamais de transformer ce qui est à nous, préserverons nos valeurs culturelles. Voilà ce conseil que je peux donner à la nouvelle génération.

Avez-vous un message à lancer à l’endroit de la nouvelle génération et au ministère de la Culture ?

A la nouvelle génératio,n je lui dirai de continuer à se battre pour la promotion de la culture guinéenne, car il y a un adage de chez qui nous dit : “Quel que soit la durée d’un tronc d’arbre dans l’eau, il ne deviendra jamais crocodile”. Quant au ministère des Sports, de la Culture et du Patrimoine historique, je ne cesserai jamais de le remercier à cause des efforts inlassables qu’il fournit pour la valorisation de la culture guinéenne. Je lui demande et l’encourage à toujours garder cet élan pour le bon développement de notre pays et de continuer à aider nous les artistes comme il l’a toujours fait. Par anticipation, je lui souhaite une bonne et heureuse année 2021.

Votre mot de la fin

Je profite de l’occasion que vous m’offrez pour adresser mes sincères condoléances au monde culturel guinéen et africain, particulièrement à tous ceux qui ont perdu leurs proches cette année 2020. Car nous avons connu cette année la disparition des grandes icônes de la musique guinéenne et africaine. je prie Dieu pour le repos de leurs âmes et qu’il leur accorde sa miséricorde et les accueille dans son paradis éternel.

Interview réalisée par

Saraf Dine Condé

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