Le nouveau Premier ministre a poursuivi tout le week-end ses consultations avant l’annonce ce lundi de son gouvernement. Dans les médias, il s’est défendu d’être un simple collaborateur de Macron et a annoncé son souhait d’animer la majorité.
Faire vite. Comme pour faire la démonstration de l’efficacité du nouvel exécutif, l’Elysée assurait dimanche que le suspense devrait prendre fin ce lundi avec la nomination d’une vingtaine de ministres. Pour Emmanuel Macron, qui a pris l’habitude depuis le début de son quinquennat de procrastiner chaque fois qu’une nomination est attendue, ce serait, de fait, une vraie nouveauté. Avec son Premier ministre, Jean Castex, il a poursuivi tout au long du week-end ses consultations pour former un nouveau gouvernement.
Jusqu’à dimanche soir, le secret est resté bien gardé. Les éventuels promus se sont autoconfinés dans un profond mutisme, à l’exception de ceux qui ont jugé utile de faire savoir qu’ils n’étaient pas disponibles, ou au contraire qu’ils l’étaient. Laurence Tubiana, cheville ouvrière de la Convention citoyenne pour le climat, a ainsi indiqué dimanche à l’AFP qu’elle n’en serait pas car elle ne croit plus «à la politique des petits pas», tandis que Ségolène Royal, énigmatique, affirmait sur BFM TV qu’elle avait été contactée par «un proche» de Macron, avant de préciser qu’il s’agissait du ministre des Affaires étrangères, l’ex-PS Jean-Yves Le Drian.
«Baroudeur»
Dans un entretien à la presse régionale, le chef de l’Etat a confié vendredi qu’il cherchait «de nouveaux visages et de nouveaux talents» parmi des «personnalités venues d’horizons différents». A en croire son entourage, il pourrait donc s’agir d’un remaniement «de grande ampleur», qui devrait se faire «en deux temps» : après les ministres, les secrétaires d’Etat pourraient être désignés plus tard, ce qui laissera au couple exécutif quelques heures ou jours pour affiner de subtils équilibres : outre la parité, la composition du gouvernement doit illustrer la diversité géographique et surtout politique de la majorité.
Interrogé dimanche sur Europe 1, le président du Modem, François Bayrou, a formé le vœu que «toutes les sensibilités» soient représentées dans une équipe qui devra allier «cohérence et compétence», et faire la preuve de sa «solidité» face à «l’impressionnante» crise économique qui menace, selon lui, de «toucher toutes les familles».
S’exprimant dimanche via plusieurs tweets, Macron a évoqué un «gouvernement de mission et de rassemblement», Castex affirmant dans le Journal du dimanche qu’il «doit être efficace». Alors que plusieurs responsables de la majorité ont laissé entendre ces dernières semaines que le nouveau gouvernement pourrait être regroupé autour de quelques grands pôles, le Premier ministre suggère qu’il ne faut pas s’attendre à de profonds bouleversements : «Pour m’être souvent intéressé aux questions d’organisation et de management, je ne suis pas sûr que des périmètres trop étendus soient forcément la garantie d’une grande efficacité.»
Dans cet entretien au JDD, le deuxième après celui de vendredi à TF1, l’ex-Monsieur déconfinement a tenu à répondre à ceux qui ne veulent voir en lui qu’un simple «collaborateur», dont la nomination serait le signe d’une mise sous tutelle de Matignon par l’Elysée. «Le mot « collaborateur » est un peu péjoratif. Il n’est pas dans les intentions du chef de l’Etat de faire de moi un subordonné voué aux tâches secondaires. Quand vous aurez appris à me connaître, vous verrez que ma personnalité n’est pas soluble dans le terme de « collaborateur »», proteste Castex. Reprise par la quasi-totalité des commentateurs, cette analyse se fonde notamment sur le fait qu’au poste stratégique de directeur de cabinet du Premier ministre, Macron a placé Nicolas Revel, l’un de ses proches qu’il avait vainement recommandé en 2017 à Edouard Philippe.
L’opposition veut voir dans la nomination de Castex le signe d’une dangereuse dérive d’un pouvoir de plus en plus concentré aux mains d’un seul homme.
«Nous sommes en train de vivre une transition constitutionnelle […], les pleins pouvoirs sont transférés vers le Président», a estimé le chef des insoumis, Jean-Luc Mélenchon. A peine moins alarmiste, le leader des écologistes, Yannick Jadot, dénonce un chef de l’Etat qui «ne cache plus sa volonté de concentrer tous les pouvoirs, ceux du gouvernement comme du Parlement». Le nouveau gouvernement ? «C’est le monde d’avant en pire», assure-t-il dans le JDD. C’est en fait un classique de la Ve République : de Barre à Fabius, de nombreux changements de Premier ministre furent interprétés comme une mise sous tutelle de Matignon.
Libération