« Si le chômage ne baisse pas d’ici à 2017, je n’ai, ou aucune raison d’être candidat, ou aucune chance d’être réélu », a déclaré le président de la République.
C’est une véritable bombe qu’a lâchée François Hollande vendredi lors d’un déjeuner avec des dirigeants et des salariés de Michelin : si le chômage ne recule pas d’ici à 2017, je n’ai « aucune raison d’être candidat » à un deuxième mandat, a déclaré le chef de l’État. Autour de la table, personne n’a bronché parmi la vingtaine de convives, mais ces quelques mots n’ont pas échappé au ministre de l’Économie Arnaud Montebourg, qui a marqué un temps de surprise.
François Hollande, en réponse à un syndicaliste, a rappelé que l’emploi et particulièrement celui des jeunes était sa « priorité », la mère de toutes ses batailles. « On va y mettre toute notre énergie parce qu’il n’y a pas d’autre enjeu », a-t-il ajouté.
En distillant cette petite phrase entre la poire et le fromage – « si le chômage ne baisse pas d’ici à 2017, je n’ai, ou aucune raison d’être candidat, ou aucune chance d’être réélu » -, il a quelque peu atténué par la même occasion l’onde de choc de l’affaire Aquilino Morelle. Son conseiller politique avait annoncé quelques minutes plus tôt sa démission à l’AFP, accusé par le site d’information Mediapart de « conflit d’intérêts » pour avoir oeuvré en faveur de laboratoires pharmaceutiques alors qu’il était haut fonctionnaire, inspecteur général des affaires sociales.
L’engagement du chef de l’État n’est pas inédit. Pendant la campagne de 2007, Nicolas Sarkozy avait fait lui aussi un pari sur l’avenir. Promettant le retour au plein emploi à l’issue de son quinquennat, il s’était engagé à dire, s’il n’y parvenait pas : « C’est un échec et j’ai échoué. Et c’est aux Français d’en tirer les conséquences. » Prononcée à Clermont-Ferrand, chez Michelin, la petite phrase de François Hollande prend aussi une dimension symbolique. C’est à propos de restructurations massives engagées au tournant des années 2000 par Michelin au prix de milliers de suppressions de poste, que Lionel Jospin, alors Premier ministre socialiste, avait lâché imprudemment : « Il ne faut pas attendre tout de l’État et du gouvernement. »
Pas un risque considérable
Cela étant, François Hollande ne prend pas un risque politique considérable. Sa promesse d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin 2013 est définitivement tombée à l’eau. Et le chef de l’État, au plus bas dans les sondages, ne pourrait de toute évidence espérer gagner une nouvelle fois la confiance des Français si la situation de l’emploi s’aggravait encore d’ici à la fin de son quinquennat.
Sa cote de popularité est déjà dans les tréfonds, avec encore cinq points de moins, à 18 %, dans le baromètre mensuel Ifop-JDD d’avril. Et François Hollande est distancé de 40 points par Manuel Valls, un écart inédit entre les deux têtes de l’exécutif sous la Ve République, hors périodes de cohabitation. Après la forte séquence Valls de ces derniers jours, le président semble d’ailleurs vouloir signifier à son nouveau Premier ministre et rival potentiel pour 2017 que le cap sur le chômage, c’est le sien et que si lui-même échoue, toute la gauche échouera.
D’un point de vue économique, « le pari est beaucoup moins risqué que celui d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année 2013 », estime Xavier Timbeau, de l’OFCE. « Dans les sorties de crises des récessions précédentes, l’économie française a atteint des rythmes de croissance jusqu’à 4 %, ce n’est donc vraiment pas impossible », observe-t-il. « La création d’emplois dépend à la fois de perspectives à très court terme et de perspectives à deux ou trois ans », note pour sa part Stefano Scarpetta (OCDE). Ainsi, selon lui, les réformes structurelles et la croissance économique qui « semble se confirmer » en Europe pourraient « créer un environnement favorable ».
Avec cette visite auprès du géant français du pneumatique, le chef de l’État entendait, selon son entourage, « renouer le contact avec les Français » et inaugurer un nouveau cycle de déplacements hexagonaux après deux mois loin du terrain « du fait d’un agenda international surchargé et des élections municipales ».
Las, l’affaire Aquilino Morelle puis cette déclaration auront éclipsé l’objet de sa visite chez Michelin, censée délivrer un message de « confiance » envers les entreprises françaises et illustrer la pertinence de son pacte de responsabilité et de solidarité.
AFP