samedi, avril 20, 2024

Guinée : A la recherche de démocratie équitable !

Conakry-Guinée : La société guinéenne vit actuellement un nouveau chapitre de son histoire, suite au putsch du 5 septembre 2021, qui a conduit à l’arrestation du Président Alpha Condé par les éléments du Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD), conduit par le Lieutenant-Colonel Mamady Doumbouya, un ancien légionnaire de l’armée française.

En effet, après plus de 62 ans d’indépendance, la République de Guinée continue encore à se chercher afin de sortir du marasme économique et politique en vue de construire l’Etat de droit.

L’épisode  récent de l’actualité guinéenne (coup de force 5 septembre) qui a suscité un intérêt particulier pour de nombreux observateurs locaux et qu’étrangers, voire certains grands décideurs du monde, laisse néanmoins une fenêtre d’analyse et de comparaison de l’histoire contemporaine du pays.

Premier pays indépendant d’Afrique occidentale française depuis le 02 octobre 1958, la Guinée s’est activement investie dans les mouvements de libération nationale de l’Afrique comme en Algérie en abritant le GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) ; le PAIGC  (Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap Vert). Depuis le début des années 90, elle s’est vue entourer de pays de plus en plus menaçant à causes des guerres civiles comme au Libéria en 1989, en Sierra Léone en 1991 et plus récemment depuis les années 2000 en Côte d’Ivoire qui est pourtant son premier partenaire économique de la sous-régions. La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite après l’Australie et dispose de la première réserve mondiale.

En remontant un peu plus le temps, l’analyse de l’évolution sociopolitique et économique de la  Guinée sous les deux premières Républiques nous donnera une idée de ce que deviendra la Guinée et ses peuples après cinquante-quatre années d’auto gouvernance. Après la proclamation de son indépendance le 2 octobre 1958, en dépit de l’aide symbolique que la Guinée recevra du Ghana et des pays communistes d’Europe et d’Asie, le retrait brutal des fonctionnaires, de l’assistance technique et de l’aide financière de la France va de tout de même provoquer un grave déficit des finances publiques de l’ordre de 2,8 milliards de FCFA en 1959 . Vu cette situation, la Guinée n’aura d’autres recours que de créer, le 1er mars 1960, sa propre monnaie : LE SYLI . Après cette réforme monétaire, dès novembre 1960, le commerce extérieur sera placé sous le monopole de l’Etat, monopole exercé par le comptoir guinéen de commerce extérieur (CGCE). La tendance dirigiste se manifeste également dans d’autres branches de l’économie, notamment par la nationalisation des entreprises de productions et de services. De cet échantillon de mesures prises juste après 1958, il apparait clairement que si la Guinée était devenue le chantre des luttes de libération coloniale. Un régime socialiste régit par un seul parti politique, le PDG-RDA. Après dix ans de rupture totale avec la France (1965-1975), synonyme de dix ans d’isolement pour la Guinée, Ahmed Sékou Touré amorcera finalement un tournant décisif qui le conduira  à ouvrir la Guinée à l’extérieur. En effet, dès 1975, il entreprend de renouer avec la France, un processus conçu et mené avec une grande opiniâtreté par le diplomate français André Lewin, aboutira à l’arrivée en visite officielle du président français Valéry Giscard D’Estaing, le 20 décembre 1978  en Guinée. Ce voyage consacrera la réconciliation définitive entre la Guinée et la France. Une fois les relations Guinéo-françaises normalisées, un processus similaire sera employé pour réconcilier la Guinée avec les pays voisins. Cette réconciliation sera possible grâce au sommet de Monrovia organisé en mars 1978.

Deuxième République

Suite à l’annonce du décès d’Ahmed Sékou Touré, le bureau politique du PDG s’est rassemblé pour examiner la nouvelle situation. Puis, une réunion du gouvernement a été convoquée le mardi le 27 mars. Il est décidé, conformément aux textes en vigueur, de nommer le Premier ministre Lansana Béavogui chef de l’Etat par intérim. A ce titre, il doit présider les funérailles et veiller à mettre en application les clauses de la constitution relative à la vacance de pouvoir : l’élection du nouveau président doit intervenir dans les quarante-cinq jours qui suivent le décès du titulaire. Après un adieu impressionnant qui rassemblera une audience internationale de qualité à Conakry le 30 mars 1984, une lutte acharnée de succession au sein du PDG s’en suivra immédiatement. C’est dans cette confusion au sommet de l’Etat que les officiers réunis autour du Colonel Lansana Conté ont choisi de passer à l’action. Le 3 avril 1984, au nom du Comité militaire de redressement national (CMRN), par un coup d’Etat militaire, l’armée prend le pouvoir. Un régime d’exception est instauré : suppression du PDG, dissolution de toutes les institutions politiques et suspension de la Constitution, c’est le commencement du régime militaire.

Sur le plan politique et démocratique, bénéficiant d’une certaine légitimité suite aux réformes réalisées sur le plan économique, le CMRN fait adopter par le référendum du 23 décembre 1990 une nouvelle constitution, celle de la deuxième République. Celle-ci autorise le multipartisme, mais limité dans un premier temps, le nombre de partis politiques à deux et prévoit une période de cinq ans en vue de l’édification de l’Etat de droit. La légalisation des partis politiques aura finalement lieu à la suite d’une forte pression provenant des mouvements de revendication des élèves, étudiants, syndicats et sensibilités politiques en 1991. C’est ainsi que le processus démocratique prendra forme en Guinée. A ses début, il sera solidement contrôlé par le pouvoir. Les premières élections pluralistes en Guinée auront lieu à l’occasion des élections présidentielles de décembre 1993. Lansana Conté, désormais candidat du parti de l’unité du progrès (PUP) est annoncé vainqueur au premier tour avec 50,93% des voix.
Au terme de 24 ans de gouvernance sans partage, c’est complètement désœuvré que les populations guinéennes subiront le bilan socioéconomique du régime militaire dirigé par le président général Lansana Conté : plus de 56% des populations vivent en dessous du seuil de pauvreté. C’est à peine si les familles arrivent à joindre les deux bouts du fait d’une maigre rémunération. La dette publique du pays couvre les 100% du PIB ; dans la pire des situations, les réserves en devises au sein de la banque centrale de la République de Guinée ne peuvent même pas garantir un mois d’importation aux populations guinéennes ;l’inflation a atteint des niveaux records de 45% en 2009 ; le chômage frappe particulièrement les jeunes.
le22 décembre 2008, le président Lansana Conté décédera des suites de sa longue maladie. A  peine  son décès rendu public que des jeunes militaires, notamment ceux qui sont  illustrés lors des deux précédentes mutineries, réunis au sein du CNDD (conseil national pour la démocratie et  le développement) ont procédé à un coup d’Etat militaire le 23 décembre 2008.

La troisième République

Arrivée au pouvoir en décembre 2010, le président Alpha Condé promet une nouvelle gouvernance en Guinée. Des nouvelles institutions sont créées dans la nouvelle constitution de 2010, la Cour des comptes, la Cour constitutionnelle etc. Au cours de sa gestion, le président Alpha Condé renoue aussi avec les vielles pratiques de la politique politicienne guinéenne. Le népotisme, l’affairisme, le clientélisme, la corruption et la gabegie financière.
Réélu en 2015 grâce à une certaine réalisation concrète sur la déserte en électricité par le biais du barrage Kaleta, Alpha Condé songe à nouveau à briguer un nouveau mandat. Des centaines de manifestants sont tués  contre le projet d’un troisième mandat. En dépit de ces contestations, le locataire du palais Sekoutoureyah avait défié tous les obstacles dans le but de parvenir à ses fins, c’est-à-dire briguer un nouveau mandat à la tête du pays.

Au début de l’année en cours (2021), le mécontentement social s’amplifie, la vie chère, la cotisation obligatoire des fonctionnaires, l’augmentation du prix de carburant ont entre autres occasionné les militaires à faire face au pouvoir d’Alpha Condé.

La matinée du dimanche 5 septembre 2021, la capitale Conakry s’est réveillée avec une nouvelle force pilotée par les éléments des Forces spéciales, à sa tête le Lieutenant-Colonel Mamady Doumbouya, mettant fin à plus d’une décennie de gestion à celui qui s’est battu pendant toute sa vie pour instaurer la réelle démocratie en Guinée, mais en vain.

Amara Touré

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