L’Alliance Québec-Boké est une association de guinéo-canadiens (amis et originaires de Boké) soucieux du développent de leur localité. Dans cette interview, son Président Yaya Manè –sans détours aucuns- nous explique les motivations qui ont porté cette association sur les fonts baptismaux. Il nous explique également les actions en cours en faveur du ‘’Kakandé’’, ainsi que les actions que l’Alliance compte entreprendre dans le futur pour l’intérêt des jeunes de cette partie nord du pays.
Kaloumpresse.com : Veuillez vous présenter à nos lecteurs
Yaya Manè : Je me nomme Yaya Manè. Je suis enseignant de profession, guinéo-canadien depuis quelques années. J’enseigne au Canada où je vis avec ma famille. Depuis 2011 je préside le Conseil exécutif de l’Alliance Québec-Boké, organisme à but non lucratif, crée à la même année. Mon mandat a été renouvelé au mois de mars 2014. L’Alliance Québec-Boké se fixe pour objectif la promotion de différentes activités en vue du développement de la région de Kakandé Boké.
KP : Peut-on connaitre les activités menées par l’Alliance depuis sa création.
YM : Avant de répondre à cette question, je voudrais avant tout profiter de votre tribune www.kaloumpresse.com, pour présenter au nom de l’ensemble des membres de l’Amicale, nos condoléances les plus émues à tous nos frères et sœurs endeuillés suite à l’épidémie d’Ebola en Guinée. Au nom de l’ensemble des Kakandékas du Canada dis-je, je prie Dieu qu’il accorde son paradis aux personnes disparues, et qu’il fasse en sorte que cette fièvre qui nous a tant endeuillé disparaisse à jamais de l’Afrique en général, et de la Guinée en particulier. Je suis convaincu que nous arriverons à bout de cette maladie, car la Guinée a toujours su relever des défis. Grâce aux efforts conjugués des autorités guinéennes ainsi que de l’implication de la communauté internationale, je parie que l’épidémie d’Ebola, sous peu, ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Pour en revenir à votre question, je dirai que depuis 2010, nous avons mené beaucoup d’activités socioculturelles. Nous sommes intervenus dans le bénévolat ici à Montréal, dans la province de Québec. Des activités socioculturelles regroupant nos frères et sœurs ressortissants d’autres pays africains ont également été réalisées. En 2012, nous avons organisé à Montréal la fête nationale d’indépendance de la Guinée. Cela fût une coïncidence heureuse, vu le fait que cette année là, le gouvernement guinéen avait choisi Boké pour l’organisation tournante de la fête de l’indépendance nationale qui a lieu le 02 octobre de chaque année.
KP : Mais qu’avez-vous concrètement fait à Boké ?
YM : En plus de ces activités susmentionnées, nous avons l’un de nos plus grands projets en cours d’exécution que nous appelons le projet de la Bibliothèque préfectorale de Boké. Il faut voir à travers cette grande bibliothèque multimédia de Boké, le prolongement des réalisations faites par le Gouvernement, dans le cadre du 02 octobre 2012. Le constat est simple : certes il y a eu beaucoup d’investissements, mais nous avons constaté que le volet Education, le côté bibliothèque n’a pas suscité de la part des uns et des autres un grand intérêt. Vu que les autorités de notre pays ne peuvent pas tout faire à elles seules, nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose, d’où cette bibliothèque. Boké est une ville universitaire de quatre écoles secondaires, deux ou trois écoles professionnelles. Les étudiants ne peuvent se contenter des seuls documents que leur remettent leurs professeurs. Ils doivent avoir un champ assez élargi dans le choix des œuvres scientifiques en vue d’une meilleure qualification, pour le bonheur des jeunes eux-mêmes, de leurs parents et du pays.
KP : Où en êtes-vous avec le projet ?
YM : Il y a eu beaucoup de contacts avec nos frères à travers le monde, notamment aux USA, en Europe etc. Parce que nous voulons que ce soit une bibliothèque où tout le monde pourrait se retrouver. A date, et ce grâce à nos démarches, nous avons eu ici dernièrement une donation d’une grande bibliothèque de l’arrondissement St Laurent à Montréal. Pour l’instant les livres sont soigneusement gardés dans un centre de stockage dont la location est payée par l’alliance, en attendant de réunir les moyens pour acheminer les colis vers Conakry. Mais en même temps, il faudrait que tout soit prêt à Boké.
KP : Peut-on avoir une idée de la quantité et de la nature des livres ?
YM : Ce sont des livres qui concernent à peu près tous les domaines scientifiques, susceptibles de permettre aux jeunes d’avoir une excellente formation. Pour ce qui est de la totalité, on totalise au moins 18 palettes, dont chacune compte un minimum de 14 cartons. Ils sont pour la plupart des livres francophones, mais on compte également des ouvrages en anglais. Ce qui nous emmène à faire un tri sélectif, de façon à ne fournir aux Bokékas que ceux qui peuvent les intéresser. Pour les autres, nous sommes obligés de les offrir à des frères africains venant de pays dans lesquels l’anglais est pratiqué comme langue de travail et d’enseignement. A ce niveau, nous allons entreprendre immédiatement un travail de communication à travers le site de l’Alliance afin de trouver d’autres associations d’africains-canadiens qui pourraient être intéressées par lesdits livres.
KP : Quel deadline vous êtes-vous fixés pour faire parvenir les livres à la ville de Boké ?
YM : Pour l’instant, nous n’avons pas un deadline précis. Toutefois, nous sommes en contact régulier avec les autorités locales (Mairie) de la préfecture de Boké afin de boucler cette échéance, et entreprendre un autre projet. Nous évitons d’attaquer plusieurs projets en même temps, au risque de nous mélanger les pinceaux. Aussi, devions-nous régler quelques détails administratifs sans lesquels il nous serait difficile d’opérer en toute légalité. Par exemple, en ce qui concerne l’agrément que devrait nous accorder le ministère guinéen de l’Administration du territoire, nous avions dû attendre quelque peu. Finalement, nous avons obtenu notre agrément, même si la dénomination a été quelque peu altérée. En lieu et place du nom originelle Alliance Québec-Boké, le ministère a dénommé le document Alliance Boké-Québec. Tout cela nous pris un peu de temps. Cependant, que ce soit Alliance Québec-Boké ou Boké-Québec, nous sommes obligés de faire avec. En plus des détails administratifs, nous avons dû également faire face à des problèmes infrastructurels auxquels nous devrions faire face.
Il y a aussi des détails administratifs auxquels nous devrions faire face. Après ce détail administratif, il y a des problèmes infrastructurels qu’il fallait préalablement résoudre. Par exemple, nous avons constaté que l’ancienne bibliothèque ne pouvait recevoir qu’une vingtaine de personnes. Nous avons écrit et suggéré à la Mairie de Boké de voir si on peut trouver un local plus grand. L’ancien palais de justice par exemple a été suggéré, mais on attend la réponse. Mais ces petits désagréments sont loin de nous décourager. Au contraire, nous avons bon espoir que sous peu, tout rentrera dans l’ordre. Nous sommes très confiants dans la mesure où nous sommes en contact permanent avec le maire de la ville de Boké. C’est un homme qui nous semble être engagé pour la réussite de ce projet.
KP : En dehors de la bibliothèque, d’autres activités ?
YM : Bien entendu, nous avons d’autres activités en vue. Mais nous mettons plus l’accent sur l’alphabétisation et l’éducation, qui à nos yeux est la base de tout développement. Nous ciblons aussi une intervention dans l’économie sociale. Il y a beaucoup d’autres secteurs dans lesquels nous compter opérer. Mais comme je vous l’ai dit tantôt, nous nous inspirons de cette philosophie américaine qui voudrait que nous ne fassions qu’une chose à la fois.
KP : Pourquoi avoir choisi de mettre en place une association pour la préfecture de Boké seulement ? Et pourquoi ne l’avoir pas élargi à toute la Guinée ?
YM : On pourrait tout de suite penser aux autochtones de Boké dès qu’on évoque le nom de notre Alliance, mais il faut comprendre que celle-ci va bien au-delà. Boké est une préfecture qui brasse l’ensemble de toutes les composantes de notre société guinéenne. Dans notre Alliance, il faut entendre non seulement les amis de Boké, mais les enfants des anciens fonctionnaires ayant servi à Boké, la colonie libano-guinéenne etc. Boké est une ville exceptionnelle. Quand je veux l’imager, j’aime souvent dire qu’elle est une’’ ville arc-en-ciel’’. Donc en réalité, ce sont tous les guinéens qui se retrouvent dans notre Alliance. Cela se comprend aisément quand vous aurez la chance d’assister à l’une de nos réunions. Vous y verrez toutes les composantes de notre société, et vous entendrez toutes les langues nationales. Aussi, pensons-nous qu’il est plus aisé d’entreprendre des actions au niveau d’une préfecture que de tout le pays en général. Des actions en direction de tout le pays est certes noble, mais anéantirait nos efforts, vu l’immensité de la tâche. Nous pensons que le développement doit se faire à la base.
KP : En 2002, la fête de l’indépendance nationale du 02 octobre avait eu lieu à Boké. Qu’aviez-vous entrepris en ce temps là pour apporter à l’événement tout l’éclat qu’il mérite ?
YM : Nous n’avions pas pu faire grand-chose, car nous étions encore à nos balbutiements. Personnellement je n’avais pas voulu qu’on soit beaucoup intégré à cela, au contraire nous voudrions faire en sorte que la bibliothèque soit prête pour la fête. Mais cela n’a pas été facile parce que ça nous a pris pratiquement deux ans pour l’agrément avec le ministre de l’administration du territoire.
KP : Avez-vous des besoins particuliers au niveau de l’Alliance Québec-Boké ?
YM : Nos livres font au moins deux containers, nous sommes en quête de moyens pour l’envoyer à Conakry. Ce que nous avons fait n’est pas à nos yeux assez suffisants. Si nous envoyons les livres jusqu’à Conakry, il va falloir qu’on les achemine jusqu’à Boké. Même s’il est vrai que nous avons quelques soucis financiers, cependant nous ne baissons pas les bras. Nous avons voulu contacter des investisseurs originaires de Boké, afin qu’ils nous viennent en aide. Mais plutôt que d’aller vers les gens, je pense qu’il travailler de façon à attirer l’intérêt des autres. Quand ils verront que nous faisons un bon travail sur le terrain, finiront par comprendre le bien-fondé de nos actions, et se joindront à nous. C’est pourquoi, nous lançons un appel à tous, afin que chacun apporte une pierre à la construction de la maison commune.
KP : Avez-vous un message particulier à faire passer ?
Je demande à l’ensemble de nos membres de s’impliquer davantage dans les actions à mener, en assistant non seulement aux assemblées périodiques, mais en payant correctement les cotisations. Certes, nous avons tous des besoins financiers spécifiques, des projets à réaliser, mais nous devons aussi songer à dénouer les cordons de la bourse, afin que l’Alliance atteigne ses objectifs. Je sais que la volonté des uns et des autres ne manque pas. Il faut juste un peu se mouvoir. Nos frères et sœurs vivant au pays attendent beaucoup de nous. Donnons-leur une raison d’espérer et de croire en l’avenir.
KP : Merci M. Yaya Manè
YM : C’est moi qui vous remercie !