Des dizaines de milliers de personnes ont défilé pacifiquement dimanche dans le centre de Minsk pour réclamer le départ d’Alexandre Loukachenko. Mais le président biélorusse, qui se targue du soutien du Kremlin, refuse de plier devant ses opposants.
“Alexandre Loukachenko n’est pas disposé à abandonner le pouvoir”, constate El País. Le “dernier dictateur européen”, qui dirige la Biélorussie d’une main de fer depuis 1994, a assuré dimanche devant quelques milliers de sympathisants, réunis dans le centre de Minsk, qu’il ne céderait pas : “S’ils détruisent Loukachenko, ce sera le début de la fin”, a-t-il averti.
“Mais les faits sont têtus”, ajoute le quotidien espagnol : pendant que le président prétendait avoir gagné les élections du 9 août à la loyale, “une marée humaine envahissait les rues de la capitale et d’autres villes du pays pour exiger sa démission”.
“Pour la première fois, les Biélorusses pouvaient défiler librement dans le centre-ville, vêtus de drapeaux de l’opposition et scandant des slogans antigouvernementaux”, observe l’envoyé spécial du New York Times. “Après s’être rassemblés près de l’obélisque, ils se sont dirigés vers la place centrale, bloquant la circulation sur l’avenue principale de la capitale”.
“Il y a une semaine, un groupe de gens protestant sur un trottoir auraient été violemment dispersés par les forces antiémeutes. Ce dimanche, il n’y avait pas l’ombre d’un policier”, remarque le quotidien américain.
La plus grande manifestation de l’histoire de la Biélorussie, selon les observateurs, a ressemblé entre 100 000 et 200 000 personnes à Minsk, selon les observateurs.
“Les manifestants brandissaient les drapeaux rouge et blanc de l’opposition et scandaient ‘Justice !’, ‘Dehors !’, ‘Démission !’ ou ‘Liberté pour les prisonniers politiques !’”, raconte RFE-RL.
Les rassemblements ont largement gagné la province. L’envoyée spéciale du Daily Telegraph était à 250 km de Minsk, à Hrodna, l’une de ces grosses villes industrielles traditionnellement acquises à Loukachenko. Même là-bas, la colère gronde.
Roman Vydra, un ouvrier d’une quarantaine d’années a pris comme une “insulte” la victoire supposée du président avec 80 % des voix. “Personne ne pensait que le trucage des élections serait aussi éhonté”, dit-il. “Je ne connais pas une seule personne qui ait voté pour le président”.
Soutien prudent du Kremlin
Devant ses sympathisants, Loukachenko a agité le spectre d’une conspiration internationale contre la Biélorussie, et s’est targué du soutien de Vladimir Poutine.
L’agence officielle Belta précise que les deux hommes ont discuté samedi et dimanche et que le Kremlin “a confirmé son accord, si la situation venait à s’aggraver en raison de menaces extérieures, à une réponse commune”, conformément à l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC), une alliance militaire qui rassemble la Russie et plusieurs anciennes républiques soviétiques.
“Mais Poutine n’a pas été jusqu’à apporter son soutien ou une quelconque approbation” au président biélorusse, qu’il considère peu fiable et en trop mauvaise posture, analyse The Guardian. “Il est probable que Moscou attende de voir si Loukachenko peut survivre aux prochaines semaines – ou jours –, alors que la contestation et les grèves le poussent à la démission”.
The Moscow Times partage cette analyse et estime, dans une colonne d’opinion, que la crise biélorusse offre l’opportunité d’une médiation russo-européenne : “Son objectif implicite pourrait être une transition graduelle et pacifique vers une Biélorussie sans Loukachenko”.
“Une coopération réussie entre l’Union européenne et la Russie n’est pas dans la poche – il y a beaucoup de méfiance à surmonter”, poursuit le site. “Mais un effort de coopération sur la Biélorussie pourrait être un début. Il est déjà trop tard pour Loukachenko. Mais il n’est jamais trop tôt, à Moscou et Bruxelles, pour apprendre des erreurs du passé”.
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