Emmanuel Macron ne sera bientôt plus ministre de l’Economie. Le patron de Bercy rencontre François Hollande ce mardi après-midi pour lui présenter sa démission et retrouver sa liberté politique à moins d’un an désormais de l’élection présidentielle.
Le leader du mouvement «En marche !», qu’il a lancé en avril dernier, a clamé le mois dernier sa volonté de porter ses partisans «jusqu’à la victoire en 2017», au cours d’un meeting aux allures d’entrée en campagne.
Pour le journal Challenges, le départ d’Emmanuel Macron n’est pas nécessairement une défaite de François Hollande. Il est même possible qu’il s’agisse d’une forme de victoire. Dans ce genre de situation, les archétypes sont indépassables: le méchant est celui qui trahit et assassine l’autre, quand bien même la cause défendue pour commettre l’irréparable se drape de noblesse et d’ambition désintéressée. Brutus a tué César pour sauver la République, mais il demeure à jamais celui qui a tué son père. Fondateur. Indépassable. Incontournable.
Au bilan, à l’heure du départ, François Hollande a réussi à déjouer le piège que lui a tendu, de manière incessante et constante, Emmanuel Macron. Il s’est refusé, avec obstination, à tirer les conclusions du comportement provocateur de son ministre de l’Economie. Ni sanction. Ni exclusion. Surtout ne pas devenir le méchant de l’histoire.
Une démarche de rupture
Depuis le mois d’avril dernier, Emmanuel Macron s’était lancé dans une démarche de rupture qui n’échappait qu’aux sourds et aux aveugles. Tout indiquait que le ministre entendait sortir du gouvernement pour se lancer dans une aventure présidentielle de type Giscard 1974. Le ministre ne s’en cachait pas, qui répétait à tous ses visiteurs (car François Hollande n’est pas le seul à recevoir des journalistes) qu’il entendait être candidat à l’Elysée en 2017 parce que, selon lui, compte tenu des circonstances particulières de l’époque, ce serait sa seule chance d’être élu président de la République. Tout était dit. Tout se savait. Et tout était répété à François Hollande.
Car François Hollande savait tout. Depuis le début. Jamais il n’a été dupe de l’ambition de Macron. Tout au plus lui arrivait-il, parfois, devant des proches, de confesser « Je l’ai perdu… », mais pour le reste, il n’a jamais douté un seul instant de ce que Macron était lancé dans une aventure sans retour.
C’est de la com’ des années 80
Dans un premier temps, le président a tenté de dissuader l’aventurier. « Je lui ai dit c’est un peu ringard ton truc », annonçait-il à ses visiteurs, du soir et du matin, ajoutant « C’est de la com’ des années 80, non? », et concluant: « Je l’ai mis en garde, tu peux finir comme Montebourg ». La dissuasion planait. Mais jamais François Hollande n’appuya sur le bouton de la force de frappe jupitérienne. Jamais.
Et pourtant! Manuel Valls et bien d’autres n’ont cessé de réclamer le départ d’Emmanuel Macron. « Fous le dehors ! » tempêtaient certains hiérarques socialistes. François Hollande les écoutait, mais demeurait inerte. L’inertie, stade suprême du hollandisme en mouvement. Bouger, c’est-à-dire frapper Macron, c’eut été lui offrir ce qu’il recherchait : le martyr politique et médiatique. Surtout, ne pas tomber dans le piège. Seul Macron pouvait détruire Macron. Julien Dray, toujours au coeur de l’intrigue, le répétait lui-même à Macron : « Ton problème, c’est que tu ne veux pas passer pour le Brutus de l’affaire ».
Donc Hollande n’a rien dit. Il n’a rien fait. Il a laissé dire et faire. Et Macron a été contraint de faire ce que le président voulait qu’il fît: s’enfermer dans une contradiction de plus en plus étouffante, jusqu’à se retrouver dans une position intenable. Les Français ont ainsi pu contempler durant près de six mois, l’hallucinant spectacle offert par l’OVNI Macron.