Les Nations unies s’illustrent par leur impossibilité à mettre fin à l’escalade de la violence au Proche-Orient. Pourquoi ?La crédibilité des Nations unies était déjà sérieusement entachée par les blocages persistants au sein du Conseil de sécurité sur la Syrie, l’impossibilité de la communauté internationale à mettre fin à la grave escalade de la violence au Proche-Orient semble l’avoir définitivement enterrée.
En dépit de la mort d’au moins 140 personnes en une semaine, 135 Palestiniens et 5 Israéliens, les raids israéliens se poursuivent sur Gaza pour la huitième journée consécutive, tout autant que les frappes de roquettes palestiniennes en direction de l’État hébreu.
« À partir de combien de morts à Gaza la fameuse communauté internationale passe-t-elle de la déploration à l’action ? » demande ainsi sur Twitter Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Dimanche, alors que se multipliaient les scènes insoutenables de corps sans vie d’enfants gazaouis, morts durant la journée la plus sanglante du conflit (29 morts, dont une majorité de femmes et d’enfants, NDLR), le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, affirmait sur France 2 que les responsabilités étaient « partagées ».
Israël a « le droit de se défendre », a-t-il rappelé tout en dénonçant les attaques « meurtrières » menées contre les populations de Gaza. « La réponse de Laurent Fabius était mesurée », souligne une source diplomatique occidentale. « Le ministre s’est tout de même rendu sur place, a rencontré les dirigeants israéliens ainsi que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas », rappelle la source. En comparaison, le ministre britannique des Affaires étrangères a jugé le Hamas responsable de la crise, en raison des nombreuses roquettes envoyées sur le territoire israélien. William Hague a toutefois averti Israël qu’une opération terrestre à Gaza pourrait « coûter » à l’État hébreu « une grande partie » de son soutien international.
« Nettoyage ethnique »
Des positions qui tranchent radicalement avec celles du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qui n’a pas hésité à qualifier Israël d' »État terroriste ». « Israël ignore dans cette région la paix, piétine le droit international et mène un nettoyage ethnique contre un peuple. Ce pays occupe petit à petit les territoires palestiniens », a martelé le chef du parti islamiste de l’AKP, longuement ovationné par le Parlement turc, totalement acquis à la cause palestinienne. « On ne joue pas à qui condamne le plus fort tel ou tel camp, s’insurge la source diplomatique occidentale. Le plus important, c’est l’action. »
Justement, que dit le droit international au sujet de cette nouvelle escalade opposant le Hamas à Israël, chaque camp accusant l’autre d’en être à l’origine ? « À vrai dire, le droit international n’a pas de réponse à ce sujet », admet Philippe Moreau-Defarges*, grand spécialiste des questions internationales à l’Institut français des relations internationales (Ifri). « La bande de Gaza est un élément d’un État palestinien qui n’existe pas encore. Ainsi, ce non-statut permet à Israël, mais aussi à l’Égypte, d’en faire ce qu’ils veulent. »
L’autre problème de Gaza est d’ordre politique. Depuis les élections législatives de 2006 remportées par le Hamas, qui a pris le pouvoir par la force l’année suivante au détriment du Fatah, la bande de Gaza est gouvernée par le mouvement islamiste. Or, au regard de la communauté internationale, l’enclave palestinienne reste administrée par l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, et dont le Fatah est la principale composante. « Dans les faits, le Hamas a fait sécession de Gaza par rapport à l’Autorité palestinienne », souligne Philippe Moreau-Defarges.
Qui est l’interlocuteur ?
Pourtant, lors de son récent déplacement dans la région, Laurent Fabius s’est bien gardé de se rendre à Gaza pour discuter d’une trêve avec le Hamas, préférant traiter avec l’Autorité palestinienne, qui ne contrôle pourtant que la Cisjordanie. « Le Hamas est une organisation terroriste », rappelle la source diplomatique occidentale. « Il ne sera pas reconnu tant qu’il n’aura pas reconnu l’État d’Israël, qu’il n’aura pas renoncé à la violence et qu’il n’aura pas accepté les accords de paix d’Oslo », qui ont mis sur pied l’Autorité palestinienne en 1993.
« La reconnaissance du Hamas par la communauté internationale serait une folie », estime pour sa part Philippe Moreau-Defarges. « Tout d’abord parce que le Hamas est une force politique, pas une autorité. D’autre part, sa reconnaissance fragmenterait d’autant plus l’unité palestinienne. » Pourtant, sur le terrain, l’éclatement de la Palestine est depuis longtemps acté. Il ne reste que les négociations indirectes. Là-dessus, l’Égypte de Mohamed Morsi joue un rôle capital. Proches du Hamas (l’organisation est une émanation des Frères musulmans égyptiens), les islamistes du Caire entretiennent également de bonnes relations avec les États-Unis, qui leur versent chaque année 1,3 milliard de dollars d’aide militaire, en échange de la paix avec Israël.
Premier État à avoir envoyé un ministre à Gaza, après le déclenchement de l’opération israélienne « Pilier de défense », l’Égypte s’attelle depuis à négocier une trêve entre les deux parties. « Si la communauté internationale peine jusqu’ici à trouver une solution à la crise à Gaza, c’est en raison du mutisme des États-Unis », lançait en début de semaine une source bien informée. En effet, vendredi dernier, le président américain Barack Obama s’est contenté d’appeler à la « désescalade », non sans réitérer le droit d’Israël à se défendre. Comment expliquer cette retenue ?
Obama coincé
« Obama n’a pas le choix. Il n’a certainement pas envie de s’aventurer dans un dossier (le conflit israélo-palestinien, NDLR) insoluble, alors que la priorité de son second mandat reste l’économie américaine », affirme Philippe Moreau-Defarges. « D’autre part, poursuit le spécialiste, jamais les États-Unis ne pourront imposer quoi que ce soit à Israël. Si Obama demandait la levée du blocus de Gaza (jugé « immoral » par l’ONU), il essuierait un refus catégorique de Netanyahou. » La proximité historique et culturelle d’une grande partie des Américains avec les Israéliens explique aussi ce soutien inconditionnel.
Après avoir tout d’abord brillé par sa discrétion, Barack Obama a finalement dépêché en urgence dans la région sa secrétaire d’État Hillary Clinton. Même si cette dernière a répété que l’engagement américain pour la sécurité d’Israël était « fort comme un roc et inébranlable », elle a multiplié les contacts en Israël, puis à Ramallah (Cisjordanie), avant de se rendre en Égypte pour « parvenir à une solution à long terme par des moyens diplomatiques ». Elle a toutefois ajouté : « Si ce n’est pas le cas, je suis certaine que vous comprendrez qu’Israël devra prendre toutes les mesures nécessaires pour défendre son peuple. »
« Les États-Unis possèdent un rôle important sur cette crise, de par leurs relations avec Israël et avec l’Égypte », insiste la source diplomatique occidentale. « Tout le monde travaille afin d’obtenir ce cessez-le-feu. Personne ne veut de nouvelle opération terrestre à Gaza. »
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