Après une campagne émaillée de violences, sept millions de Zambiens doivent départager le sortant Edgar Lungu et son principal opposant Hakainde Hichilema.
Près de sept millions de Zambiens votaient jeudi dans le calme pour élire leur président et départager deux hommes donnés favoris, le sortant Edgar Lungu et son principal opposant Hakainde Hichilema, après une campagne ternie par plusieurs incidents violents. Neuf candidats sont en lice dans ce scrutin qui devrait se résumer à un remake du duel de l’an dernier entre Edgar Lungu du Front patriotique (PF) au pouvoir et Hakainde Hichilema, surnommé HH, un riche homme d’affaires autodidacte qui se présente sous la bannière du Parti uni pour le développement national (UPND).
À la mi-journée jeudi, aucun incident majeur n’avait été rapporté, malgré les craintes de violences après une campagne émaillée de tensions inédites dans ce pays où les élections se déroulent généralement dans le calme. Les radios zambiennes diffusaient dans la matinée des appels au calme, selon un journaliste de l’Agence France-Presse. « Nous espérons des élections libres et transparentes. Le peuple de Zambie doit prendre une décision très importante aujourd’hui », a indiqué Hakainde Hichilema, après avoir voté à Lusaka, ajoutant que le pays connaissait « son pire leadership depuis l’indépendance », en 1964.
Les Zambiens votent 18 mois seulement après la dernière présidentielle organisée pour terminer le mandat de Michael Sata, décédé d’une maladie dans l’exercice de ses fonctions en octobre 2014. À l’époque, Edgar Lungu l’avait emporté avec moins de 28 000 voix d’avance sur Hakainde Hichilema, soit 1,5 % d’écart, lors d’une élection à un tour. «Nous devons donner au président Lungu plus de temps, car il n’a pas exercé longtemps le pouvoir », plaide Tembo Mabvuto, un comptable de 34 ans à la sortie d’un bureau de vote. Cette fois, de nouvelles règles constitutionnelles précisent que si aucun candidat ne dépasse 50 % des voix, un second tour devra être organisé.
«Prêt à sacrifier la démocratie pour la paix »
La Zambie vote également jeudi pour élire ses députés et ses conseillers municipaux, et pour un référendum sur une modification de la Constitution. Les premiers résultats sont attendus entre vendredi soir et samedi. « La Zambie était pacifique, mais les cadres du pouvoir se sont énervés et ont attaqué les supporteurs de l’UPND. Le président ne les a pas arrêtés », regrette Patricia Situmbeko, une mère de cinq enfants, qui souhaite un « changement » et qui a voté pour Hichilema.
Selon le Centre d’information sur les élections zambiennes (ZEIC), une organisation de la société civile, au moins trois personnes ont été tuées et plusieurs, blessées pendant la campagne. Esau Chulu, le patron de la commission électorale, a estimé que cette campagne avait été marquée par une vague de violences « sans précédent » qui entache les « antécédents historiques d’élections pacifiques en Zambie ».
Les incidents entre militants du parti au pouvoir et ceux de l’opposition ont même poussé la commission à suspendre la campagne pendant dix jours, au mois de juillet, dans la capitale Lusaka. Le ZEIC, qui pointe « l’indiscipline » des leaders politiques, ajoute que le climat a changé en Zambie depuis les dernières élections. Tout au long de la campagne, Edgar Lungu n’a pas hésité à tenir un discours radical, voire menaçant, envers ses opposants. « S’ils me mettent au pied du mur, je suis prêt à sacrifier la démocratie pour la paix », a-t-il lancé lors d’un récent meeting dans la province minière du Copperbelt (Centre), une région décisive pour l’élection.
«Le risque (de violence) est élevé. Les relations entre gouvernement et opposition sont très malsaines », prévient Dimpho Motsamai, analyste pour l’Institut d’études sur la sécurité à Johannesburg. «J’espère qu’il y aura la paix, quel que soit le résultat », souhaite Phiri Vekani, un jeune chômeur de 24 ans qui a voté pour « HH ».
La Zambie, ex-Rhodésie du Nord, est indépendante de la Grande-Bretagne depuis 1964 et a été dirigée jusqu’en 1991 sous un régime du parti unique par Kenneth Kaunda, avant de s’ouvrir au multipartisme. Le pays, qui a connu dans les années 2000 des taux de croissance supérieurs à 10 %, est aujourd’hui durement touché par la chute du cours du cuivre dont il est très dépendant. L’inflation dépasse les 20 %, le déficit dépasse 8 % du PIB, et le pays pourrait demander une aide du Fonds monétaire international après ces élections. Les bureaux de vote devaient fermer à 18 heures.