Conakry-Guinée : Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que le président du BL, Faya Millimono, retourne de cette manière aussi brusque que spectaculaire sa veste ? Cette question, beaucoup se la posent, tant ce changement de direction est surprenant même si les positionnements et changements tactiques et opportunistes sont courants en politique. En particulier dans nos pays.
Une chose est sûre, Faya Millimono a l’air très fâché et très remonté comme jamais contre le CNRD et son Administration. Sa sortie au vitriol la semaine dernière, contre l’Administration Doumbouya n’est pas anodine. Tenez, pour lui, la corruption endémique et le favoritisme dans l’attribution des ressources et des postes ont fini de discréditer toute confiance au gouvernement et ses institutions. Selon lui : « En trois ans de règne absolu, des répressions violentes des manifestations et des atteintes aux droits civiques et aux libertés sont devenues monnaie courante ». Et de poursuivre : « le président Doumbouya a mis sa main sur le Coran et sur la Charte pour jurer que ni lui ni aucun membre d’un organe de la transition ne sera candidat ».
Cette sortie médiatique est sans doute révélatrice d’une colère et d’un malaise profonds de la part de quelqu’un qui a jusque-là fait l’économie de ses critiques à l’encontre de la gouvernance actuelle.
D’ordinaire très amer vis-à-vis des pouvoirs d’Etat -Alpha Condé peut le témoigner – Faya était si modéré si compréhensif face aux agissements de la junte au point qu’on disait de lui qu’il était devenu un pion du pouvoir militaire. Mais tout ça en échange de quoi ? On n’en sait pas assez. Par contre, on sait qu’en politique, le silence a un cout. On sait aussi qu’il est de notoriété publique qu’en politique, il n’y a point de cadeau ni de faveur désintéressée. C’est exactement comme dans une opération chimique où on dit que rien ne se crée, rien ne se perd tout se transforme.
Des sources bien informées, on apprend que le président du Bloc libéral (BL) lorgnait des positions enviables au sein de l’Administration Doumbouya pour se faire un carnet d’adresses et faire tourner son parti. Cette ambition a été renforcée avec l’arrivée à la primature, d’un ami politique, en l’occurrence Bah Oury.
Seulement depuis l’arrivée de la junte aux affaires et la nomination du leader politique Bah Oury, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Toujours pas de situation favorable. Encore moins de reconnaissance pour l’allégeance puis le silence. Pis, coïncidence ou hasard, le pouvoir militaire a commencé à durcir le ton seulement après l’arrivée de Bah Oury à la primature en mars dernier.
Les portes jusque-là semblaient entrouvertes à Faya. Puis petit à petit, elles se refermaient systématiquement et à double tour. Dès lors, la junte ne laissait aucun choix à Faya Millimono. Alors, ce qui devait arriver arriva. Il va décider de revenir à ses anciennes amours, sa passion, celle de critiquer comme le ferait tout parti politique opposé à la gouvernance en face.
Par ailleurs si le président du BL s’est bien abstenu d’associer le nom du premier ministre au sujet des manquements aux droits de l’Homme et aux libertés individuelles et collectives, c’est peut pour éviter une fixation et la personnalisation dans le débat. Une chose est certaine, entre Faya et Bah Oury, ce n’était plus le parfait amour. Les rapports cordiaux du bon vieux temps, s’étaient, parait-il, évaporés à la manière du beurre au soleil. C’est du moins ce que laissent croire, certaines mauvaises langues. Pourtant, il y a peu, tous les deux sirotaient le bissap et le gingembre autour de la table d’une Coalition, ANAD proche du FNDC. Mais autres temps, autres réalités.
Souleymane Doré
