Les Américains votent mardi pour les primaires républicaines et démocrates dans une douzaine d’États, dont le Texas.Ces primaires ne mettront pas fin à la compétition pour les investitures présidentielles démocrate et républicaine: les électeurs de dizaines d’autres États voteront jusqu’en juin. Mais elles peuvent enterrer les espoirs des outsiders et des «petits», forcés de lâcher prise à mesure que se resserre le champ des possibles et, partant, que les grands donateurs résignés débranchent les arrivées d’oxygène.
Donald Trump appréciera l’ironie: le Super Tuesday, avec ses douze primaires républicaines et onze démocrates, ses centaines de délégués si précieux dans la perspective des conventions partisanes de juillet qui désigneront le candidat à la «générale» de l’automne, visait originellement à consolider l’emprise des candidats modérés et soutenus par l’establishment. Et cela face aux «insurgés» des extrêmes, ces francs-tireurs si nombreux dans l’histoire politique des États-Unis.
Inaugurée en 1984 par les démocrates du Sud et adoptée dans la foulée par les républicains, cette tradition électorale américaine n’a pas toujours fonctionné comme prévu. Mais elle a néanmoins permis de consacrer un certain Bill Clinton dans la primaire démocrate de 1992, alors qu’il se trouvait en fâcheuse posture après de piteux échecs dans l’Iowa et en Caroline du Sud.
Trente-deux ans et huit élections présidentielles plus tard, l’édition 2016 consacre l’échec patent du système, du moins dans le camp républicain: exit l’ex-favori Jeb Bush, ringardisé par Donald Trump, qui a su annuler la puissance financière et l’assise locale de ses rivaux grâce à la maîtrise des réseaux sociaux et un charisme indéniable, mâtiné d’une irrévérence et d’un bagout sans précédent.
Redouté désormais par les cercles dirigeants conservateurs, qui tenaient assemblée vendredi à Washington autour de Karl Rove pour identifier un plan de sortie de crise, ce Super Tuesday pourrait fort tuer le suspense à droite si Trump confirme son avance énorme dans les sondages sur ses plus sérieux concurrents, Marco Rubio et Ted Cruz.
Ces primaires ne mettront pas fin à la compétition pour les investitures présidentielles démocrate et républicaine: les électeurs de dizaines d’autres États voteront jusqu’en juin. Mais elles peuvent enterrer les espoirs des outsiders et des «petits», forcés de lâcher prise à mesure que se resserre le champ des possibles et, partant, que les grands donateurs résignés débranchent les arrivées d’oxygène.
La bataille de ce 1er mars, dès lors, s’annonce fascinante, et sans merci. La teneur des débats, qui, depuis la semaine passée, font la part belle aux insultes et aux imprécations, aux sarcasmes de préau sur la transpiration des uns et le coefficient de bronzage des autres, contraste avec celle, plus civilisée, du bras de fer Clinton-Sanders à gauche.
Requinqué après sa victoire en Caroline du Sud, le 27 février, et goguenard devant le spectacle offert par le pugilat républicain, le camp Clinton aborde ce Super Tuesday décisif en position de force. En remportant trois des quatre premières consultations depuis un mois, la candidate a redonné un second souffle à une campagne des plus poussives. Face à elle, Bernie Sanders, qui reconnaît ses difficultés à «déplacer» la communauté noire vers son camp, veut annuler l’avantage numérique détenu par Hillary Clinton, dont l’équipe martèle que cette campagne sera un marathon.
Surfant sur une vague de «colère» qui s’exprime chaque jour dans ses rassemblements bondés (32.000 personnes en Alabama le 28 février), Donald Trump paraît impossible à arrêter, et étonnamment immunisé contre les attaques: ses dérapages sur le Ku Klux Klan, dont il n’a que faiblement dénoncé le soutien officiel, et ses citations douteuses de Mussolini, ne semblent en rien affecter un électorat issu des couches laborieuses et porté par la haine de Washington, du Landerneau fédéral, mêlant classe politique et médias. Affichant un poujadisme aux relents parfois nauséabonds, le milliardaire new-yorkais se présente désormais comme un lauréat crédible, promettant de «détruire» Hillary à l’automne après avoir concassé ses rivaux «poids plume» et «à faible énergie».
Malheur aux perdants
À surveiller de près, le Texas, qui offre le plus grand nombre de délégués – 222 du côté démocrate, 155 du côté républicain -, mais aussi la Georgie, le Massachusetts, le Minnesota et le Tennessee. Au total, près d’un quart du total des délégués seront désignés ce mardi, qui enregistre des taux records de vote anticipé, sans précédent dans l’histoire contemporaine. Avec la barre du demi-million franchie pour le seul Texas, les deux tiers inscrits chez les républicains.
Énième péripétie médiatique dans une élection présidentielle s’étalant sur près de dix-huit mois, stratagème éculé pour expurger le scrutin de ses «francs-tireurs», le Super Tuesday de mars conserve son pouvoir d’attraction, par sa propension à couronner les favoris et tuer les dernières illusions des mal classés. Malheur aux perdants.
lefigaro