Malgré les bienfaits de la planification familiale sur la santé de la mère et de la femme, les chefs religieux pensent que c’est une entrave à l’épanouissement de la famille. Une situation qui pourrait expliquer le faible niveau d’utilisation de la planification familiale en Guinée. Selon les résultats de l’Enquête Démographique et de Santé 2012 (EDS-2012) réalisée par le ministère de la santé, 60% des femmes en union sont des candidates potentielles de la planification familiale et seulement 6% des femmes de 15 à 45 ans actuellement en union utilisent une méthode contraceptive moderne.
Selon cette même source, une femme en union sur cinq (20 %) ne désire plus avoir d’enfants et environ deux sur cinq (40%) souhaitent espacer la prochaine naissance d’au moins deux ans. En plus, les populations rurales acceptent difficilement l’idée de la planification familiale. Pour eux, l’espacement des naissances est une « idée et pratique des blancs».
A en croire certains chefs religieux rencontrés (catholiques et musulmans), l’idée de la planification familiale est un faux débat parce que « c’est Dieu qui donne des enfants et rien ne doit arrêter cela ». Dans leur perception, Dieu punit toute personne qui empêche une naissance. « C’est pourquoi, les familles en général et spécialement les femmes n’adoptent presque pas de méthode contraceptive ». Dans ces milieux, la femme est une machine qui sert à faire des enfants et non pour prendre une décision.
Et les enfants sont un don de Dieu et expriment la puissance familiale. En même temps, constituent une force de travail pour beaucoup de familles dans le village.
« Moi j’ai 4 femmes et 17 enfants et aucune de mes femmes n’est allée a l’école et pire elles veulent toute avoir des garçons parce que selon elles, ce sont les garçons qui vont hériter de leur père et c’est à cause de cela que chacune des femmes ne veulent pas arrêter» a affirmé un chef traditionnel rencontré.
Dans cet environnement, les femmes qui ont décidé d’adopter une méthode contraceptive ont eu assez de problèmes surtout de la part de leur belle famille. « J’ai eu beaucoup de problème dans ma belle famille quand j’ai commencé à espacer les naissances grâce à une méthode contraceptive. C’est l’une de mes belles sœurs qui m’a demandé si je suis malade parce que je n’ai plus conçu après mon 6ème enfant qui a aujourd’hui 3 ans » a expliqué Mme Touré, une ménagère de 33 ans. Et de continuer : « Très vexée, elle m’a dit que depuis que j’ai commencé par fréquenter d’autres femmes, tout a changé. Tu fais des enfants ou tu pars, sinon mon frère va prendre une autre femme ».
Avec les activités de sensibilisation et de plaidoyer que l’AGBEF (Association Guinéenne pour le Bien Etre Familial) en collaboration avec le Ministère de la Santé mènent depuis plusieurs années, les conceptions ont positivement évolué. En effet, les religieux comprennent de plus en plus que l’enfant est certes un don de dieu, mais qu’il faut espacer les naissances pour non seulement sauvegarder la santé de la femme mais aussi contribuer à la réduction de la mortalité maternelle et infantile. Aussi, comme le recommande Dieu, la planification familiale permet une meilleure éducation des enfants souhaités.
Cette amélioration du comportement vis-à-vis de la planification familiale, est aujourd’hui palpable sur le terrain même au niveau des femmes analphabètes qui sont de plus en plus conscientes des avantages de l a contraception. En effet, reconnaissent elles, la planification familiale améliore leur santé, leur donne du temps pour exercer par exemple leur commerce, leur permet de donner une meilleure éducation aux enfants surtout si la femme pour une raison ou une autre vit sans un conjoint.
Selon Madame Conté, l’idée de faire des enfants chaque 5 ans est une bonne chose car il ne sert à rien de faire des enfants « n’importe comment, j’ai fait 9 enfants dont 7 vivants et si j’arrête, je crois que personne ne diras que je n’ai pas d’enfants ou que je refuse d’en faire.
« Avec la sensibilisation que l’AGBF a fait avec les religieux bien que ça été difficile pour nous d’écouter ces discours, on a quand même compris que ça ne sert à rien de faire beaucoup d’enfants surtout si tu n’as pas les moyens de les éduquer tous. Et depuis cette séance de travail avec l’équipe, moi personnellement, j’ai arrêté de faire des enfants. Et j’ai sensibilisé mes femmes àa cette idée et celle qui est la plus jeune et qui n’a pas voulut respecter est partie » a témoigné un chef religieux.
Au regard de ce qui précède, les femmes du focus groupe au sein duquel les entretiens ont été mènés, lancent un appel au Gouvernement en vue d’impliquer les organisations traditionnelles que sont les « sérés » (regroupement de plusieurs femmes dans les activités génératrices de revenus), les journalistes (presse privé et publique) surtout des langues nationales et dans les émissions « Entre nous les femmes » dans la promotion de la planification familiale en Guinée. Dans cette approche, il est vivement souhaitable d’impliquer les hommes tout en associant les journalistes surtout ceux travaillant au niveau des Radios Rurales et Communautaires appeler « la voix des sans voix » dans la sensibilisation sur les avantages de la planification familiale.
Kadiatou Thierno Diallo