Le président du RDIG (Rassemblement pour le développement intégré de la Guinée), Jean-Marc Telliano, est l’invité de la semaine. Il parle de l’actualité.
Diplomate : Avez-vous une adresse à l’endroit du chef de l’Etat, Pr Alpha Condé ?
Jean-Marc Teliano : Je lance un appel à mon grand frère El hadj Pr Alpha Condé d’accepter le dialogue. Tout ce que nous sommes entrains de vivre, c’est parce qu’il ya eu un manque criard de dialogue. Il a été opposant historique…Il était avec ceux qui sont aujourd’hui dans l’opposition, ce sont ses anciens amis, ils se connaissent. Nous, nous sommes nouveaux dans la politique. Pourquoi ne pas appeler Sidya Touré, Lansana Kouyaté et Cellou Dalein Diallo autour d’une table de dialogue ?
Nous sommes tous des guinéens, nous sommes des frères capables de se retrouver autour d’une table et définir des stratégies pour sortir la Guinée de la misère.. C’est le bas peuple qui souffre actuellement. Cela ne doit coûter rien au président Alpha Condé s’il appelle à un dialogue politique. Il y a marche parce qu’il y a un manque criard de dialogue. Que le Président accepte d’appeler ses frères… Nous sommes pas des ennemis du pouvoir. Mais aujourd’hui, quand tu es dans l’opposition, on te traite d’ennemis. Je comprend ce sont des opportunistes qui pensent ainsi. Peut être c’est ce qui fait que je ne peux m’entendre avec beaucoup de guinéens. Je ne peux pas être autour du chef et ne pas lui dire la vérité. On ne peut pas dire la vérité publiquement à un chef, mais vous pouvez l’appeler et lui dire en aparté ce qui est bon pour lui. Mais j’ai l’impression qu’on dit seulement au président de la République ce qui peut retarder le pays. Ce qui peut mettre les gens dos à dos.
A quoi peut-on s’attendre si le gouvernement tient à aller aux législatives sans l’opposition ?
Si le pouvoir s’entête ? Le pouvoir doit appliquer la volonté du peuple. Aujourd’hui, vous ne me direz pas le contraire, c’est l’opposition qui a les 70 pour cent de la population guinéenne. Disons nous la vérité, regardons nous en face, c’est nous qui avions accompagné El hadj le Pr Alpha Condé au deuxième tour. Vous constatez que tous les baobabs ont quitté derrière lui à savoir Lansana Kouyaté, Kassory Fofana, le RDIG… Au cas où il maintient l’opérateur waymark, nous allons suspendre les élections surtout si ça ne tient qu’à notre parti, le RDIG. L’opposition regroupée autour du collectif, l’ADP et le CDR est une et indivisible. Si ce bloc refuse, c’est que RDIG a refusé.
Dans la gestion de la campagne agricole 2011, vous n’aviez pas les coudées franches, comme vous le dites, mais vous n’aviez non plus pas voulu quitter le navire…
J’ai voulu quitter le gouvernement. La base m’a demandé de rester jusqu’à ce que l’initiative vienne du chef de l’Etat, Pr Alpha Condé. J’étais l’un des rares ministres qui disait la vérité au président Condé.. Je me suis dit comme ce monsieur m’a fait confiance en me nommant ministre de l’Agriculture, donc je dois lui dire la vérité.
Vous avez mérite d’être ministre à partir du moment où le président Alpha Condé a placé ses soutiens de la présidentielle au sein de son gouvernement ?
J’ai mérité d’être ministre…Au moment où je vous parle, s’il fait la rétrospective de tout ce qui s’est passé, il aura le remord. En plus j’ai honorablement quitté mon poste.
Vous dites que vous aviez été l’un des rares ministres à dire la vérité au président Condé. Dites nous quel genre de chef vous aviez côtoyé ?
J’ai côtoyé un président qui n’est pas ouvert au dialogue…Vous savez dans la vie, il faut des divergences d’idées, le Président Alpha Condé n’aime pas la contradiction. Il a l’habitude de diriger le RPG par le passé sans que personne ne conteste sa façon de faire, il en est habitué. Mais on ne peut pas gérer une nation avec la dictature. Il faut dès fois accepter la contradiction. S’il le fait, vous verrez un changement.
Vous aviez parlé durant tout ce temps du Pr Alpha Condé, mais pourquoi vous n’évoquez jamais son premier ministre, Mohamed Saïd Fofana ?
Il n’existe pas. Il veut tellement bien faire, mais quelque part il n’a pas la décision. C’est un Monsieur que je respecte. S’il y a aujourd’hui beaucoup de personnes autour du président Alpha, c’est grâce lui. Quelque part il est contrarié…Il ne fait que la volonté du Président de la République. Il n’a jamais eu les moyens de sa politique.
Est-ce que vous sensibilisez vos militants quand vous devez marcher ? Au regard des violences, nous doutons beaucoup…
On a toujours sensibilisé nos militants. Comparez ces marches à l’époque où on recevait l’opposant Alpha Condé à Conakry. Les marches présentes, vous conviendrez avec moi, elles sont pacifiques. Le pouvoir même l’a reconnu après le 18 février. Mais ce qui cause les dérapages, c’est lorsqu’on nous demande d’emprunter une seule voie. On emprunte une voie c’est quand il s’agit de 100 personnes. S’il y a débordement, la responsabilité ne peut incomber aux leaders de l’opposition. Pour éviter la bousculade, on ne peut pas se concentrer sur une voie quand même. Nous ne sommes pas une opposition minoritaire, nous dirigeons une foule que nous respectons.
Sur le plan économique, il parait que les journées de manifestation coûtent assez aux leaders de l’opposition…
S’il faut dépenser des millions, nous allons le faire. Nous ne donnons pas de l’argent à nos militants, c’est le RPG qui se promène avec la banque centrale. Nos militants nous suivent par conviction.
Regrettez-vous certains propos dits sur une radio de la place ?
Je ne regrette d’avoir dit quoique ce soit sur l’une des radios privées de la place. J’ai dit « Si ». Avec si on peut mettre Paris dans une bouteille. J’avais dit que si le préfet maintient sa décision de m’empêcher de me rendre dans mon village, il peut provoquer un soulèvement populaire. Et si cela arrivait, c’est une guerre civile et c’est lui qui endosserait toute la responsabilité.
C’est dans cette logique qu’il y a eu le soulèvement à Guéckédou ?
Le soulèvement à Guéckédou était dû à une revendication. Un administrateur territorial ne peut pas insulter la population quand même ! Je n’ai pas manipulé la population avec ma femme…Le ministre Alhassane Condé est un opportuniste. Il est à son poste pour conserver un fauteille. Il est allé à Guéckédou comme les missionnaires qui n’ont pas dit la vraie version à Monsieur le président de la République. Ils ont politisé l’affaire.
Quelles sont les faiblesses de ce gouvernement ?
Je ne suis pas là pour parler des faiblesses du gouvernement mais plutôt de politique. Je suis un homme d’Etat, il y a des choses que je dois dire et d’autres que ne dois dire. Après mon départ de ce gouvernement, je pense que le bilan est négatif. Figurez-vous tous les investisseurs qui sont venus, dès l’annonce de la troisième République, sont rentrés chez eux. Vous aviez assisté à combien de pose de premières pierres ces derniers temps ? Dites nous quel est le chantier qui est avancé ? Les gens ne sont pas bêtes. L’argent n’aime pas le bruit. Tout ce qui peut garantir un investisseur, c’est l’Assemblée nationale. Et nous, on n’en a pas encore.
Parlant d’assemblée nationale, est ce que vous pouvez aller aux élections ?
Vous savez le Président Alpha Condé, dit ici que le train sera à la gare, ceux qui vont monter, monteront. Si tu entends que le train a bougé, c’est qu’il y a une base. Il n’y en a pas justement.
Est-ce que vous regrettez d’avoir collaboré avec le Pr Alpha Condé ?
Regretter, c’est trop dire. Mais s’il y avait lieu de collaborer avec El hadj Pr Alpha Condé, je ne le ferais plus. Il n’y a pas de regret en tant que tel parce que j’ai servi ma nation. Le temps que j’ai passé avec lui, je le mets au compte de l’expérience.
Propos transcris par Bernadette