L’épidémie d’Ebola est « hors de contrôle » dans les trois pays d’Afrique de l’Ouest où elle a déjà fait plus de 350 morts. C’est le jugement du Dr Bart Janssens, directeur des opérations de Médecins sans frontières (MSF), l’ONG médicale présente sur place.
Les cas de contamination à ce redoutable virus ont été recensés en Guinée, Sierra Leone et au Liberia, trois pays aux structures sanitaires déficientes, incapables de faire face seuls à ce fléau potentiellement catastrophique.
L’épidémie d’Ebola est « hors de contrôle » dans les trois pays d’Afrique de l’Ouest où elle a déjà fait plus de 350 morts. C’est le jugement du Dr Bart Janssens, directeur des opérations de Médecins sans frontières (MSF), l’ONG médicale présente sur place.
Les cas de contamination à ce redoutable virus ont été recensés en Guinée, Sierra Leone et au Liberia, trois pays aux structures sanitaires déficientes, incapables de faire face seuls à ce fléau potentiellement catastrophique.
Ebola fait partie des cauchemars médicaux. Depuis son apparition au Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo) en 1976, le virus a ressurgi plusieurs fois en Afrique, faisant de nombreuses victimes.
En 1994, un journaliste américain, Richard Preston, a publié un livre, « The Hot Zone », qui avait frappé l’opinion aux Etats-Unis, en remontant la piste d’Ebola.
J’ai lu ce livre il y a un peu plus de dix ans : une amie me l’avait envoyé alors que je vivais à Pékin, et que la capitale chinoise sortait du cauchemar du Sras, le syndrome respiratoire aigu sévère, qui avait paralysé la ville pendant quelques semaines.
Vivre une épidémie dans une mégapole de quinze millions d’habitants est une expérience hallucinante, même si, dans ce cas, fort heureusement, le taux de mortalité était relativement faible – ce qu’on ne sait pas au début.
Le livre de Richard Preston donne la mesure de l’« ennemi » redoutable que constitue Ebola, sous ses différentes souches. J’en ai extrait ces deux histoires, la traque du virus dans une grotte du Kenya, et la soudaine apparition du risque à quelques kilomètres de la Maison Blanche à Washington…
1 – A la recherche d’Ebola au Kenya
En 1988, Gene Thomson, un scientifique américain, a la conviction d’avoir identifié une source du virus Ebola dans une grotte au Kenya nommée Kitum.
Quelques mois plus tôt, un jeune Kenyan s’y était rendu ; il était mort d’Ebola. Même scénario quelques années auparavant avec un Français.
Thomson parvient à mettre sur pied une mission américano-kenyane de 35 membres pour explorer cette grotte, en prenant toutes les précautions nécessaires. Vingt caisses de matériel sont envoyées au Kenya, contenant du matériel de protection, de l’équipement scientifique et… des sacs en plastique pour rapatrier les éventuelles victimes, comme dans une guerre.
La grotte de Kitum était alors décrétée niveau 4, c’est-à-dire le niveau le plus élevé dans le domaine médical, nécessitant les plus grandes protections individuelles, dignes des cosmonautes qui sont allés sur la Lune. Ce sont d’ailleurs des combinaisons utilisées par la Nasa dans l’espace que portent les membres de l’expédition, avec leurs réserves d’oxygène.
Ils emmènent également avec eux plusieurs animaux, des cochons d’Inde et dix-sept singes de plusieurs espèces, pour servir d’alerte, un peu comme les canaris dans les mines autrefois, qui permettaient d’anticiper les coups de grisou.
Singes ou cochons d’Inde en sentinelles
Gene Thomson avait imaginé de placer les animaux en cage à l’intérieur et à proximité de la grotte, avec l’idée que certains seraient atteints par le virus. Richard Preston explique :
« Il n’y a pas d’instrument pour détecter les virus. Le meilleur moyen de détecter un virus à l’air libre est de placer un animal-sentinelle sur les lieux où on soupçonne sa présence, et d’espérer que l’animal tombe malade. Johnson imaginait que si un de ses singes ou cochons d’Inde était atteint, il pourrait isoler le virus et serait peut-être en mesure de découvrir comment il l’avait attrapé. »
Au cours de l’expédition, les scientifiques ont analysé chaque centimètre carré, ramassé plusieurs dizaines de milliers d’insectes, étudié chaque espace, chaque pierre… Aucun des « animaux-sentinelles » n’a été contaminé après des semaines d’« attente »…
Malgré les moyens engagés, cette expédition fut un échec : la chasse au virus n’est visiblement pas un sport classique. Gene Thomson en fut tellement dépité qu’il ne parvint même pas à écrire un compte-rendu de cette mission décevante.
« Grotte de Kitum, est-ce que tu as le virus ? »
En 1993, Richard Preston se rend à son tour dans la grotte de Kitum dans le cadre de ses recherches pour son livre. Et il s’interroge à haute voix :
« Ah, grotte de Kitum, est-ce que tu as le virus ? Aucun instrument, aucun capteur ne peut vous dire si vous êtes en présence du prédateur.
J’ai éteint ma lampe, et je suis resté dans le noir absolu, sentant la sueur couler sur mon corps, écoutant les battements de mon cœur, et les flux de mon sang dans mon crâne. »
2- Le bunker des singes
Reston, une ville de l’Etat de Virginie, est située à une quinzaine de kilomètres, seulement, de la capitale fédérale des Etats-Unis, Washington DC. Cette paisible communauté a connu une alerte Ebola en 1989, loin, très loin, de la grotte kenyane…
Cette ville abritait alors les entrepôts d’une société spécialisée dans la fourniture de singes pour les expérimentations médicales aux Etats-Unis.
C’est à Reston que Hazelton Research Products réceptionnait quelque 16 000 singes sauvages importés chaque année d’Afrique ou d’Asie, avant de les expédier aux labos pharmaceutiques qui testaient sur eux leurs nouveaux produits.
Le 4 octobre 1989, raconte Richard Preston dans son livre, l’entrepôt reçoit livraison d’une centaine de singes, des macaques à longue queue des Philippines, qui avaient fait un long voyage : capturés dans l’île de Mindanao, puis emmenés par bateau dans des cages où ils se battaient parfois à mort, puis par avion à Amsterdam et enfin à New York d’où ils étaient acheminés par camion à Reston.
Le 1er novembre, Bill Volt, le directeur de la « maison des singes » de Reston réalise qu’ils meurent à un rythme inhabituel et inquiétant : un tiers d’entre eux sont morts en un mois.
« Il n’y avait rien d’anormal chez les animaux morts »
Un expert appelé sur place ne comprend pas initialement les raisons de leur mort : « Il n’y avait rien d’anormal chez les animaux morts, rien qu’il ne puisse identifier. Ils arrêtaient de s’alimenter et mouraient », raconte Richard Preston.
Il faudra trois semaines pour que les chercheurs identifient le virus tandis que les singes continuaient à mourir dans l’entrepôt. Conversation entre deux experts :
« Il y a de fortes chances que ce soit Marburg » [un virus proche d’Ebola, quoique moins mortel, ndlr]
– Tu plaisantes, ce n’est pas drôle.
– Ce n’est pas une blague, Pete. »
L’armée américaine est prévenue et fait effectuer de nouveaux tests, en incluant la possibilité que ce soit Ebola.
« Holy shit ! »
Le résultat tombe deux jours après : les singes ne meurent pas du Marburg, mais bien d’Ebola Zaïre, au taux de mortalité situé entre 50% et 90%, à quelques kilomètres de la Maison Blanche… Comme le dit le général qui est informé le premier : « Holy Shit ! »
Aussitôt, une opération sans précédent sur le sol américain est déclenchée. Il faut d’abord isoler les singes du reste du monde. Ensuite, deux options :
soit laisser l’épidémie achever tous les singes de l’entrepôt ;
soit les éliminer.
Le 1er décembre, le Washington Post annonce en une : « Le virus mortel Ebola découvert dans un laboratoire de singes de Virginie. » La panique menace si les autorités ne calment pas le jeu très vite.
Trois jours plus tard, catastrophe : un des membres de cette opération périlleuse vomit ses entrailles en sortant du bâtiment. Puis un deuxième. Les autorités avaient estimé que le risque de contamination humaine était faible vu les précautions prises, mais ce fut une erreur.
Un cordon sanitaire est alors organisé par l’armée, et la mise à mort, un par un d’une injection létale, des quelque 450 singes encore vivants dans tout l’entrepôt, ceux des Philippines et bien d’autres, est décidée.
Pour mener à bien l’opération, l’armée fait appel à… Gene Thomson, le chef de l’expédition ratée du Kenya l’année précédente, qui avait l’expérience du travail en zone de niveau 4.
« Ebola Reston »
Pendant toute la durée de l’opération, les péripéties ne manquèrent pas : l’évasion d’un singe de sa cage semant la panique dans l’entrepôt, un des membres de l’équipe médicale se piquant avec une seringue infectée, et survivant miraculeusement…
« The Hot Zone » de Richard Preston, éd. Anchor Books, 1994
Au bout du compte, cette opération fut menée à bien sans faire de victimes, et en parvenant à empêcher la diffusion du virus, dont il fut établi qu’il correspondait à une autre souche que celle qui était connue, et qui fut alors baptisée « Ebola Reston », du nom de cette commune de Virginie qui n’en demandait pas tant.
Un pays industrialisé n’est jamais passé aussi près d’une épidémie d’Ebola.
La conclusion de « The Hot Zone », paru quelques années après la crise de Reston :
« La vie est revenue dans la maison des singes. Ebola s’est développé dans ces pièces, a éclaté, s’est nourri, et s’est replié dans les forêts. Il sera de retour. »
« The Hot Zone » de Richard Preston, éd. Anchor Books, 1994
In Rue89