Conakry, Guinée : L’Organisation pour le dialogue pour l’avortement sécurisé (ODAS) a officiellement lancé ses activités en Guinée. La cérémonie a regroupé des cadres du ministère de la Santé, des féministes et des ONGs évoluant dans le domaine de la santé reproductive.
L’ODAS vise à ajouter de la valeur et à combler des lacunes ne pouvant l’être par une personne ou une organisation seule ; à constituer une voix collective forte dans la région et à l’échelle nationale pour l’avortement sécurisé ; à tester et à partager les interventions ; à identifier les besoins et à agir localement pour mettre en œuvre le programme du dialogue sur l’avortement sécurisé.
Elle se donne pour mandat de rassembler un ensemble de partenaires multisectoriel afin de coordonner et mobiliser leurs forces et leurs capacités collectives pour accroître l’accès à un avortement sécurisé de qualité au sein et entre les pays d’Afrique francophone.
Les activités du Centre ODAS sont: mener des initiatives au niveau national et coordonner les dialogues nationaux sur l’avortement ; organiser des réunions de suivi pour faire progresser les plans de travail et les indicateurs dans chaque pays ; conduire l’analyse de l’écosystème de l’avortement ; créer un cadre d’échanges et de communication fluide entre acteurs ; créer des groupes techniques de travail nationaux avec des experts gouvernementaux et des champions techniques, dirigés par un point focal désigné, dans chaque pays d’intervention.
Selon l’OMS, 16 millions de jeunes filles entre 15 et 19 ans accouchent chaque année dans le monde. 95% de ces naissances surviennent dans les pays à revenu faible et intermédiaire.
Dans son mot de bienvenue, Mlle Kadiatou Konaté, Directrice exécutive du Club des jeunes leaders de Guinée, a indiqué qu’en Afrique de l’ouest francophone, les enquêtes démographiques et de santé (EDS) montrent que la fécondité des adolescentes a une importante contribution dans la fécondité globale. Même que cette fécondité atteint 128 naissances vivantes pour 1 000 adolescentes en Afrique de l’ouest et du centre et 103 en Afrique subsaharienne, ce qui traduit l’ampleur du problème dans cette région du monde.
Et selon les références nationales 52,3%, soit 5 jeunes filles sur 10 et 19 ans ont déjà eu au moins un enfant en Guinée.
«Cette recrudescence des grossesses précoces et non désirées chez les adolescentes est due à un manque crucial d’informations fiables sur la santé de la reproduction, aux nombreux cas de mariages précoces, aux difficultés d’accès à des services de santé de la reproduction de qualité dans un contexte marqué par des normes sociales et un cadre juridique peu favorable. Pourtant, il faut savoir que les mères adolescentes âgées de 10 à 19 ans font face à des risques plus élevés de complications liées à la grossesse et à l’accouchement qui représentent les principales causes de décès», explique-t-elle.
Il parait clair que c’est au vu de toutes ces problématiques que l’ODAS a décidé de s’installer en Afrique de l’ouest et du centre afin de renforcer les mouvements féministes dans la région tout en prônant la mutualisation des efforts, la transparence ainsi que le leadership partagé. Elle met un accent particulier sur le renforcement des capacités des femmes et des jeunes filles afin d’accroître leur demande de services d’avortement tels qu’encadrés par les organes et traités internationaux des droits humains.
Dans sa présentation, Mme Rouguiatou Baldé, Directrice régionale de l’ODAS, a rappelé que le dialogue sur l’avortement sécurisé a commencé depuis 2017, suite au changement politique aux Etats-Unis d’Amérique.
S’agissant de l’ODAS, Mme Baldé a précisé que c’est en 2019 pendant la rencontre de partenariat de Ouagadougou, on a essayé de voir comment est-ce qu’il pouvait avoir des soins de services liés à l’avortement, mais aussi créer un dialogue autour de l’avortement sécurisé ? Parce qu’il y a beaucoup de personnes qui perdent leur vie et que c’était devenu un problème de santé publique dans la région.
Selon la Directrice régionale, la vision du Centre ODAS est entre autres : construire un réseau dynamique dirigé par les femmes et les jeunes de la région ; travailler avec le personnel de l’ODAS et le conseil consultatif féministe régional pour s’assurer que les politiques et les programmes reflètent les besoins des femmes et des jeunes dans la région ; renforcer le mouvement féministe en Afrique francophone et l’appropriation par les droits des DSSR ; construire de nouvelles alliances inter sectionnelles aux niveaux national et régional qui catalysent les droits des femmes à l’autonomie corporelle y compris le droit à des services d’avortement.
En perspectives, le Centre ODAS compte mettre en place des communautés de pratique ; définir et mettre en place un cadre de suivi des indicateurs directeurs du programme commun ; faciliter les opportunités d’échange continu au sein de la communauté, partager les leçons apprises et les avancées dans la mise en œuvre du programme commun et de ses huit priorités ; faciliter la collaboration et le dialogue interrégionaux à travers un partenariat renouvelé et innovant ; partager les conseils, bonnes pratiques, les directives techniques de l’OMS sur les soins complets en cas d’avortement ; assurer le suivi de l’agenda commun priorités.
Au nom du ministère de la Santé, Dr. Dieney Kaba, Directrice Nationale de la Sante de la famille et de la nutrition et Point focal du Partenariat de Ouagadougou pour la Guinée, a souligné que la Guinée, à l’instar d’autres pays, a ratifié le Protocole de Maputo, principal instrument juridique relatif aux droits des femmes en Afrique, garantissant de façon spécifique, à son article 14 le droit à la santé et au contrôle des fonctions reproductives qui comprennent notamment le droit pour les filles et les femmes d’exercer un contrôle sur leur fécondité, le droit de décider de leur maternité, du nombre d’enfants et de l’espacement des enfants, du droit de choisir librement une méthode de planification familiale ainsi que le droit à l’éducation sur la planification familiale.
«La Guinée dispose d’une loi sur la santé de la reproduction depuis 2000. Cette loi est en accord avec l’article 14, alinéa 2c du Protocole de Maputo qui engage les Etats à prendre des mesures appropriées pour protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse de la femme met en danger la santé mentale et physique de la mère et du fœtus», insiste Dr Kaba.
Elle a exprimé la volonté du ministère de la Santé d’accompagner le centre ODAS et toutes les autres initiatives visant le respect des droits des filles et des femmes, notamment leur droit à l’accès aux services relatifs à la santé sexuelle et reproductive.
La journée a été marquée par des panels animés par des féministes sur la communication sur la situation des jeunes filles sur les questions d’avortement. Défis, opportunités, droits et santé sexuels en Guinée (Protocole de Maputo). Une communication sur l’avortement sécurisé, notamment la situation actuelle en Guinée. Puis, un panel mixte religion et avortement, le changement des normes sociales, l’engagement des hommes et des leaders communautaires.