À deux jours du second tour de l’élection présidentielle en Turquie, l’opposition fait monter les enchères sur la question migratoire et la présence dans le pays de millions de Syriens ayant fui la guerre. Dans les quartiers d’immigrés d’Istanbul, ce discours xénophobe pousse les étrangers ou les citoyens turcs récemment naturalisés dans les bras du président Recep Tayyip Erdogan.
Les élections turques de 2023 étaient censées se focaliser sur l’économie, l’opposition faisant campagne sur la baisse du niveau de vie et l’inflation galopante, causée, selon elle, par la politique monétaire peu orthodoxe du président Erdogan qui, malgré la hausse des prix, a voulu maintenir des taux d’intérêt faibles.
Mais au cours des semaines de tension qui ont précédé le second tour de dimanche, un nationalisme sans complexe a relégué l’économie au second plan, les réfugiés devenant une cible de choix pour des candidats tentant de rallier les différentes franges de l’ultranationalisme turc.
Cette manœuvre électoraliste a notamment conduit le social-démocrate Kemal Kilicdaroglu à muscler sa rhétorique antiréfugiés et à nouer des alliances contre nature avec l’extrême droite. Mercredi, Ümit Özdag, chef du Parti de la victoire, une formation xénophobe créée en 2021 et appelant à expulser tous les réfugiés, a apporté son soutien à Kemal Kilicdaroglu dans la dernière ligne droite de cette course au vote nationaliste.
Lors de l’annonce de cette alliance à Ankara, Ümit Özdag a déclaré que son parti et Kemal Kilicdaroglu s’étaient mis d’accord sur un plan visant à renvoyer les migrants dans un délai d’un an « conformément au droit international et aux droits de l’Homme ».
« Une chance de vivre à nouveau »
Six ans après son arrivée en Turquie en 2012, Ahmad Ajjan, un traducteur de 44 ans originaire d’Alep, a obtenu une nouvelle nationalité et un nouveau nom. Son patronyme syrien posait problème dans son pays d’adoption. « Ajjan » ressemble en effet beaucoup au mot turc « ajan », qui signifie agent ou espion. Un fonctionnaire de l’immigration lui a donc demandé de choisir un nom de famille turc et, dans l’enthousiasme du moment, celui-ci a opté pour « Erdogan ».
Ajjan fait donc coexister deux noms reflétant sa double identité. « Je suis Ahmad Ajjan et mon nom officiel est Ahmet Erdogan », explique-t-il.
En revanche, sa couleur politique est sans équivoque. « Je soutiens Erdogan parce qu’il m’a donné une chance de vivre à nouveau », déclare-t-il, rappelant qu’il a fui la répression du président syrien Bachar al-Assad contre les manifestants et les militants antigouvernementaux.
Supporter inconditionnel du président turc, Ahmad Ajjan se sent toutefois aujourd’hui en porte-à-faux avec son nouveau nom turc. « Je suis très heureux lorsque je rencontre des partisans du président Erdogan. Je suis très malheureux lorsque je rencontre des opposants à Erdogan », explique-t-il.
lire la suite sur France24