Un homme est entré dans le hall du quotidien Libération, dans le 3e arrondissement de Paris, lundi 18 novembre, en milieu de matinée, armé d’un fusil à pompe. Vers 10 h 15, l’individu a tiré plusieurs coups de feu, blessant sévèrement un assistant-photographe, avant de prendre la fuite.
Environ une heure plus tard, des coups de feu étaient tirés en direction d’une tour de la Société générale à la Défense, sans que le lien entre les deux agressions ne puisse être clairement établi.
Le blessé, âgé de 27 ans, très grièvement touché à l’abdomen et au thorax, est une personne extérieure au journal, qui venait assister le photographe Laurent Bochet lors d’une séance pour le supplément Next. François Sergent, directeur adjoint de la rédaction de Libération, a expliqué que le tireur a utilisé un « canon scié, touchant le photographe dans le dos ». Le blessé a été transporté à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.
Le directeur de la rédaction, Fabrice Rousselot, a adressé un message à tous les salariés du quotidien :
« Un homme s’est introduit ce matin au journal avec un fusil. Il a tiré deux fois à l’accueil et a malheureusement touché l’assistant d’un photographe de Next qui était présent. (…) Nous sommes tous sous le choc et nous vous tiendrons au courant évidemment de la situation et de la santé du photographe touché. »
« Dans ce hall d’entrée de Libération, il y a eu une scène de guerre qui n’a rien à voir avec la démocratie », a réagi en fin de matinée le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, devant le siège du quotidien. « Ce drame touche bien sûr la rédaction de Libération mais aussi tous les journalistes de notre pays et nos compatriotes. (…) Il ne peut y avoir de place pour ceux qui s’attaquent aux libertés fondamentales », a insisté le ministre, qui était accompagné de la ministre de la culture et de la communication, Aurélie Filippetti, du maire de Paris, Bertrand Delanoë, et de son adjointe, Anne Hidalgo.
Dans un communiqué, le chef de l’Etat, François Hollande, a exprimé son « émotion » et demandé au ministère de l’intérieur « de mobiliser tous les moyens pour éclaircir les circonstances de ces actes et arrêter le ou les auteurs ».
SURVEILLANCE RENFORCÉE DEVANT PLUSIEURS MÉDIAS
D’après une journaliste de France Info, le tireur serait un homme âgé « d’une quarantaine d’années, cheveux ras », vêtu d’un « long manteau vert avec sans doute un gilet pare-balles ». Devant les équipes de Libération, le ministre de l’intérieur a décrit le tireur comme un « individu agissant seul et autoradicalisé ». L’enquête a été confiée à la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne. En parallèle, un dispositif policier (gardes statiques et patrouilles) a été déployé devant les sièges de plusieurs médias nationaux, prévu pour durer tant que le forcené n’est pas arrêté.
L’accès au siège de Libération est normalement surveillé par des caméras, mais l’entrée ne dispose pas de portiques de sécurité, selon une journaliste de Libération contactée par Le Monde.fr. Cependant, depuis que Libé avait accueilli dans ses locaux, en novembre 2011, la rédaction de Charlie Hebdo, dont le siège avait été détruit dans un incendie volontaire, des rondes policières avaient été mises en place aux abords du journal.
Le directeur du quotidien, Nicolas Demorand, a souligné que son journal ne devait pas devenir un « bunker ». « Nous ne voulons pas travailler avec un rideau pare-balles ». Une cellule psychologique doit être mise en place dans l’après-midi.
VENDREDI, LE SIÈGE DE BFM TV ÉTAIT VISÉ
Cette affaire survient dans la foulée d’une autre, touchant la rédaction de BFM TV : vendredi dernier, vers 7 heures, au siège de la chaîne, un homme armé s’était introduit et avait menacé deux journalistes, avant de repartir sans avoir tiré, des cartouches ayant pourtant été retrouvées au sol. Pour Le Parisien, cet individu « de type européen, âgé selon les témoins de 30 à 40 ans » était « vêtu d’un blouson et portant une capuche ». Après avoir pointé son arme sur un rédacteur en chef et un journaliste présents dans le hall, il aurait prononcé quelques mots difficilement audibles, avant de s’enfuir en courant.
Selon une source interne à la rédaction de Libération, Manuel Valls a déclaré aux salariés du journal, réunis mercredi, que les cartouches utilisées lundi matin sont identiques à celles trouvées au siège de BFM-TV. Joint par Le Monde, le directeur de la rédaction de BFM TV, Hervé Béroud, a lui aussi affirmé que les deux types de munitions sont les mêmes. Tout en prônant la prudence sur le lien entre les deux affaires, M. Béroud estime qu’il y a peu de doute, vu le lien entre les cartouches et le « mode opératoire », similaire. Il rappelle que le forcené qui s’était introduit au siège de BFM TV, vendredi, avait déclaré : « La prochaine fois, je ne vous raterai pas. »
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