Et maintenant, la France. Deux jours après la « performance brillante » des Bleus lors du quart de finale contre l’Islande, la presse allemande regarde de plus près le prochain adversaire de la Mannschaft – et n’est pas tout à fait rassurée.
A commencer par « la bataille contre les “quatre galactiques” » de l’équipe de France, écrit Die Welt. Car la presse outre-Rhin l’a bien noté : la France vient d’entrer pleinement dans son Euro, et ce au meilleur moment. Le quotidien berlinois décrit, visiblement sous le charme :
«La manière dont Giroud tourbillonnait sur la pelouse du Stade de France, ensemble avec Dimitri Payet, Paul Pogba et le ravissant Antoine Griezmann, nous rappelle la grande époque des Bleus. A l’image de Giroud, et juste avant un des points d’orgue de ce tournoi, toute l’équipe française s’est transformée d’une sélection peureuse, presque timide, en un onze qui transpire la confiance. »
L’observation est la même du côté de l’hebdomadaire Die Zeit, qui lance sur un ton presque désespéré au sujet de l’attaque française : « Giroud, Pogba, Payet, Griezmann : chacun de ces joueurs pouvait déjà être décisif à lui tout seul. La mauvaise nouvelle pour la Mannschaft : maintenant, les grands individualistes de l’équipe française sont entrés en harmonie. »
La Mannschaft diminuée
Surtout, après quatre semaines de compétition, l’Allemagne a perdu certains de ses piliers. « Quatre des treize joueurs qui l’ont emporté contre l’Italie ne seront pas sur la pelouse face à la France », rappelle la Süddeutsche Zeitung : Mario Gomez, Sami Khedira, Mats Hummels, et probablement Bastian Schweinsteiger.
Désormais, l’Allemagne est «à la recherche du nouveau numéro 6 », titre la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Qui donc pour remplacer Khedira ? «L’équipe autour du sélectionneur recherche intensivement un partenaire pour Toni Kroos, le “stratège” de Löw, au milieu de terrain. » Les options sont réduites aux jeunes Julian Weigl et Emre Can, ce dernier pouvant être « la réponse forte contre les puissants milieux français comme Paul Pogba ».
Restent les statistiques. De ce point de vue, « la balance penche pour nous », se félicite la TZ, tabloïd publié à Munich, qui souligne que pour l’Allemagne en compétition officielle, « la dernière défaite contre la France date d’il y a cinquante-huit ans ! »
«La victoire n’est pas une spécialité française »
Et des raisons existent pour continuer à croire dans la bonne étoile allemande, affirme l’hebdomadaire Focus, qui argumente même en trois points pourquoi cette « demi-finale d’enfer » sera finalement le match le plus facile pour le sélectionneur allemand. Un, « la France jouera de manière trop offensive », laissant de l’espace au centre. Deux, « la pression est plus grande pour le pays hôte », les champions du monde n’étant pour une fois pas les nets favoris de la rencontre. Trois, « les défections allemandes renforcent la cohésion du côté de Mannschaft ».
Et peut-être le meilleur espoir des hommes de Joachim Löw réside-t-il dans la culture sportive des Bleus. Car, selon la Tageszeitung (TAZ), « la victoire n’est pas une spécialité française ». Revenant longuement sur la légendaire défaite de Saint-Etienne en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, la TAZ relève que, quarante ans plus tard, des restaurants et fan-clubs stéphanois s’appellent encore Les Poteaux carrés.
Le quotidien berlinois cite le dramaturge Heiner Müller : «La culture vient des perdants et de la défaite. C’est cela qui produit de la culture. Les vainqueurs n’ont encore jamais produit de culture. » Et la TAZ de conclure : « La France se tient à cela depuis longtemps. »
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