Le 18 novembre, et pendant que le royaume célébrait le 57ème anniversaire de son indépendance, la police a violemment dispersé des manifestants qui demandaient la réduction du budget royal.
« L’Etat est en crise, les finances publiques sont au rouge et le budget alloué à la monarchie est en hausse, ce n’est pas normal », ont notamment scandé les manifestants de Rabat, avant d’être brutalisés par les forces de l’ordre.
De quoi parlons-nous ? D’une enveloppe globale de près de 2,5 milliards de dirhams [234 millions d’euros] dédiée annuellement au fonctionnement de la monarchie, qui va du salaire du roi à celui de ses conseillers et des membres de la famille royale, en passant par les frais d’entretien des palais, d’acquisition de matériel divers, etc. Avec ces 2,5 milliards de dirhams, le budget royal atteint des records et figure parmi les plus élevés au monde.
Comparée aux monarchies espagnole et britannique, la marocaine revient à peu près dix fois et quatre fois plus cher. Ce train de vie pharaonique est d’autant plus difficile à supporter que le Maroc est, jusqu’à preuve du contraire, un pays pauvre, dans lequel l’Etat fait régulièrement face à d’énormes déficits budgétaires.
Le problème avec le budget royal, c’est qu’il n’est pas établi par les instances représentatives de la nation mais ailleurs. Où exactement ? Nul ne le sait. Le parlement l’a toujours considéré comme une patate chaude qu’il valait mieux ne pas toucher. Il n’a quasiment jamais pris la peine de l’examiner. Comme tout ce qui concerne la monarchie, une sorte de code s’est établi pour signifier « pas touche ». Les élus de la nation ont acquis l’habitude de discuter de tout sauf de « ça ». Que le gouvernement, ou l’opposition, soit socialiste, monarchiste ou aujourd’hui islamiste, ce budget a toujours été décidé ailleurs, empruntant un circuit extra-gouvernemental et obéissant à une logique supra-institutionnelle.
Cette situation de non-droit exceptionnelle a longtemps souffert d’une espèce d’indifférence générale, n’intéressant guère que des intellectuels de gauche ou des individualités de la presse et de la société civile. Il en va désormais autrement puisque le débat, aujourd’hui, n’est plus confiné dans les salons ou les salles de rédaction. Il déborde dans la rue. Il intéresse la jeunesse. Il est l’affaire de tout le monde.
Qu’y a-t-il de mal à discuter du budget royal, à l’amender, à le réduire ? Strictement aucun. Un député islamiste[Abdelaziz Aftati, député du parti au pouvoir le Parti de la justice et du développement] vient de le faire cette semaine en plein parlement. D’autres le suivront sans doute. Le débat, qui fait déjà rage sur les réseaux sociaux, s’invitera un jour à la télévision. Parce que le compte à rebours a été déclenché et rien ne pourra l’arrêter, pas même la brutalité policière.
Courrier international