samedi, avril 27, 2024

MADAGASCAR : Après les candidats éliminés, une présidentielle « au forceps » ?

Sous la pression de la communauté internationale, la Cour électorale a décidé de suspendre trois candidatures à la présidentielle. Selon l’Union européenne, c’était la seule option pour sortir le pays de la crise. Mais elle pourrait se révéler être une ingérence dangereuse.

C’était « une décision prévisible », annonce le quotidien L’Express de Madagascar. La Cour électorale spéciale (CES) a décidé le 17 août d’exclure huit candidats de la prochaine élection présidentielle, dont la date n’a toujours pas été fixée. Cela ne saurait tarder maintenant que les trois candidats controversés Andry Rajoelina, Lalao Ravalomanana et Didier Ratsiraka ont été interdits de scrutin. Cinq autres candidats, moins importants, en ont également été exclus, mais il semble que « l’éviction de ces personnalités ait été faite pour faire passer la pilule », note L’Express.
Ultimatum

Car cette décision intervient sous une lourde pression de la communauté internationale, qui s’opposait à ces trois candidatures. La raison officielle est que ces candidats n’ont pas respecté les délais d’inscription sur les listes, ou qu’ils ne résident pas sur le territoire malgache depuis plus de six mois, comme l’impose la Constitution (Lalao Ravalomanana, épouse de l’ex-président déchu Marc Ravalomanana, et Didier Ratsiraka, qui étaient tous deux en exil, n’ont pas pu rentrer à temps pour s’inscrire).

Mais c’est surtout pour mettre fin à la crise politique dans laquelle s’enlise le pays depuis plus de quatre ans que ces candidats et ennemis historiques ont été éliminés de la course à la présidence. Le 6 août, Catherine Ashton, « la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, avait donné deux semaines aux acteurs politiques malgaches […] pour permettre la tenue de l’élection » et avait menacé de « sanctions ciblées les personnes qu’elle jugeait facteurs de blocage au processus de sortie de crise », rappelle le mensuel d’information Reflet. « L’ultimatum expirera le 21 août prochain. »

L’ultimatum a donc bien été respecté, mais en raison d’une décision de la Cour électorale finalement, et n’est pas la preuve de la bonne volonté des candidats déchus. La CES a agi dans « un sursaut d’orgueil », analyse l’éditorialiste de Madagascar Tribune. « La juridiction malgache tente d’éteindre un feu qu’elle a elle-même allumé [en validant la première liste] : quelque part la Cour électorale joue au pyromane pompier ».

Mais cette décision va-t-elle « apaiser la situation ou au contraire l’embraser ? » s’interroge le quotidien. Il reste à espérer que cette nouvelle liste et l’exclusion des trois candidats contestés « vont recevoir l’assentiment de la communauté internationale et que celle-ci ne va pas s’amuser à chercher la petite bête […]. On espère qu’après tant de faux pas et d’incohérences la communauté internationale saura enfin avoir un comportement digne. » La Grande Ile, ruinée par la crise politique et pillée par « une clique mafieuse qui, écrit Madagascar Tribune, s’est greffée au pouvoir » depuis le coup d’Etat d’Andry Rajoelina de janvier 2009, a un besoin crucial de son premier partenaire économique, la France, et des bailleurs de fonds étrangers pour organiser des élections.
Leçon malienne

En cela, Madagascar matin n’hésite pas à comparer la situation malgache avec celle des élections maliennes. Là aussi, la communauté internationale – »celle-là même qui donne tant de fil à retordre à la Grande Ile » –, la France en tête, a permis au pays d’Afrique de l’Ouest de sortir de la crise. Le Matin rappelle la « carotte » tendue au Mali en récompense de la bonne tenue des élections : une promesse de prêts et de dons de 3,2 milliards d’euros pour reconstruire le pays. Il serait temps que la Grande Ile « tire des leçons » de l’expérience de ses compatriotes africains, affirme le quotidien, pas seulement « côté football » mais aussi dans le domaine de la politique.

Néanmoins, comme au Mali, les observateurs craignent que l’organisation d’une élection présidentielle « au forceps » ne mette « la nation en danger », comme l’explique Albain Rabemananjara, président du comité Développement et Ethique, dans une interview au plus grand quotidien du pays, Midi Madagasikara.

Le président actuel, Andry Rajoelina, a répété plusieurs fois qu’il ne se plierait pas aux volontés de la communauté internationale, et il pourrait tout faire pour déstabiliser ce scrutin. Pour l’analyste de la politique malgache Albain Rabemananjara, « la situation est propice aux conflits électoraux […]. Tous les ingrédients d’un cafouillage et d’une confusion impossibles à démêler sont réunis. » Et, pourtant, il faudra bien sortir du statu quo dans lequel le pays a plongé en 2009. La date de la prochaine élection devrait être annoncée dans quelques jours.

courrierInternational

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