Une enquête de la FIDH a révélé hier la forte augmentation des violences sexuelles commises par les forces de sécurité égyptiennes depuis la prise de pouvoir de l’armée en 2013.
Pour Katherine Booth, responsable du bureau droits des femmes de la FIDH, qui a supervisé l’enquête, « les violences sexuelles sont un outil de la répression menée par l’État contre toute voix critique ». Elle nous livre son analyse.
« Depuis le changement de régime et la prise de pouvoir par l’armée en juillet 2013, ce sont les forces de sécurité elles-mêmes qui commettent de plus en plus de violences sexuelles. Dans la période 2011-2013, elles étaient surtout commises par les civils dans les lieux publics.
Les violences sexuelles s’inscrivent dans la répression de toute voix critique et plus largement de la société civile égyptienne, qui a mené à près de 40 000 arrestations, selon les ONG égyptiennes.
Ces arrestations créent des opportunités aux forces de sécurité pour perpétrer ces violences. Elles sont un véritable outil dans la répression menée par les acteurs étatiques – police, renseignement, armée…
Elles prennent la forme d’agressions sexuelles, de viols, de tentatives de viol, de torture sexualisée, mais aussi de violences institutionnalisées, comme les « tests de virginité » ou les « examens anaux » pour les personnes supposées homosexuelles.
« SI LE GOUVERNEMENT ÉTAIT VRAIMENT SÉRIEUX, IL Y AURAIT DES MESURES BEAUCOUP PLUS FORTES ET DES CONDAMNATIONS DES AUTEURS DES CRIMES »
Les groupes ciblés sont diversifiés : non seulement les opposants, les activistes ou les Frères musulmans, mais aussi les femmes, les étudiants, les homosexuels. Le nouveau régime s’est présenté comme gardien de l’ordre moral pour justifier son contrôle absolu sur la société.
Après la chute du président Frère musulman Mohamed Morsi, le régime a assuré qu’il allait lutter contre les violences sexuelles. Il n’y a pourtant jamais eu de stratégie globale, seules quelques mesures ponctuelles : la définition du harcèlement sexuel dans la loi, un procès contre des violeurs en juillet 2014, la création d’une unité spécialisée au sein du ministère de l’Intérieur.
Cette dernière sert en réalité à décourager les femmes de porter plainte et bloque les procédures. Si le gouvernement était vraiment sérieux, il y aurait des mesures beaucoup plus fortes et des condamnations des auteurs des crimes.
Les actes de violences sexuelles sont aujourd’hui totalement impunis. Nous n’avons pas de preuve que les crimes ont été commandés par les autorités, mais nous avons constaté lors de notre enquête leur ampleur, la similarité des méthodes et l’impunité totale des auteurs. Nous en concluons qu’ils sont au moins tolérés, sinon encouragés par l’État. »
Recueilli par Rémy Pigaglio (au Caire)
La Croix