Conakry, Guinée : Plusieurs infrastructures routières sont dans un état peu reluisant surtout en cette période hivernale ou des nids de poules sont constatés à plusieurs endroits sur les chaussées à Conakry tout comme à l’intérieur du pays. Mauvaise exécution des travaux, manque d’entretien, forte pluviométrie ou encore incivisme de la population Balla Moussa Konaté, ingénieur en Ponts et Chaussées et chef d’entreprise en BTP, apporte des éclaircissements.
Guineetime : Vous êtes ingénieur des ponts et chaussées, quelle analyse faites vous de la dégradation poussée des routes du pays actuellement ?
Balla Moussa Konaté : Dire que nos routes sont dégradées actuellement c’est quand-même un terme que je ne trouve pas convenable dans la mesure où cette situation dure depuis plus d’une dizaine d’années. Nous devrions plutôt nous poser la question pourquoi les dégradations de nos routes durent autant et quelles sont les causes originelles de cet état ?
Pour répondre ainsi, sachez que la route est une infrastructure de transport. En tant que telle, elle a besoin d’être entretenue, étant donné qu’elle est non seulement soumise à l’exploitation, mais aussi à plusieurs contraintes de la Nature. Même quand nous construisons les routes dans les règles de l’art, bien exploiter, protéger et entretenir, constituent les conditions incontournables pour leur garantie.
Ne pas suivre ce principe condamne n’importe quelle route à la dégradation précoce et généralisée. Imaginer que ce déficit existe depuis belle lurette ! C’est ce que nous sommes entrain de ressentir et même bien avant le régime actuel.
Concernant les mauvaises pratiques dans l’exploitation de nos routes, vous pouvez vous en rendre compte vous même sur nos principaux axes routiers, à travers de nombreux poids lourds dont plusieurs ont leurs âges assez avancés, garés le long de ces routes pour cause de pannes techniques. A ce niveau, sachez que les usagers, eux aussi contribuent fortement à la dégradation de nos routes y compris avec les surcharges de plusieurs tonnes.
Vous parlez de l’entretien des routes, alors dites-nous comment doit-on faire ce travail ?
Avant tout, Il ne faut pas confondre la réparation d’une route à son entretien. Parce qu’avec des types de désordres visiblement gênants comme les affaissements, les nids de poules, les remontées capillaires des eaux à la structure des routes, etc. ….tous appelés dégradations de la route ou de la chaussée, les interventions qu’on y effectue ne doivent pas être considérées suivant la rigueur de l’art, comme entretien routier mais plutôt comme de la réparation de ces routes.
A partir du moment où c’est dans l’utilisation qu’il y a l’usure, notre travail dans ce qui s’appelle entretien routier consiste en ce que ces dégradations n’apparaissent pas. Notre devoir nous commande de ne pas faire sentir les usagers de la route des dégradations de celles-ci. Pour alléger le poids financier et en ressources humaines de l’entretien routier, il faut agir dans ce qu’on appelle dans le jargon l’entretien préventif. A la limite, ne pas dépasser le seuil d’intervention dans l’entretien, qu’on appelle entretien curatif. Au délà de ces deux phases d’intervention, mieux vaut parler de réparation des routes. Il s’agit d’agir ainsi bien dans l’entretien courant qui ne touche pas réellement les éléments structurels d’une route. Il peut durer 15 ans au moins pour des infrastructures importantes. C’est la limite de la garantie de ces routes en question et comme dans l’entretien périodique appelé aussi entretien dense (qui doit arriver en principe plus tard après l’entretien courant).
Ces deux (2) phases peuvent pousser des routes importantes au-delà de 40 à 50 ans de service normal. Pour résumer, l’entretien routier est un travail rationnel inhérent à la vie de toute infrastructure routière bien construite.
Lors du dernier conseil des Ministres, le Ministre de Travaux publics a indiqué que 61 % des routes revêtues en 2018, sont impraticables en 2020. Le coût de ces travaux atteignait plus de 400 milliards…
Je préfère ne pas me prononcer sur ce constat du ministre. L’État est continuité, à lui en son temps de rélever le défi. De faire en sorte que l’État soit honoré par rapport à la responsabilité de celui-ci. Au délà de cette question, ce que je peux dire, c’est qu’en matière de travaux routiers, on doit travailler suivant un plan stratégique à court, moyen et long terme. A court terme, certains travaux peuvent demander des actions directes parce que les besoins immédiats les exigent. Mais globalement et stratégiquement, une route se projette pour le long terme en suivant voir même en se mettant en avance du rythme de développement du pays.
Quelle durée de vie pouvez-vous donner à une route si elle est bien faite ?
La durée de vie d’une route dépend avant tout de l’idéal pour lequel cette route a été réalisée comme ça se doit, de tous les soins qui accompagnent son exploitation et son entretien.
Que faut-il faire alors pour que les routes de la capitale qui sont véritablement impactées par le phénomène de la dégradation tiennent longtemps?
Il faut travailler suivant un plan stratégique de développement qui doit tenir compte de toutes les ambitions de bien-être de ses habitants et du développement de la Guinée.
Les causes actuelles de la dégradation des routes à Conakry sont d’ordre technique et non financier. Jamais en Guinée, un régime n’a mis autant d’argent pour réparer nos routes à partir du budget national comme le régime actuel. Rien ne peut justifier que c’est la pluie qu’on considère comme la fautive de l’état actuel de nos routes. Il y a plusieurs autres pays pluvieux comme le Brésil, la µCôte d’Ivoire etc…qui s’en sortent mieux pourtant. Pourquoi pas nous !
Nous ne sommes pas des sous-techniciens. Nous pouvons effectivement répondre à l’attente. Tout dépend de la manière de mettre les hommes au travail, de les responsabiliser et de savoir choisir chacun par sa compétence.