vendredi, décembre 27, 2024

Baidy Aribot :  » C’est l’apport intellectuel et personnel de Kouyaté qui vont plus nous manquer »

Récemment élu député uninominal de Kaloum sous la bannière de l’union des forces républicaines (UFR) de Sidya Touré, Baidy Aribot prend avec philosophie la décision du président du parti de l’espoir pour le développement national (PEDN) de ne pas siéger à l’assemblée nationale.

Pour lui, quand bien même qu’il aurait souhaité voir Lansana Kouyaté siéger à ses côtés, il respecte tout de même la décision du président du PEDN qui, à ses yeux, se justifie par la ‘’pression’’ exercée par les structures de base du parti de l’ex-Premier ministre. Il l’a fait savoir dans cet entretien réalisé à Saint Denis, banlieue parisienne où il séjourne en ce moment. Cependant, l’ex-ministre des sports se félicite de la présence de l’opposition à l’assemblée nationale mais, tire également sur la sonnette d’alarme. Entretien !

 

 

Guinéenews© : Vous êtes à Paris depuis quelques jours. En votre absence, l’opposition républicaine, dont vous êtes membre, a finalement accepté de siéger à l‘assemblée nationale. Commentaire ?

 

Baidy Aribot : D’abord, c’est par voie de presse que je l’ai appris comme vous. Je ne maîtrise pas tous les contours qui ont amené l’opposition à accepter de siéger à l’assemblée. A lire le communiqué lu par le porte-parole, il faut retenir que c’est sur la base des principes de démocratie que les partis de l’opposition se sont librement prononcés sur les raisons qui les ont amenées à siéger. Ce sont, entres autres, les bases qui ont été consultées. En effet, elles ont donné leur accord à leurs mandants que nous sommes pour siéger.

 

Cela dit, les autres préalables qu’on avait levés, c’est-à-dire, saisir l’ONU (Ndlr, organisations des Nations Unies) à travers un rapport qu’on devait adresser au secrétaire général de cette organisation sera de mise. Parallèlement, nos avocats sont en train de travailler sur le contentieux électoral du 28 septembre passé afin de saisir les tribunaux supra nationaux. L’un n’exclut pas l’autre. Il va s’en dire que nous allons siéger à l’assemblée et, unanimement, on saura mettre en place une stratégie pour défendre les valeurs républicaines.

 

Guinéenews© : En dépit du fait que vous ayez finalement accepté de siéger, l’un de vos compagnons, Lansana Kouyaté, président du parti de l’espoir pour le développement national (PEDN) s’est en quelque sorte désolidarisée de la grande famille de l’opposition.

 

Baidy Aribot : Non, je n’appelle pas ça se désolidariser. Mieux, je respecte en fait la position du président du PEDN et celle des structures de base de son parti. Souvenez vous, que le dernier mot revenait aux militants de chaque parti. Ce sont eux qui devaient donner le pour ou le contre de la participation des députés que nous sommes au parlement. Le PEDN a décidé de ne pas siéger, le PEDN est souverain mais, cela ne veut pas dire que le PEDN n’est pas membre de l’opposition. Je trouve que leur décision, que je respecte encore une fois, a été mûrie et prise sur la base des arguments propres aux structures de base du PEDN. Cela dit, on aurait souhaité avoir le Premier ministre Kouyaté, qui est un homme de valeur, à nos côtés.

 

Sincèrement, si un jour le PEDN souhaitait récupérer sa place, il sera le bienvenu. Mais, dire que c’est un manque de solidarité, je ne suis pas d’accord. Les gens doivent cesser de telles interprétations. Il s’agit d’une décision que les structures de base ont prises. Elles l’ont prise tout en tenant compte de tous les paramètres. Il faut respecter leur décision. En revanche, on doit continuer à renforcer notre unité. Dans le communiqué, il est clairement dit que le PEDN continuera à militer dans les rangs de l’opposition pour une alternance démocratique en 2015. Ce qui est une bonne chose et qu’il faut prendre en considération. Car, il faudrait maintenant que l’opposition se concentre sur les autres échéances électorales. Que, ce qui s’est passé lors de ces législatives en terme de fraude et d’irrégularités ne se répètent plus.

 

Guinéenews© : Si le PEDN maintenait sa position, celle de ne pas siéger, est-ce que l’opposition ne sera pas handicapée avec deux députés en moins ?

 

Baidy Aribot : Oui, tout à fait ! C’est une question de nombre. Si on ne s’en tenait qu’à un rapport arithmétique, c’est vrai qu’on sera privé de deux députés du PEDN mais pour moi, ce n’est pas le nombre de députés qui compte. La valeur et la hauteur d’esprit du président Kouyaté ainsi que sa manière d’appréhender les choses vont plus nous manquer. Avec lui, à l’assemblée, l’opposition aurait encore eu plus.

 

 Guinéenews© : Soyez plus explicite. Dans quel sens ?

 

Baidy Aribot : Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, c’est un grand monsieur qui a une vision de la Guinée que je partage. C’est son apport intellectuel et personnel qui vont plus nous manquer et non le nombre. Cependant, il faut positiver.

 

Guinéenews© : Vous êtes à Paris en ce moment. D’après certaines sources, les députés devront incessamment prendre fonction à Conakry. Est-ce à dire que vous aussi vous voulez boycotter votre siège ? (Rires).

 

Baidy Aribot : Non ! Je ne pense pas. Je me suis rendu à Paris pour des raisons familiales. Il fallait que je vienne incessamment. C’est pour cette raison que j’ai pris congé de mes pairs de l’opposition. Je serai très prochainement à Conakry. Peut être même avant l’ouverture de la session de l’assemblée.

 

Guinéenews© : Samedi, sauf changement de dernière minute, le président de la République recevra les députés élus sous la bannière du RPG Arc-en-ciel au siège du parti à Hamdallaye. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

 

Baidy Aribot : Ça prouve à suffisance que nous ne sommes pas dans une situation de démocratie dans la mesure où un chef d’État ou un président est au dessus de la mêlée. Dans une interview qu’il (Ndlr, le président Alpha Condé) a accordé à des médias français, on l’a entendu dire qu’il n’était nullement mêlé à l’organisation des élections. Aujourd’hui, on le voit encore présider les réunions du RPG. Mieux, il reçoit les députés de la mouvance pour trouver un consensus autour d’un futur présidentiable. Cela prouve à suffisance que c’est un président qui est partisan. A ce titre, il ne peut pas être un président rassembleur. Nous sommes mêmes en droit d’affirmer tout de go que ce pays se trouve dans les mains de quelqu’un qui n’est pas en mesure de le réunifier. Sous d’autres cieux, on prône la paix et l’unité. Mais chez nous, on a toujours tendance à diviser la classe politique. Surtout qu’il n’est plus question de députés de la mouvance ou de l’opposition comme le dit l’arrêt de la cour suprême. On a dit : « député à l’assemblée nationale de la République de Guinée ».

 

Ceci dit, on verra comment les choses évolueront. Nous sommes persuadés que 2015 va ouvrir la première alternance politique et démocratique en Guinée. Car, à la lecture de la situation politique actuelle, nous sommes convaincus et selon les statistiques qu’on a, l’opposition reste majoritaire reste majoritaire dans le pays. Personne ne peut dire le contraire. Rien qu’à faire la somme arithmétique de l’électorat ou des partis de l’opposition et du centre, cela prouve suffisamment que l’opposition est majoritaire.

 

 Guinéenews© : Au terme de cet entretien, avez-vous quelque chose de particulier à dire ?

 

Baidy Aribot : Pour une fois, l’opposition a montré sa maturité. L’opposition a montré son amour pour la Guinée. Mais, je vais encore dire aux Guinéens qu’il y a un grand risque qui menace la quiétude de notre pays.  

 

 Guinéenews© : C’est lequel ?

 

Baidy Aribot : Les gens continuent à laisser les choses passer, s’accumuler. On continue encore à mettre ce pays dans une situation de retard. Je vais vous donner un exemple. Tous les pays qui ont connu une situation difficile, qui ont connu une situation d’instabilité, à quatre vingt dix pour cent, c’est parti du fait qu’on ne respecte pas la volonté populaire. On a essayé de tripatouiller les élections et de poser les problèmes autrement. Ces élections se sont passées dans des conditions que tout le monde connaît. Malgré toutes ces contestations, l’opposition a accepté d’aller à l’assemblée. Maintenant, il y a lieu de régler définitivement les questions électorales. Qu’on arrête de faire en sorte que les élections guinéennes soient sujet de contestation. Ce n’est pas une bonne chose pour le pays, les autorités, qui sont responsables de la quiétude, doivent en tirer les conséquences. Il faut qu’on évite à la Guinée des lendemains difficiles. Ce qu’on a vu dans d’autres pays, il faut qu’on évite cela chez nous.

 

Aujourd’hui, notre pays a besoin de paix pour se développer. Nos populations vivent dans une situation socio-économique très difficile. Tout cela doit vraiment interpeller la classe politique et surtout, surtout, il faut que les pouvoirs publics soient conscients que les conflits et contentieux électoraux finissent toujours par créer des problèmes ingérables. C’est quelque je chose de préoccupant. C’est pourquoi, j’attire l’attention des uns et des autres maintenant. Si la Guinée et les autorités dans leur ensemble arrivaient à transcender ces problèmes et à faire en sorte que les partis politiques éduquent les populations dans le sens du respect du processus électoral et à le gérer dans la transparence, je crois que chacun de nous y gagnera. Ça ne sert à rien de faire la politique de l’autruche et laisser les choses s’entasser.  Car, par après, un matin, cet état de fait conduira notre pays dans une situation qu’on ne souhaite pas. Il faut que cela cesse maintenant parce que, pour les élections à venir, franchement, on ne se laissera pas faire.  

 

 Entretien réalisé à Paris par Serge Lamah

 

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