Quatre chefs d’Etat de grands pays d’Afrique de l’Ouest sont arrivés en Gambie mardi 13 décembre pour tenter de trouver une issue à la crise politique. Ils entendent convaincre le président sortant Yahya Jammeh de revenir sur sa décision de contester sa défaite à l’élection présidentielle. Les pourparlers se sont ouverts dans l’après-midi et aucun résultat n’a pour l’instant été obtenu.
Yahya Jammeh reste pour l’instant sur ses positions : l’élection présidentielle a été entachée d’anomalies, estime-t-il. Selon lui, la Commission électorale n’a pas correctement compilé les résultats et ses militants ont été intimidés lors du scrutin. Et pour en juger, le parti présidentiel a fait appel mardi soir à la Cour suprême, la plus haute instance judiciaire de Gambie.
Problème : ladite Cour suprême, présidée par un magistrat nigérian, n’a pas siégé depuis plus d’un an et il manque quatre juges pour qu’elle puisse fonctionner. Des juges qui devraient être nommés par le président Jammeh, le transformant donc mécaniquement en juge et partie du litige.
C’est du moins l’argument de l’association du barreau gambien pour disqualifier ce recours. « Si, en temps normal, le droit à un recours existe bel et bien, le fait est qu’il n’existe à l’heure actuelle pas de panel de magistrats habilité à siéger à la Cour suprême. En l’occurrence, il serait contraire à tous les principes de la justice que le président sortant nomme des magistrats à la Cour suprême, lesquels seraient chargés d’examiner un recours déposé par lui ou en son nom », estime Shérif Tambedou, le président par intérim de l’association du barreau gambien.
C’est aussi l’argument d’Adama Barrow, l’homme qui a été proclamé vainqueur par la Commission électorale, selon le porte-parole de l’opposition Khalifa Salla : « Dans les derniers jours de son mandat, nous ne reconnaissons pas au président sortant le droit constitutionnel de nommer des magistrats à la Cour suprême de Gambie et de leur faire prêter serment, afin qu’ils jugent son affaire », souligne-t-il. Le président de la Cour suprême, de son côté, ne s’est pas encore exprimé.
Pas d’avancée de la délégation de la Cédéao
En fin de matinée, mardi, alors que les chefs d’Etat arrivaient à Banjul, Yahya Jammeh a envoyé l’armée à la Commission électorale. L’institution est bloquée. Le personnel et son président ont été priés de quitter les lieux, sans autre explication. La Cédéao a menacé d’une intervention militaire, le chef d’état-major des armées, Ousmane Badjie revient sur sa loyauté offerte à Adama Barrow la semaine passée et déclare à la presse : « Jammeh me paie, c’est à lui que je réponds ».
Dans ce climat, la délégation des chefs d’Etat de la Cédéao a fort à faire. La présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a d’ailleurs prévenu, ce mardi soir, à Banjul : « Un accord ne pourra pas être trouvé en un jour », a-t-elle déclaré à la presse, avant de reprendre le chemin de la présidence pour continuer de discuter avec Yahya Jammeh.
Tout au long de cette journée de négociations, Yahya Jammeh a donc réussi à étouffer la Cédéao, même si la délégation reste persuadée qu’elle va aboutir à un accord. Et si la diplomatie ouest-africaine est pour l’instant tenue en échec, dans le pays, Yahya Jammeh est de plus en plus isolé : des professeurs d‘université, des avocats estiment qu’il a trahi le pays, l’ambassadeur en poste à Washington a affirmé qu’il ne le soutenait plus. La population sera peut-être le dernier rempart pour l’empêcher de rester au pouvoir.
RFI