L’impeachment est d’essence politique et non judiciaire, le président de la Cour suprême n’est donc pas tenu de se comporter comme celui d’un tribunal.
« Je n’ai rien fait, et je l’ai bien fait. » William Rehnquist, lorsqu’il avait été interrogé a posteriori sur son rôle en tant que président de la Cour suprême des Etats-Unis lors du procès en destitution du président démocrate Bill Clinton, en 1999, avait choisi le registre de l’humour.
Il y a plus de vingt ans, tout s’y prêtait. Le chef de la majorité républicaine, Trent Lott, et celui de la minorité démocrate, Tom Daschle, s’étaient entendus sur les modalités d’un procès dont le motif, un parjure pour couvrir une affaire extraconjugale, apparaissait comme relativement anecdotique.
Le successeur de William Rehnquist, John Roberts, nommé par le président républicain George W. Bush en 2005, a pris ses quartiers au Sénat, jeudi 16 janvier, après avoir prêté serment dans un tout autre contexte. Il va diriger une procédure qui oppose profondément les deux grands partis des Etats-Unis dans une polarisation politique sans doute sans précédent dans l’histoire politique récente du pays.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Impeachment : le Sénat se prépare au choc du procès de Donald Trump
Comme le rappelait dès le 10 janvier le juriste Frank Bowman sur le blog de la Cour suprême, la présence de John Roberts, qui renforce la dimension solennelle du procès, s’explique constitutionnellement par des raisons de bon sens. Les Pères fondateurs avaient estimé que la présidence du Sénat ne pouvait être occupée dans cette circonstance exceptionnelle par son véritable titulaire, le vice-président des Etats-Unis, pour éviter toute forme de conflit d’intérêts.
La direction d’un procès en destitution est cependant purement formelle. Ce dernier étant d’essence politique et non judiciaire, le président de la Cour suprême n’est pas tenu de se comporter comme celui d’un tribunal. Il est d’autant moins incité à se jeter dans l’arène que s’y engager lui ferait encourir le risque d’écorner la légitimité des avis rendus ultérieurement par la plus haute juridiction des Etats-Unis.
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