vendredi, avril 19, 2024

Guinée : l’exigence de justice et de réconciliation

A l’issue d’une mission internationale en Guinée conduite, du 9 au 13 juin, par Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH, nos organisations constatent qu’après des mois d’attente les autorités ont posé des actes pour relancer la lutte contre l’impunité, le renforcement de l’État de droit et le processus de réconciliation nationale.

La FIDH et l’OGDH appellent les autorités nationales à traduire ces actes en résultats afin que 2014 et 2015 soit enfin le temps des procès, de la justice et de la réconciliation alors que se profilent des échéances électorales propices à tous les dérapages.

« Nous sommes venus en Guinée pour nous enquérir de la situation des dossiers judiciaires où nous sommes engagés et faire part de nos préoccupations sur le délai des procédures et l’attente des victimes que nous accompagnons. Aujourd’hui, la Guinée est engagée dans une course contre la montre : elle a l’occasion, pour la première fois de son histoire, de rendre justice aux victimes des graves violations commises sur son territoire au cours des dernières années, à commencer par le 28 septembre 2009. Si des actes judiciaires forts et des résultats tangibles ne sont pas enregistrés dans les prochains mois pour clôturer les instructions en cours, la Cour pénale internationale se saisira prochainement des dossiers et jugera les présumés responsables en dehors de la Guinée » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH.

Depuis 2010, la FIDH et l’OGDH se sont constituées parties civiles dans le dossier judiciaire des massacres du 28 septembre 2009. A ce jour, elles ont accompagné près de 400 victimes devant les juges d’instruction, mais en quatre années de procédure, seulement huit personnes ont été inculpées pour des faits qui ont été commis par plusieurs dizaines d’éléments des forces de l’ordre.

Depuis 2012, nos organisations ont également obtenu l’ouverture d’enquêtes judiciaires pour les répressions de janvier et février 2007 ainsi que pour des faits de tortures commis en octobre 2010, affaire dans laquelle 3 personnes dont l’ancien gouverneur de Conakry, le commandant Sekou Resco Camara, ont déjà été inculpées.

« Le nouveau ministre de la Justice semble avoir donné un élan important à un système judiciaire qui en avait grand besoin, particulièrement dans les dossiers sensibles de 2007, 2009 ou 2010. Si un travail considérable doit être encore être fourni, plusieurs blocages qui semblaient jusque là récurrents semblent pouvoir être levés. Nous attendons désormais une confirmation, à travers l’évolution rapide des dossiers » a déclaré Abdoul Gadiry Diallo, représentant de l’OGDH.

Au cours de son séjour, la mission a également pu mesurer les premiers efforts engagés pour la réforme de la justice, condition essentielle de l’instauration d’un véritable Etat de droit, lancée au mois d’avril 2014. Les codes pénal, de procédure pénal et de justice militaire sont ainsi en cours de révision à la lumière des engagements internationaux de la Guinée, notamment le Statut de Rome ou la Convention contre la torture, deux instruments essentiels pour la Guinée compte tenu de son histoire récente.

La création d’un Conseil supérieur de la magistrature est également une évolution positive tout comme la perspective d’un statut des magistrats rénové et d’une revalorisation de leur salaire. Cela ne doit pas occulter les difficultés matérielles rencontrées par le département de la justice, qui ne représente aujourd’hui que 0,5 % du budget de l’État. Nos organisations exhortent ainsi les autorités guinéennes à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la bonne marche de cette réforme.

A l’issue des rencontres avec les différents responsables politiques guinéens, la mission marque également sa préoccupation au regard du climat politique, en particulier dans la perspective des prochaines échéances électorales. Le retrait des députés de l’opposition de l’assemblée nationale ou l’absence de dialogue entre les partis politiques de la majorité présidentielle et de l’opposition sont des signaux préoccupants.

« Ce climat politique loin de l’apaisement que l’accord du 3 juillet 2012 et la tenue des élections législatives pouvaient laisser espérer est un argument supplémentaire en faveur du lancement du processus de réconciliation nationale, l’un des engagements du Chef de l’Etat. Aujourd’hui, les préparatifs de cette large consultation sont terminés et il ne faut plus attendre pour lancer le processus de consultations nationales des populations afin de déterminer le mandat de la future commission de réconciliation », a déclaré Souhayr Belhassen.

Près de trois ans après sa création, en août 2011, la Commission provisoire chargée de la réconciliation nationale, coprésidée par le premier imam de la grande mosquée et l’archevêque de Conakry doit désormais être installée officiellement et mettre en œuvre ce processus qui, seul, permettra à la Guinée, de répondre aux exigences de vérité, de justice et de réparation des citoyens guinéens victimes de graves violations des droits humains.

FIDH

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