jeudi, avril 18, 2024

Questions minières : Mahmoud Thiam parle de ce qui le concerne !

L’ancien ministre des Mines et de la Géologie, Mahmoud Thiam actuellement conseiller du président gabonais, Ali Bongo Ondimba, a adressé une lettre ouverte au président Alpha Condé. Lisez ces lignes  minées…

 

Monsieur le Président de la République,

Je vous adresse cette lettre par voie publique dans une logique de parallélisme des formes. En effet, j’ai été informé, par voie de presse, d’allégations calomnieuses proférées à mon égard par le biais d’un courrier adressé par le Comité à la société BSGR.

Je souhaite préciser avant tout, Monsieur Le Président, que mon propos ici ne reflète en aucun cas l’appréciation que j’ai de Mr. Nava Touré que vous avez placé à la tête de ce Comité, ni de la plupart des membres dudit Comité. Monsieur Touré a été mon collaborateur pendant deux ans. Je retiens de lui l’image d’un cadre appliqué et imprégné d’éthique professionnelle. Je pense donc que ledit courrier ne porte pas sa marque personnelle mais résulte plutôt du travail d’un comité dont les membres les plus vocaux poursuivent apparemment un agenda qui échappe aux termes de référence assignés officiellement au comité.

Mon propos ici ne vise pas à défendre une société qui, du reste, a largement les moyens d’assurer sa propre défense. Je tiens tout de même à traiter certaines questions qui lui sont adressées, pour autant que celles-ci mettent indirectement en cause mon intégrité. Quant aux questions sur lesquelles j’ai été cité nommément, vous comprendrez que je ne puisse rester indifférent, même si, à date, personne ne m’a contacté directement pour me reprocher quoi que ce soit ou s’enquérir de ma version des faits. Il vous souviendra, Monsieur le Président que je vous ai plusieurs fois demandé avant de quitter la Guinée de m’interroger sur tout aspect de ma gestion qu’il vous plairait et de me confronter, au besoin, à mes critiques. Votre réponse a toujours été que vous n’écoutiez pas les ragots. Vous comprendrez donc ma surprise à la lecture de ce courrier.

Il est précisé dans le courrier qu’il s’agit simplement d’une enquête et que les allégations mentionnées n’ont été ni vérifiées ni validées par quiconque. Force est de constater cependant, que malgré l’engagement du comité à préserver la confidentialité de son courrier et de la procédure, la lettre a été livrée à la presse internationale qui me l’a transmise pour des besoins d’interview et cela avant même que la société destinataire ne l’ait reçue.

Monsieur le Président, il est navrant de constater que la majorité du courrier donne le sentiment d’une ignorance à dessein des faits, leur véracité et même leur vraisemblance. Des interrogations futiles se voient attribuer le même poids que des questions auxquelles il serait important de trouver réponse. La chronologie de certains évènements est sciemment altérée. Des évènements non-plausibles sont traités avec sérieux et des accusations dénuées de la moindre évidence y sont lancées sans retenue. C’est ainsi qu’on y retrouve listés des évènements qui ne seraient ni illégaux, ni éthiquement reprochables, s’ils avaient eu lieu, comme éléments à charge. Des activités qui relèvent de la simple poursuite concurrentielle d’un objectif commercial y sont assimilées au trafic d’influence. Que dirait-on alors des actes réellement répréhensibles qui se perpétuent en ce moment même sous votre leadership, dans le secteur minier ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler à votre souvenir que la société BSGR a obtenu ses premiers permis de recherche en février 2006. Entre cette date et mon arrivée à la tête du Ministère des Mines et de l’Energie en janvier 2009, trois Premiers Ministres se sont succédé avec leurs gouvernements respectifs. Ces gouvernements successifs ont tous eu à étudier ce dossier et sont tous arrivés aux mêmes conclusions. Certains de ces anciens Premiers Ministres et Ministres des Mines sont aujourd’hui encore des Ministres de votre gouvernement ou parmi vos conseillers les plus haut placés à la Présidence. La logique voudrait que si j’ai eu à recourir à la corruption pour faire agréer ce dossier jugé douteux par votre comité, tous ces gouvernants avant notre équipe gouvernementale ne pouvaient pas être arrivés aux mêmes conclusions sans avoir été eux-mêmes corrompus.

Cependant je n’ai vu le nom d’aucun d’entre eux mentionné dans le courrier, alors qu’ils ont été les précurseurs et principaux acteurs dans ce dossier. Je rappellerai aussi que j’ai servi deux gouvernements successifs et deux premiers ministres, et que notre évaluation du dossier a rejoint et confirmé celle de nos prédécesseurs. Le gouvernement de transition auquel j’ai participé était principalement constitué de membres de l’opposition, des syndicats et de la société civile qui avaient juré, avant de s’informer a priori, d’annuler tous ces contrats. Pourtant ils en ont confirmé la validité. Je rappellerai enfin, que votre Ministre des Mines actuel a été le conseiller en questions minières de tous les Premiers Ministres depuis la rétrocession des blocks 1 et 2 de Simandou et leur attribution à BSGR. Vous devriez, dès lors, être en mesure d’obtenir de lui les rapports et les recommandations négatives qu’il aurait présentés aux Premiers Ministres Fall, Kouyaté, Souaré, Komara et Doré ou aux Ministres des Mines Kanté, Nabé et Thiam sur le sujet.

Ceci pour vous rappeler que tous ces gouvernements successifs ainsi que la vaste majorité des cadres du Ministère des Mines ont examiné ce dossier et déterminé que la rétrocession était légale, rétablissait la Guinée dans ses droits et rectifiait une violation antérieure du code minier. Ceci corrobore aussi le fait que la méthode d’attribution du titre sur les blocks rétrocédés était correcte. Certains membres de votre Comité étaient au Ministère des Mines durant toute cette période et étaient parmi mes plus proches collaborateurs. Je n’ai pas souvenance d’une seule voix discordante sur le sujet.

La présentation des faits dans le courrier du comité et les multiples allusions à ma personne ont permis à la presse de sous-entendre que j’ai joué un rôle dans la rétrocession des titres, puis dans leur attribution à BSGR. Cette présentation a déformé la réalité en tordant le cou à la chronologie des faits.

Le courrier laisse aussi sous-entendre que dès mon arrivée au Ministère j’aurais été pris en otage par BSGR qui, à force de cadeaux et de voyages m’aurait acquis à sa cause. Mon introduction à ce dossier, Monsieur le Président, fut par un appel téléphonique du Premier Ministre Mr. Komara me demandant de recevoir une délégation de collègues Ministres et de membres influents du CNDD. La délégation accompagnait des représentants de Rio Tinto porteurs d’une plainte contre BSGR et d’une requête d’annulation immédiate de leurs permis sur Simandou. Je leur ai donné mon engagement d’étudier la plainte et d’arriver à une décision juste et équitable dans un délai raisonnable. Peu après, une visite sur le site de Simandou a été organisée pour moi-même, quelques membres de mon cabinet et le Ministre de l’Environnement de l’époque, Mr. Papa Koly Kourouma, un autre de vos Ministres. Rio Tinto a affrété un avion pour nous y transporter, un hélicoptère pour le survol du site, nous a pris en charge pendant tout le séjour (vous comprendrez plus bas pourquoi je précise ceci). Contrairement à ce qui est dit dans la lettre, c’est Rio Tinto qui m’a « lobbyé » agressivement dès mon arrivée et non BSGR. Des représentants de Rio ont contacté des membres de ma famille, cherché à connaître le domicile de ma mère etc.…BSGR n’a été appelée à présenter ses arguments que lorsque j’ai surpris la direction de Rio Tinto au camp Alpha Yaya, chez le Président Dadis, en train d’essayer de lui arracher une décision immédiate sans passer par la procédure sur laquelle nous nous étions entendus. A mon arrivée, la société avait fait miroiter tous genres de cadeaux politiques y compris le rêve de régler tous les problèmes d’eau et d’électricité pour la Guinée. Lorsque j’ai demandé aux représentants de la société de confirmer cette promesse, par écrit, ils ont du admettre que la promesse était fausse. J’ai donc suggéré au Président que nous entendions aussi l’autre société avant de trancher et ce dernier, apparemment déçu, a été forcé d’accepter que les raccourcis n’existent pas dans ce genre d’affaires. Certains membres du Comité de Révision étaient des témoins privilégiés de tout cela et pourraient vous en dire plus.

Monsieur le Président, la plupart des accusations et allégations qui sont énumérées dans ce courrier nous ont été soumises à l’époque et nous avons dû vérifier leur véracité ou leur plausibilité. Je vais donc vous soumettre point par point mes réponses à certaines des interrogations :

1) Les vraies intentions de BSGR de développer le site : Si la question pouvait et devait être posée avant l’octroi du permis (et je suppose qu’elle l’a été), la question ne se posait plus lorsqu’elle nous a été soumise en 2009 et ne devrait certainement plus se poser aujourd’hui car les faits ont parlé d’eux-mêmes. BSGR a obtenu un permis de recherche. Ses obligations étaient de prospecter et de développer la connaissance géologique des surfaces qui lui ont été attribuées, de soumettre ses rapports périodiques au Ministère et de s’acquitter des taxes et impôts. Avant mon entrée au gouvernement, cela avait été fait. Ceci peut être confirmé par vos conseillers et auprès de toutes les directions compétentes du Ministère. Un travail de prospection a été entamé et achevé, des réserves avaient été prouvées à Zogota, dans une zone estimée stérile auparavant. C’est tout ce que le code demande à un détenteur de titre de recherche. Avant la date de rétrocession la société a présenté une étude de faisabilité et une demande d’engager les négociations pour une convention. Les départements techniques en charge du processus ont reçu les études, les ont jugées acceptables et m’ont recommandé d’engager la procédure. Aujourd’hui, même si les intentions de départ de la société avaient été de ne pas remplir ses engagements, force est de reconnaitre qu’elle les a remplis et a fait face à tous les investissements nécessaires. Ses capacités financières et techniques en sont donc ainsi démontrées.

Mahmoud Thiam

Ancien ministre des mines

 

 

 

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