dimanche, décembre 22, 2024

 » La crise actuelle n’est pas un problème technique, c’est une crise de confiance » ( Cellou Dalein Diallo)

Les manifestations de l’opposition à Conakry sont de plus en plus violentes. Alors que la programmation des législatives au 30 juin a de nouveau exacerbé les tensions politiques en Guinée, le chef de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, s’explique sur les raisons du blocage.

Fin avril, à Conakry. Il est midi, devant le siège de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, opposition). Quelques sympathisants sont assis à l’ombre. L’un d’eux a un hématome sur tout le bras droit. Il impute sa blessure aux forces de l’ordre chargées d’encadrer la manifestation de la veille et à laquelle il participait.

Au dernier étage de la bâtisse, Cellou Dalein Diallo, le président de l’UFDG, reçoit dans son grand bureau presque vide. À 61 ans, cet économiste de formation a été plusieurs fois ministre et Premier ministre sous le règne de Lassana Conté, puis adversaire malheureux d’Alpha Condé au second tour de la présidentielle de 2010. Chef de file de l’opposition, il a engagé un énième bras de fer avec le président guinéen à propos de l’organisation des élections législatives, plusieurs fois reportées et désormais prévues pour le 30 juin prochain – une date fixée par décret présidentiel le 13 avril dernier. Il le martèle : l’opposition usera de « tous les moyens légaux » pour se faire entendre. Interview.

Jeune Afrique : Quels sont les principaux points de divergences actuels entre l’opposition et le pouvoir ?

Cellou Dalein Diallo : Ils sont au nombre de trois. Premièrement : le choix de l’opérateur technique, Waymarck, qui doit assurer la mise à jour du fichier électoral et qui a été recruté sans véritable appel d’offre. Deuxièmement : le vote des guinéens de l’extérieur, que nous réclamons, en vain. Troisièmement : le fonctionnement de la Ceni, qui en réalité, ne fonctionne pas.

Des efforts avaient pourtant été faits récemment. L’opposition et le pouvoir avaient accepté de s’inscrire dans une dynamique de dialogue, qui devait conduire à négocier sur ces trois points. Nous avions suspendu nos manifestations. Chacune des parties avaient désigné ses médiateurs et nous étions d’accord sur la nomination d’un facilitateur, le représentant spécial de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Saïd Djinnit.

Comment expliquez-vous alors que le dialogue a été rompu ?

Le lendemain de la désignation de Saïd Djinnit, Alpha Condé a signé un décret fixant unilatéralement la date des élections. En entérinant du même coup le choix de Waymark, l’exclusion du vote des guinéens de l’extérieur et le fonctionnement actuel de la Ceni. Ce décret a donc rendu le dialogue sans objet.

Dans ce contexte, à quoi sert l’arrivée de Said Djinnit ?

D’après ce que Djinnit m’a dit, il continue à faire ses consultations. Il voit les membres de l’opposition, le président, le Premier ministre. Mais sa mission est difficile.

Que réclamez-vous, concrètement aujourd’hui ? L’annulation du décret ?

Nous voulons des élections transparentes. Et la transparence des élections ne se limite pas au jour du scrutin, elle doit s’étendre à sa préparation, donc aussi au choix de l’opérateur qui révise le fichier électoral. Cependant, si la communauté internationale a tendance à réduire la crise actuelle à un problème technique – au choix de l’opérateur Waymarck -, nous, nous disons que c’est plus grave que cela. Il y a une profonde crise de confiance.
Le chef de l’État a l’air déterminé. S’il ne change pas la date des élections, qu’allez-vous faire ?

Nous allons tout faire pour lui faire changer d’avis. Nous userons de tous les moyens légaux à notre disposition pour empêcher que ses élections aient lieu sans nous. Nous ferons tout pour ramener le débat.

Si vous aviez un message à faire passer à Alpha Condé, quel serait-il ?

Il doit saisir cette élection comme une opportunité. Ne serait-ce que pour son image de combattant pour la démocratie. C’est quelqu’un qui revendique 40 ans de combat ! Et pour la première fois qu’il organise, en tant que président de la république, une élection, il doit montrer qu’il est attaché aux valeurs de la démocratie. Il doit faire un choix historique, il doit choisir la paix. Choisir la cohésion. Pour cela, il lui faut un peu plus d’humilité, ne pas voir partout un problème d’orgueil et d’honneur.

Lire l’article sur Jeuneafrique.com

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