Comme promis, nous avons poursuivi nos enquêtes autour de l’affaire Sable Mining. Nous avons pu retracer les premiers contacts de la compagnie britannique avec Guinea Development Mineral Resources jusqu’à son arrimage à West Africa Exploration. Nos investigations nous ont permis de retrouver les traces de… deux paiements : un premier de 6,2 millions de dollars USD et deux autres totalisant un montant de 6 millions de dollars USD. En faveur de qui et pourquoi ? Lisez notre dossier.
Le diable est dans le détail. L’affaire mise au jour par l’ONG britannique Global Witness nous a conduits à analyser un maximum de documents dont les plus importants sont publiés ici. Dans le même temps, nous avons interrogé un bon nombre de personnes ressources ou citées dans le rapport qui tient en haleine la République. La pression est d’autant plus grande en Guinée que chez le voisin libérien, des inculpations ont été prononcées contre de hauts responsables accusés d’avoir accepté des pots-de-vin de la part de Sable Mining. Ce point a été abordé dans l’encadré que nous avons consacré au Libéria (voir «les dessous des inculpations suite au rapport de Global Witness »). Nos sources soutiennent que le dossier Guinée est « totalement différent » de celui du Liberia. Dans ce pays frontalier, ce sont des acteurs libériens qui ont négocié directement avec les deux principaux dirigeants britanniques de Sable Mining pour un gisement de fer situé en territoire libérien (Wologozi), soulignent-elles.
« Le couac au Liberia explique les dernières accusations de Global Witness. Des dirigeants de Sable mécontents ont quitté la compagnie et ont juré de salir ceux qui sont restés, en s’en prenant à tous leurs intérêts que ce soit en Afrique ou ailleurs », affirme une de nos sources.
La genèse de l’histoire de Sable Mining en Guinée
Au cours des premiers mois du passage du Général Sékouba Konaté à la tête de la Guinée, la situation intérieure est à la détente relative après les terribles événements du 28 septembre 2009 – dont les conséquences ont éjecté le capitaine Moussa Dadis Camara du pouvoir. En avril 2010, un homme d’affaires guinéen décide de faire une demande de permis miniers dans la zone d’Albadaria, à Kissidougou, apparemment riche en fer.
Le 25 juin 2010, il obtient trois permis de recherches couvrant une surface de 1107 Km2 (Arrêté N°A2010/2840/MMG/SSG). Au Centre de Promotion et de Développement Minier (CPDM), ces permis seront enregistrés sous le numéro A2010/133/DIGM/CPDM. L’homme en question, actionnaire unique de sa société Guinea Development Mineral Resources (GDMR) S.A., va plus tard (ou peut-être avant) rencontrer des dirigeants de Sable Mining « désireux d’investir en Guinée ». Nous n’avons malheureusement pas pu connaître les circonstances exactes de cette première rencontre qui est une des pièces du puzzle que nous avons tenté de reconstituer.
Vers le mois d’Août de la même année, des dirigeants de Sable Mining (dont le CEO Andrew Groves) pointent leur nez en Guinée. « Ils se plaignaient des tracasseries administratives et des difficultés à formaliser leur projet d’investissement dans le pays », a dit une de nos sources. Au même moment, la campagne pour la présidentielle bat son plein. L’homme d’affaires guinéen, Aboubacar Sampil, PDG de West Africa Exploration (WAE) S.A, avait dès le 12 Août 2010 introduit une seconde demande d’octroi de permis minier à WAE, visant cette fois ci les alentours du Mont Nimba, apparemment sans savoir que les recherches sur le premier permis Lola-Beyla (octroyé le 23 septembre 2010 par l’arrêté N°A/2010/2402/MMG/SSG) allaient déboucher sur un échec. Le permis de recherche du Nimba ne sera délivré au compte de WAE que le 27 janvier 2012 (Arrêté N°A2012/238/MMG/SSG)…
Revenons en 2010. En novembre, le patron de GDMR, le businessman Ibrahima Kassus Dioubaté, décide de vendre la totalité des actions (un total de 1000 actions soit 100% du capital) qu’il détenait dans sa société à… Sable Mining. A l’analyse, il s’agit d’une manœuvre habile ; la loi guinéenne n’autorisant pas de vendre, amodier ou transférer un titre minier d’une compagnie à une autre, la vente de la société permettait de conserver les permis miniers dans le portefeuille de GDMR qui changeait cependant de propriétaire. Il est vrai qu’en droit, tout ce qui n’est pas interdit expressément par les textes, ouvre une opportunité.
Les deux parties conviennent de se retrouver à Paris pour négocier le prix de la vente : 6 millions de dollars USD. Mais il y a un problème, Dioubaté n’avait pas à cette époque de compte bancaire en France. Pour faciliter la transaction, l’ancien directeur national du Fonds Minier, Baïdy Aribot, présenté par l’accord comme « actionnaire et facilitateur », propose que le montant de la transaction – majoré de la Clause de confidentialité, soit 200000 dollars USD -, soit versé sur son compte personnel (N°00050528174 sis à la Société Générale Paris). Après l’accord intervenu le 9 novembre 2010, toutes les parties signent le document intitulé « convention de cession d’actions » (voir copie Convention cession GDMR Sable).
Comme convenu, Sable Mining ordonne le transfert de 6,2 millions de dollars USD de son compte à la JP Morgan Chase Bank au compte de Baïdy Aribot à la Société Générale Paris. Il n’y a aucun doute sur la réalité de cette transaction dont nous avons vu la trace au ministère des mines. Baïdy Aribot, qui se trouvait à Dakar, nous a expliqué à l’époque qu’il n’était qu’un « intermédiaire » dans cette transaction en nous renvoyant à Ibrahima Kassus Dioubaté. Après un premier contact pour s’enquérir de notre identité, le fondateur de GDMR n’a plus jamais répondu à nos appels. C’était bien avant le tintamarre qui a suivi quelques mois plus tard la plainte de Sable Mining, actuellement en cours de traitement chez le doyen des juges d’instruction du tribunal de première instance de Kaloum.
En fait, après l’accord de Paris, Dioubaté va nier avoir vendu GDMR à Sable Mining provoquant l’ire des dirigeants de la compagnie britannique. Dioubaté est accusé par Sable Mining d’avoir vendu la même société GDMR au groupe chinois (le nom d’un certain M. Yang apparaît dans le dossier) qui fait actuellement des travaux à Kissidougou, en dépit des injonctions du tribunal les sommant d’arrêter les travaux (Ordonnance N°058/CAB/P/TPI/CKR1/2011). Inflexible, il a catégoriquement rejeté le document de Paris, affirmant que ce n’est pas sa signature qui y est apposée. Il a défendu cette position étrange en présence de très hauts responsables du ministère des mines. Au département des mines, les cadres en rigolent encore. Mais Dioubaté avait un argument bien à lui : le permis minier de Kissidougou faisait partie des actifs de GDMR mais la copie originale n’avait pas été remise à Sable Mining. C’était suffisant pour tout rejeter et obliger la compagnie britannique à réviser sa stratégie.
Après la transaction de Paris, Aboubacar Sampil, va d’ailleurs être hâtivement bombardé à la tête de GDMR par Sable Mining (au poste de Président Directeur Général) avant que le tour de passe-passe ne soit découvert. Sable Mining va réclamer en vain les documents manquants pour le contrôle de tous les actifs de la société achetée. De guerre lasse, la compagnie britannique se résoudra à remettre et le sort de GDMR et la question du remboursement des 6,2 millions de dollars USD entre les mains de la justice. Ce fiasco l’oblige à faire un virage à 180 degrés en se rabattant sur WAE, la société de Sampil. Le 24 janvier 2011, Sable Mining achète 80% des parts du capital de WAE, les 20% étant conservés par le fondateur Sampil. WAE affirme que cette alliance lui a permis d’effectuer tous les travaux de recherches – et plus tard les études de faisabilité – dans les délais impartis dans le but de mettre le projet sur la bonne voie.
Dans le rapport d’activités de Sable Mining pour l’année 2013-2014 (voirhttp://www.sablemining.com/investor-relations/documents/ReportAccountsfortheperiodended31March2014.pdf), l’enquêteur de Global Witness Balint-Kurti nous a fait remarquer à la page 49 quelques lignes indiquant qu’un montant de 5 millions de dollars USD puis un autre 1 millions de dollars USD ont été payés à la société Faniya Ressources SAU (au titre « d’honoraires de conseil »), une société présentée comme appartenant à l’homme d’affaires Aboubacar Sampil. Il n’y a aucune précision sur la banque ou la date exacte de ces paiements mais le document trouvé sur internet par Balint-Kurti date du 31 mars 2014.
Le rapport d’activités de Sable Mining assimile les paiements faits à Faniya à des coûts qui ont été « capitalisés dans les actifs d’évaluation et d’exploration ». Y a-t-il un lien entre ces paiements (au total 6 millions de dollars USD) et celui fait en 2010 à GDMR ? Visiblement non. Le PDG de WAE que nous avons tenté de joindre, n’a pas souhaité s’étendre sur cette question.
Cependant, James Cochrane, (non executive CEO) de Sable Mining s’est justifié dans un email envoyé à Global Witness et dans une interview au journal le Times. « Sampil ne détient aucune position avec le gouvernement de la République de Guinée et ne représente pas l’administration à un titre quelconque. Les paiements était pleinement justifiés et ont été divulgués entièrement », a dit Cochrane. Ce qui semble sûr, c’est que les deux paiements faits à des hommes d’affaires fondateurs de leurs propres compagnies, après l’élection officielle d’Alpha Condé, ne pouvaient pas servir matériellement à financer la campagne du candidat du RPG en 2010. Pour l’anecdote, après la présentation officielle du projet de WAE-Sable en début 2013 suite au dépôt des études de faisabilité, le président guinéen a laissé traîner le dossier pendant 6 mois avant de signer le permis d’exploitation de WAE…
Les «preuves » de Global Witness avaient fait l’objet d’un démenti du Sunday Times
Dans son rapport du 12 Mai (The Deceivers https://www.globalwitness.org/thedeceivers/), l’ONG britannique affirme détenir quelques d’emails «compromettants » contre Alpha Mohamed Condé et l’homme d’affaires Aboubacar Sampil. Elle soutenait avoir des preuves pouvant étayer le fait que la campagne du candidat Alpha Condé a été financée par l’argent de la corruption qui, selon elle, aurait transité par le compte de son fils (Alpha Mohamed). Nous avons un document qui prouve que le Sunday Times a déjà tenté d’utiliser ces mêmes emails qui ont servi de base à un article de son journaliste phare sur les questions minières en Afrique, Danny Fortson (lire « How Edmonds spun his way in Guinea », publié le dimanche 16 novembre 2014) avant de publier un démenti.
Fortson, qui a visiblement confondu les noms, y affirmait déjà par erreur qu’il existait des emails dans lesquels le… président Alpha Condé himself aurait promis des gisements à Sable s’il était élu, avant que le journal ne publie un démenti pour se confondre en plates excuses (voir document « Government of Guinea »).
Le Sunday Times est pourtant le journal qui a révélé l’affaire Palladino qui avait écorné l’image de plusieurs hauts responsables guinéens. Elle n’a donc pas l’habitude de battre sa coulpe. Il est évident que sont ces mêmes emails que Global Witness a repris à son compte en utilisant l’information contenue dans le démenti du Sunday Times : les emails seraient de Condé fils et non pas ceux du président de la République de Guinée. Leur contenu est-il suffisant pour charger Alpha Mohamed ? Est-ce que les « preuves » annoncées par l’ONG britannique permettent d’affirmer sans l’ombre d’un doute possible que les sommes « réclamées » dans les courriels ont été effectivement payées ? Pourquoi avoir affirmé d’un côté, de manière péremptoire, que c’est l’argent de la corruption qui a financé la campagne 2010 du candidat Alpha Condé et soutenir de l’autre, dans le même rapport, qu’aucune preuve ne permet d’affirmer que l’actuel chef de l’Etat guinéen a commis des malversations dans ce dossier ? Pourquoi Sable Mining (devenu SLG Iron Ore pour ses intérêts sur le Nimba) aurait-il corrompu de hauts responsables et fonctionnaires si au finish c’était pour se retrouver sans ses propres permis miniers si tel était, comme l’a soutenu l’ONG britannique, son objectif initial ? Nous avons posé plusieurs questions au coordonnateur principal du rapport de Global Witness, Daniel Balint-Kurti qui a donné sa version des faits. Jugez en vous-mêmes.
Global Witness défend son rapport
Dès le samedi 28 Mai, nous avons réussi à joindre au téléphone Daniel Balint-Kurti. Mais il nous a fallu insister pendant 11 jours et le relancer plusieurs fois (par téléphone et par email) pour qu’il se résolve à répondre à nos questions.
Selon lui, le contenu de leur rapport a été «exagéré » par nous et qu’aucune contradiction ne peut y être relevée. « Sable Mining a soutenu la campagne d’élection d’Alpha Condé Sr, notamment en organisant les vols pour Alpha Condé Sr et son fils entre les deux tours de l’élection présidentielle. La société Sable avait évidemment une stratégie : ils estimaient qu’en se rapprochant des Condés, Sable allait être mieux positionné pour gagner des concessions minières. Ce n’est pas la preuve d’une quelconque corruption de la part de M. Alpha Condé, et il faut noter en plus que c’était avant son accession au pouvoir (sic !) », a soutenu Balint-Kurti, droit dans ses bottes.
Global Witness affirme également que Sable Mining a décroché des permis miniers sur le Mont Nimba. Cette allégation n’est pas confirmée par les documents que nous publions (voir copies Permis de Recherches WAE et Permis d’Exploitation WAE). Ils prouvent que les permis du Mont Nimba (permis de recherche et permis d’exploitation), situés dans la Zone Tampon sont bel et bien la propriété de WAE. Mieux, Sable Mining n’a jamais fait de demande de permis minier en Guinée, ont fait remarquer toutes nos sources. Balint-Kurti n’est pas de cet avis mais il se contente de défendre sa position en pointant du doigt les 80% du capital de WAE racheté par Sable Mining. Etre actionnaire dans une compagnie est pourtant différent de détenir ses permis miniers.
Autre allégation contenue dans le rapport, Sable Mining serait la première compagnie à bénéficier du gouvernement l’autorisation de passage par le Liberia. « In August 2013, Sable succeded where its competitors had failed when a Guinean ministerial decree granted the company the right to export through Liberia », affirme Global Witness dans son rapport. Traduction : «En Août 2013, Sable a réussi là où ses concurrents ont échoué quand un arrêté ministériel guinéen a accordé à la compagnie le droit d’exporter par le Liberia ». Nous avons sciemment rectifié « décret » par « arrêté ».
Nous avons aussi enquêté là-dessus et les documents que nous publions (voir documents Protocoles d’accords Guinée Liberia et Communiqué Guinée Liberia 89). L’accord de passage par le Liberia déjà signé en 1983 a été confirmé en 1989 ; déjà à l’époque les deux pays étaient prêts à mettre sur pied une compagnie commune. Il y eu plus tard l’accord fait pour Zogota (Vale BSGR) qui n’a finalement pas pu être exécuté pour des raisons nées du conflit BSGR-Etat guinéen. Sur ce point précis, la réponse de Balint-Kurti donne des indices intéressants que les experts du secteur minier peuvent facilement déceler.
«Nous disons dans le rapport que d’autres sociétés ont essayé d’avoir la permission d’exporter via le Liberia et ont échoué. Les sociétés regroupées dans Euronimba en fournissent un exemple. En plus, en lisant ce qui est dans le domaine public, il semble que Sable a eu très peu de conditions à remplir en contrepartie de la permission très convoitée d’exporter via le Liberia », s’est justifié le coordonnateur de l’enquête de Global Witness.
Il est clair que Balint-Kurti perd de vue une donnée fondamentale : la petite taille du gisement de WAE (178 millions de tonnes) qui couvre 23 km2 a été l’élément clé qui a permis d’autoriser le passage par le Liberia. Ce n’est pas le cas des immenses gisements comme le Mont Nimba (environ 1 milliard de tonnes) ou le Simandou (plus d’un 1,5 milliard de tonnes). Les enjeux ne sont pas du tout les mêmes sur le plan stratégique. WAE prévoit une exploitation d’environ 20 ans là où les géants de l’industrie minière mondiale ont des réserves dont l’exploitation peut couvrir 70 à 100 ans. Un confrère (bien inspiré ?) a d’ailleurs fait le parallèle entre la situation d’une junior comme Sable Mining et celle d’un géant minier qui a des intérêts indéniables sur le minerai de fer. De là à penser que derrière toute cette affaire on peut percevoir en filigrane une bataille entre majors et juniors de l’industrie minière, il y a un pas que notre enquête ne permet pas pour le moment de franchir.
La réponse de Balint-Kurti au sujet de «l’illégalité » du permis minier de WAE (soutenue par le rapport de Global Witness) nous a laissé toutefois très sceptiques. « Nous disons dans ce rapport que la concession était illégale quand c’était attribué parce que la concession chevauchait sur la réserve naturelle intégrale du mont Nimba, qui est protégé par la loi », affirme-t-il pince-sans-rire.
Le problème c’est que WAE a un permis d’exploitation sur le Mont Nimba et non pas une concession minière. Ces deux notions sont différentes du point de vue de la loi guinéenne. Aussi, quand on constate qu’il parle de la Zone Tampon (aux alentours de la montagne) pour ce qui est du permis de WAE, on se demande bien ce que Balint-Kurti pense des permis de la SMFG (BHP Billiton) situés sur une bonne partie de l’Aire Centrale, c’est-à-dire sur la réserve elle-même…
Global Witness est aussi revenu sur les fameux emails qui, selon l’ONG, indiquent que l’homme d’affaires Aboubacar Sampil a «maintes fois » demandé que Sable envoie de l’argent pour payer aux officiels travaillant pour le gouvernement. Paradoxalement, Balint-Kurti n’insiste que sur des montants de… 15000 et 5000 euros dont il dit n’avoir pas les « preuves matérielles » qu’ils ont été effectivement payés. Nous avons trouvé ces sommes bien anecdotiques pour faire sauter la République. Une compagnie minière dont les travaux nécessitent des dizaines voire des centaines de millions de dollars n’aurait aucune difficulté à justifier le décaissement de telles broutilles.
Enfin, et c’est l’accusation la plus facile à vérifier dans le rapport de Global Witness, Alpha Condé aurait utilisé un avion et un hélicoptère loué par Sable Mining pour sa campagne de 2010 entre les deux tours. « Qui a vu le président battre campagne dans un hélicoptère ou un avion en 2010 ? », s’interroge une source qui a participé à la campagne du candidat du Rassemblement du peuple de Guinée à cette période. Evidemment, en pareil cas, la « carte d’identité » du pilote parait bien mince pour constituer une preuve…
L’affaire Sable Mining comporte toutefois des zones d’ombre. C’est le cas des circonstances qui ont permis la rencontre entre les dirigeants de la compagnie britannique et ceux de GDMR d’une part, mais également entre ces mêmes responsables de Sable et ceux de WAE. Les liens qui ont permis de préparer l’accord de Paris demeurent encore flous.
C’est aussi le cas quand des pans entiers du rapport de Global Witness ne résistent pas à l’épreuve des preuves comme le démontrent certains documents que nous avons publiés. Le moins que l’on puisse dire après cette enquête, c’est que la corruption telle que soutenue par l’ONG britannique reste encore à prouver en Guinée. Dans ces conditions, est-il légitime de se poser des questions sur l’opportunité et les motivations de la publication du rapport comme le font ses détracteurs ? Quoi qu’il en soit, entre réalités et fantasmes, le dossier ouvert par Global Witness ne laisse personne indifférent…
FIN/JUIN 2016
Par Saliou Samb
LIBERIA : Les dessous des inculpations suite au rapport de Global Witness
Selon le rapport de Global Witness, la mine de fer de Wologozi, située dans le Nord Ouest du Liberia, était convoitée par Sable Mining. Dans un pays où la quasi-totalité des périmètres disponibles étaient occupés par d’autres compagnies, Andrew Groves (le patron de Sable Mining) va trouver une parade pour se donner le maximum de chances de décrocher Wologozi, le dernier gisement réellement intéressant. Selon l’ONG britannique, Groves va contourner la loi libérienne qui imposait le lancement d’un appel d’offres en soudoyant, via l’avocat et homme de réseaux Varney Sherman, des fonctionnaires et hauts responsables de ce pays. Objectif : permettre un gré à gré, d’après le rapport de l’ONG britannique. Et la liste des « bénéficiaires » et les détails que fournit Global Witness ne sont pas négligeables : 50000 dollars USD à Richard Tolbert, président de la commission nationale d’investissement, 10000 dollars USD à Willie Belley, président de la commission des achats et concessions, 50000 dollars USD à Morris Saytumah, ministre d’Etat chargé des Finances et des Affaires légales et, cerise sur le gâteau, 200000 dollars USD au Unity Party (UP), le parti au pouvoir pour lui permettre d’organiser sa convention d’avril 2010. Au speaker de la chambre basse du parlement, Alex Tyler, il pèse des soupçons d’un versement de 75000 dollars USD, selon l’ONG britannique. Plus anecdotique, ajoute-t-elle, 6532 dollars USD aurait servi à une partie de chasse du chef de la sécurité nationale, Fombah Sirleaf qui n’est autre que le beau fils de la présidente libérienne. Global Witness affirme que c’est Sherman lui-même qui a suggéré de manœuvrer pour changer la législation et dressé la liste des personnes à corrompre (voir Fac similé tiré du rapport de Global Witness 1_Sables_account_with_Sherman__Sherman (1))…
A ces sommes, s’ajouteraient 500000 dollars USD qui auraient été offerts à « Bigboy1 » et « Bigboy2 », des pseudonymes révélés par le rapport. Au total Sable aurait arrosé les responsables libériens à hauteur de 958668 dollars USD, selon Global Witness. Tous les responsables libériens mis en cause par l’ONG britannique ont catégoriquement nié les faits, ce qui n’a pas empêché leur inculpation avant leur libération sous caution. En dépit de tous ces « efforts », indique l’ONG britannique, Sable Mining n’a pas réussi à faire main basse sur la mine de Wologozi, au Liberia.
« Il est important de préciser que le projet de Wogolozi n’a aucun rapport avec le projet de West Africa Exploration (WAE), notre société, qui détentrice des permis miniers en Guinée et dont les intérêts au Liberia sont confinés au transit du minerai de fer par le port de Buchanan. Nous n’avons absolument rien à voir à Wologozi », explique WAE.
S.S.