Lorsqu’un dirigeant très charismatique tombe malade, le scénario suit souvent le même déroulé, de la dissimulation de la maladie jusqu’aux funérailles en grande pompe. Parfois son régime lui survit, parfois non… Que se passera-t-il avec Chávez, dont l’état de santé ne semble pas lui permettre d’assurer son nouveau mandat ?
Tôt ou tard les systèmes politiques fondés sur le culte de la personnalité et la concentration des pouvoirs aux mains d’un seul homme, un Chef suprême à la fois omniscient et omnipotent, sont confrontés au problème de sa maladie et de sa disparition.
La littérature et la presse, notamment celles d’un XXème siècle qui a connu son lot de régimes totalitaires et de chefs d’Etat despotiques, regorgent de références dramatiques aux longues et douloureuses agonies de ce genre de dirigeants.
La liste est longue et variée, mais le scénario est toujours plus ou moins le même. On commence par essayer de cacher la maladie le plus longtemps possible, puis une fois que la nouvelle est rendue publique, c’est le mal et le type de traitement qui sont auréolés de mystère. Et c’est seulement à la toute fin, une fois les questions de succession ou de transition résolues, qu’on commence à préparer le peuple à l’imminence de la mort du chef suprême et aux somptueuses funérailles qui lui permettront de rejoindre l’Olympe.
Que l’homme soit de droite, comme Franco, ou communiste comme Staline et Mao, le scénario reste inchangé. Deux de ces longues agonies sont restées dans les mémoires pour leur durée et pour les souffrances qu’ont subi les dirigeants malades : celle de Tito, le dictateur yougoslave, et celle de Boumediène, le héros de l’indépendance algérienne.
Des héritiers rarement à la hauteur
La plupart de ces dirigeants autoritaires, mégalomanes et parfois charismatiques, ont pour caractéristique commune de se maintenir au pouvoir jusqu’à leur dernier souffle parce qu’ils savent mieux gouverner que tous ceux qui les entourent. Le premier cercle de leurs collaborateurs craint plus que tout de ne pas pouvoir se montrer à la hauteur de la tâche et que le dirigeant n’emporte avec lui dans la tombe l’unité du projet politique et l’appareil du pouvoir.
Dans les cas de Tito et de Boumediène, leur disparition a déterminé la chute du régime. Privée de Tito, la nation yougoslave s’est disloquée et est devenue le théâtre d’affrontements sanglants et de nettoyages ethniques parmi les plus violents du XXème siècle européen. Sans Boumediène, le régime politique qu’il avait mis en place a pris fin et une période de transition lui a rapidement succédé. En revanche, dans les pays où existait un parti unique très puissant et une idéologie politique clairement définie, avec ses livres sacrés, ses dogmes et un appareil politique intact, comme l’URSS de Staline et la Chine de Mao, le système politique a perduré en se modernisant sans être remis en cause.
Le Venezuela, entre démocratie et pouvoir charismatique
Au Venezuela, nous allons bientôt être confrontés à ce genre de situation. Pourtant, certaines composantes sont inédites. D’une part, nous bénéficions d’un cadre institutionnel formellement démocratique qui a clairement défini les dispositions à prendre en cas de départ du Président. Mais d’un autre côté, nous avons un dirigeant charismatique élevé par son propre parti au rang de grand personnage de l’Etat et de chef unique comme dans un régime autoritaire.
Chávez n’a pas été un dirigeant exceptionnel. Ni un révolutionnaire radical qui aurait éliminé la propriété privée et imposé une économie d’Etat centralisée. Mais il a réussi en grand prestidigitateur, et c’est là sa principale qualité, à faire croire à ses fidèles partisans que le pays était en train de vivre sa révolution et s’acheminait vers un avenir meilleur. Et c’est sans doute la fin de cette illusion qui laissera le plus grand vide.