vendredi, avril 19, 2024

Un épidémiologiste américain lave les cerveaux à propos d’Ebola

Le Dr Michael Kinzer, épidémiologiste qui travaille aux CDC (Centres de contrôle et prévention des maladies) à Atlanta (États-Unis), rentre d’une mission de six semaines en Guinée. Un pays où l’épidémie d’Ebola semble plus contrôlée que chez ses deux voisins, au Liberia et en Sierra Leone, où le nombre de victimes augmente de manière exponentielle, portant le bilan en Afrique de l’Ouest à plus de 1500 morts.

Une situation qui devient critique pour les populations, car l’impact de l’épidémie sur les économies locales suscite de «fortes inquiétudes sur la sécurité alimentaire» d’après les Nations unies. Le monde est en train de «perdre la bataille» contre la progression de l’épidémie a ajouté, mardi, Joanne Liu, la présidente de Médecins sans frontières. En République démocratique du Congo, le bilan d’une autre épidémie d’Ebola s’est alourdi mardi à 31 morts.

LE FIGARO. – Quelle est la situation en Guinée, où 680 cas d’Ebola ont été enregistrés depuis le début de l’année?

MICHAEL KINZER. – La situation en Guinée est un peu moins préoccupante qu’en Sierra Leone et au Liberia. Pour enrayer l’épidémie d’Ebola, il y a deux centres principaux dans le pays, celui de la capitale à Conakry qui est le centre de traitement de référence, et dans l’est du pays, à Guéckédou. Ces deux centres visent à casser la chaîne de transmission de la maladie en permettant d’isoler les malades.

Comment soigne-t-on les malades?

Il n’existe pas de vaccin ni un médicament spécifique. Mais des traitements permettent de soigner les personnes victimes de la fièvre hémorragique. Nous aidons les patients à remplacer les fluides et les nutriments qui sont perdus, à lutter contre la nausée, à diminuer leurs angoisses et nous leur administrons des antibiotiques et des antipaludéens pour éviter les infections secondaires qui pourraient être fatales. Plus le traitement est précoce, plus la chance de survie est grande. Nous pourrons arrêter la propagation d’Ebola si les personnes qui présentent les symptômes de la maladie acceptent de venir se faire soigner le plus tôt possible.

Êtes-vous sûr de ne pas avoir été infecté par le virus?

Je ne suis pas inquiet. Je n’ai pas de risque de l’attraper, même si j’ai circulé, résidé à Conakry et serré des mains! Ebola est une maladie effrayante mais difficile à attraper. Les personnes qui ont été contaminées ont eu un contact intime avec un malade. Il y a très peu de cas parmi les enfants qui pourtant touchent à tout et ne se lavent pas toujours les mains. Les agents des CDC sur le terrain, qui voyagent dans le pays pour informer des précautions à prendre et pour inciter les personnes qui présentent des symptômes à se rendre dans l’un des centres du pays, doivent suivre des mesures d’hygiène assez simple.

À partir de quand les tests permettent de savoir si une patient est porteuse du virus?

Il n’y a pas de test pendant la période d’incubation, c’est seulement après le début des symptômes que le test PCR (par amplification du matériel génétique, NDLR) va devenir positif. Il peut y avoir à la fin de la maladie des faux négatifs, c’est pourquoi nous réalisons également une sérologie (recherche d’anticorps dans le sang, NDLR). Ces tests sont effectués à l’Institut Pasteur à Conakry et l’European Mobile Lab à Guéckédou. Sur les 680 cas en Guinée, 524 ont été confirmés par des tests, 142 sont probables (suspects et ayant eu un contact avec un malade) et 24 cas sont dits suspects (les personnes présentent de la fièvre et au moins trois des symptômes d’Ebola).

Des tests sont-ils effectués aux frontières terrestres de la Guinée avec la Sierra Leone et le Liberia?

Le gouvernement guinéen est en train de mettre en place des tests pour les personnes qui veulent entrer dans le pays. Mais aux CDC, nous préférons mettre en place des campagnes de sensibilisation des populations, sinon, les personnes trouveront toujours des voies détournées pour entrer dans le pays.

Est-il exact que «personne ne sait endiguer cette pandémie», comme l’affirme une chargée de mission de Médecins sans frontières?

Ce n’est pas ce que les gens de MSF nous disent en Guinée. Nous savons le faire dans ce pays et nous voulons répéter nos actions concertées avec les ONG et l’OMS en Sierra Leone et au Liberia.

Faut-il arrêter les vols commerciaux vers les zones touchées, comme l’a suggéré le gouvernement français à Air France, qui a suspendu sa desserte de la Sierra Leone?

Les CDC américains ne sont pas d’accord avec l’isolement des pays touchés. Fermer les frontières, c’est fermer les yeux. C’est la position que nous défendons aux États-Unis. Il est préférable de mettre en place une information des populations et du personnel médical pour la prise en charge de cas suspects, comme cela a été effectué, avec un relatif succès, au Nigeria. Et nous espérons reproduire ce modèle au Sénégal, où un cas vient d’être confirmé à Dakar.

Faudrait-il mettre en place des vols spéciaux pour acheminer le matériel et des équipes techniques?

C’est déjà commencé, avec une coordination des partenaires internationaux basés à Conakry, avec le Liberia et la Sierra Leone.

N’y a-t-il pas un risque d’importer la maladie par avion?

La maladie est transmissible seulement si la personne contaminée présente des symptômes. Dans les trois pays les plus touchés, les autorités locales, avec l’appui du CDC, vérifient l’état de santé des personnes qui embarquent. Si elles sont fébriles, elles ne peuvent pas prendre l’avion. Il y a très peu de risque qu’une personne déclare la maladie pendant le vol. Et la fièvre peut être révélatrice de bien d’autres maladies. Le risque d’importation est donc très faible.

Un système de compensations doit-il être mis en place pour inciter ceux qui présentent des symptômes à se déclarer?

Sur le terrain, nous avons discuté de tous les moyens envisageables pour inciter la plupart des cas à se présenter aux stades les plus précoces de la maladie.

Êtes-vous d’accord avec l’OMS qui indique que 20.000 cas seront recensés et que la maladie sera jugulée en six mois?

Je me méfie de ce genre de prévisions. Nous gagnerons la lutte contre Ebola par la surveillance et la mise en place de mesures pour inciter les personnes malades à être prises en charge le plus tôt possible.

in le Figaro

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