mardi, avril 16, 2024

Guinée- Hadja Rabi se souvient du 22 janvier : « C’était horrible… »

Conakry, Guinée : C’est un jour qu’elle n’est pas prête d’oublier, un jour aucours duquel une page de l’histoire de la Guinée s’est écrite. Le 22 janvier 2007, une insurrection populaire a failli faire basculer le régime du  feu Général Lansana Conté.

 A la tête de l’insurrection, les leaders syndicaux en l’occurrence  feu Ibrahima Fofana de l’USTG et Hadja Rabiatou Serah Diallo de la CNTG. A l’origine du mouvement, le point de revendication syndicale visant l’amélioration des conditions de vie des travailleurs de Guinée.  L’actuelle Présidente du Conseil Economique et Social  (CES) se souvient

« Il faut tenir compte que nous avions été accompagnés et soutenus, parce que tout le monde avait ras-le bol et cela a donné une autre force à toute la société civile (…) Nous avons impliqué aussi les partis politiques parce qu’on défendait la même cause qui était de combattre la misère de la population. Le 22 janvier était vraiment le jour fatal où toute la population, de toutes les préfectures se sont données les mains pour dire : « il faut qu’on accompagne les syndicalistes. » Et ce qui était plus touchant, c’est quand on avait reçu à la Bourse du travail à l’époque les handicapés, les personnes démunies… Nous, on pensait qu’ils étaient venus pour quémander, mais ils nous ont dit qu’ils sont venus nous dire que ceux qui leur donne de l’argent n’ont rien. Donc, eux aussi, allaient faire une grève de deux (2) jours sans quémander. Cette action de ces personnes handicapées a réveillé la conscience de tout un chacun » se rappelle Hadja Rabiatou Sérah Diallo

Ce jour du 22 janvier 2007 aux environs de 10 heures, une foule compacte voulant se faire entendre au Palais Présidentiel, fut stoppée dans son périple au niveau du pont 8 Novembre avec des gaz lacrymogènes et des tirs à balles réelles. Plus de 130 guinéens étaient tombés et plusieurs ont été blessés.

Une vue de la foule, 22 Janvier 2007

« Le 22 janvier, c’était horrible, quand je vois encore une image … je ne peux pas oublier parce qu’on avait tué quelqu’un et la population avait pris ce corps pour chanter l’hymne nationale et venir jusqu’au niveau du pont 8 Novembre où elle s’est faite fusillée. Elle (Population ndlr), était obligée de laisser tomber ce corps qu’elle  portait pour s’en fuir dans la débandade » révèle Hadja Rabiatou Sérah Diallo

L’heure étant devenue grave, le Président Lansana Conté ordonna de faire venir devant lui au camp Samory Touré situé au centre-ville de la capitale Conakry les cerveaux de la grève qui embrase le pays.

«On avait été arrêté, mais on était déjà prévenus, nous avons dit qu’on nous arrête et qu’on est prêt. On était dans le bureau de la FSPE pour analyser la situation quand nous avions vu les militaires. Un d’entre eux (militaires, ndlr) a pris Fofana (Ibrahima Fofana, secrétaire général de l’Union Syndicale des Travailleurs de Guinée, décédé le 16 Avril 2010 ndlr) et l’a menotté. Un d’entre eux a également dit il faut enfoncer la baïonnette dans son crâne, c’est là qu’on avait compris qu’ils n’étaient pas venus seulement pour nous arrêter mais plutôt nous tuer. Les femmes ont eu le courage et on s’est couché sur Fofana parce qu’il s’était déjà évanoui. Et c’est là où nous, nous avions reçu de coups de matraques et de bastonnades. On a dit : «Tuez nous avant de tuer Fofana ». C’est ce courage qui nous a aidés à sauver la vie de Fofana. Ils nous ont jeté dans les camions, direction la sûreté. C’est à la Sûreté qu’on lui a enlevé les menottes. De là, ils nous ont emmené à la CMIS, où nous sommes restés jusqu’au soir. Le soir du 22 janvier, on a appris que le Président Conté voulait nous voir au camp (Samory Touré). Arrivé au camp, d’habitude je m’asseyais toujours auprès de lui, mais ce jour j’ai vraiment laissé une chaise entre nous » raconte l’ancienne syndicaliste.

«Il dit (Président Conté ndlr) mais pourquoi vous vous éloignez comme ça ? Il me dit toi, comment tu es comme ça ? Tu ne sais même pas attacher ton foulard (Chahut). Vous savez, Conté avait cette force, il chahutait même pendant les pires moments de sa vie. Il me dit comment tu es ? J’ai répondu : « ils nous ont frappés. » Il dit demande qui ? J’ai dit les agents que vous aviez emmenés pour nous arrêter. C’est ainsi qu’il a appelé le chef d’état-major de l’armée, le ministre de la Justice afin de savoir ce qui se s’est réellement passé. Ces derniers lui disent, non ! Ils doivent (Syndicalistes ndlr) être arrêtés parce qu’ils ont provoqué une insurrection populaire contre vous. En guise de réponse aux propos du chef d’Etat-major et du ministre de la Justice, Conté a dit : « C’est comme ça vous interpelez un citoyen ? Ce n’est pas normal. » Il a mal réagi face aux comportements de ses responsables. Il (Conté) a baissé d’abord la tête avant d’ordonner de nous libérer immédiatement, nous et toutes les autres personnes qui ont été arrêtées et nous conduire à nos domiciles respectifs dans son véhicule personnel » dit-elle

Mais bien avant d’aller à la rencontre du Général Conté, ces leaders syndicaux ont pris le soin de déposer une lettre ouverte au Président de l’Assemblée nationale, feu Aboubacar Somparé. 

Dans cette lettre était mentionné la plateforme revendicative de de l’inter central syndical. Le poste d’un 1er ministre qui n’était pas constitutionnel à l’époque occupait une place de choix vu l’état de santé du Président Conté, révèle cette ancienne syndicaliste. Lansana Kouyaté fut alors choisi par consensus le 1er mars 2007 pour diriger le gouvernement.

Moise Rama Fils

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