samedi, avril 20, 2024

RCA : L’impasse de la politique du canon

Sur cinq présidents depuis l’indépendance de la Centrafrique, trois ont le pris le pouvoir par les armes. Alors qu’une nouvelle rébellion est sur le point de renverser le général-président Bozizé, cet éditorialiste remonte aux sources du mal de ce pays.

 

 

Depuis plus d’une décennie, la République centrafricaine est en proie à des rébellions répétées. En moins d’une semaine, des rebelles ont conquis, sans forte résistance, la moitié du territoire national. On se souvient que feu le président Ange-Félix Patassé [1993-2003] avait eu recours aux miliciens du Congolais Jean-Pierre Bemba pour arrêter l’avancée de l’ex-chef rebelle, François Bozizé, aujourd’hui chef de l’Etat centrafricain.

L’ex-chef de guerre congolais est détenu à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI) où il attend son procès. La douleur des crimes perpétrés par ses sbires et satrapes continue à souiller la conscience collective centrafricaine. Quant au président Bozizé, ancien rebelle parti lui-même du territoire tchadien, il a lui aussi eu jadis un parrain, le président Idriss Déby, qui joue le gendarme dans cette région. C’est dire qu’en Centrafrique, l’histoire est un éternel recommencement.

Une situation comparable à celle de la RDC

Ce pays est-il devenu insaisissable, victime de « coups du destin » ? Il existe une analogie entre la situation sécuritaire de la république démocratique du Congo (RDC) et celle de la Centrafrique.

Les anciens rebelles sont des déserteurs de l’armée nationale régulière. Comme en RDC, ils ont signé, en 2007, des accords dits de paix avec le pouvoir de Bangui, accords qui n’ont jamais été respectés. Comme en RDC, on assiste à une gestion conjoncturelle des crises et non à une gestion durable.

Y aurait-il un lien entre l’avancée spectaculaire de cette nouvelle rébellion et les récentes tentatives de réorganisation de sa garde par le président Bozizé ? La question mérite d’être posée. Quant au parrain, Idriss Déby lui-même, n’est-il pas aussi un ancien chef rebelle arrivé au pouvoir par les baïonnettes ?

Une logique politicienne

A l’instar des armées africaines dites nationales, l’armée centrafricaine vient de nous montrer qu’elle n’est qu’un pur concept administratif. Les accords signés avec les mouvements rebelles d’hier et d’aujourd’hui sont issus de compromis politiques pourris. En règle générale, ils reposent sur une pure logique politicienne, c’est-à-dire maintenir le régime en place à Bangui.

C’est pourquoi, ces accords douteux et souvent médiocres, de surcroît non appliqués, ne font que nourrir les rébellions de demain. Ils peuvent faciliter une suspension des hostilités mais ils ne règlent pas le problème de fond. On les appelle des trêves, c’est-à-dire de simples paix temporaires.

A quand un véritable dialogue ?

Or le peuple centrafricain aspire à une paix durable, permanente. Le problème qui se trouve au cœur de ces rébellions à répétition est celui de la gouvernance démocratique. Le plus troublant, c’est que le pouvoir de Bangui n’établit aucune connexion entre paix durable et démocratie. Car, dans un Etat de droit, les rebelles auraient trouvé en face d’eux un cadre de concertation.

Ici, la peur de la démocratie érode toute possibilité de compromis politiques durables. La gouvernance du régime Bozizé est donc vide de sens puisqu’elle refuse tout dialogue avec l’opposition politique civile.

Au lieu de jouer en permanence au sapeur-pompier, Déby ferait mieux de conseiller à Bozizé d’engager un véritable dialogue national avec son opposition. La démocratie est une manière raisonnable de vivre ensemble ; en Centrafrique, comme ailleurs, elle réussit à secréter à l’intérieur d’elle-même des espaces publics de discussion, de confrontation et de contestation. La solution du canon est donc une solution paresseuse. Et quand elle confine à l’idolâtrie, elle peut conduire à un suicide collectif.

 

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