Conakry-Guinée : Depuis le lundi 3 février 2025, le chantier de la Cité administrative de Koloma est secoué par un mouvement de protestation initié par les ouvriers réclamant de meilleures conditions de travail, notamment une augmentation de salaire. Mais derrière ces revendications, des zones d’ombre subsistent, laissant entrevoir une possible instrumentalisation du mouvement.
En écoutant attentivement les discours de certains grévistes, un constat s’impose : leur lutte ne se limite pas uniquement à des préoccupations salariales. Ils exigent également la fin de la sous-traitance, une requête qui soulève de nombreuses interrogations. De quel droit se permettent-ils de remettre en cause une organisation contractuelle bien établie ? Aucun ouvrier n’est contraint de travailler pour une société sous-traitante. Ils ont librement signé leurs contrats avec ces entreprises, des contrats validés par l’Agence Guinéenne pour la Promotion de l’Emploi (AGUIPE). Curieusement, ils ne mentionnent nulle part que ces contrats auraient été violés par leurs employeurs.
Une revendication infondée ?
Si leur souhait était de voir leurs salaires augmentés, cela relèverait d’une démarche légitime. Mais exiger la suppression pure et simple de la sous-traitance est une demande absurde. Souhaitent-ils être directement employés par la SONAPI ? Même s’il est de notoriété publique que la SONAPI, maître d’ouvrage de ce projet, peut directement recruter des ouvriers pour exécuter certains projets, mais pour le projet de l’envergure de la Cité administrative de Koloma, elle a décidé de confier son exécution à une entreprise. L’une de ces vocations consiste aussi à attribuer des contrats à des entreprises spécialisées, capables de mener à bien des projets d’envergure.
En l’occurrence, c’est l’entreprise Arabian Construction Co (ACC) qui a remporté l’appel d’offres pour la construction de la Cité administrative de Koloma. Pour garantir le respect des délais et l’efficacité des travaux, ACC a fait appel à trois sociétés sous-traitantes : ARE, ITRAGEC et GTI.
Une rémunération plus qu’avantageuse
Selon nos enquêtes, les conditions salariales des ouvriers, contrairement aux discours alarmistes, sont bien loin d’être précaires. D’après les documents consultés, tous les travailleurs ont signé un contrat garantissant un salaire de base qui dépasse largement le SMIG guinéen, parfois jusqu’à quatre fois plus élevé :
- Ouvriers non qualifiés (échelon le plus bas) : 2 080 000 FG (environ 70 000 FG par jour) ;
- Ouvriers qualifiés (Grade A, le plus élevé) : 6 337 500 FG (plus de 200 000 FG par jour).
Le paiement des salaires se fait toutes les deux semaines via l’application « Touche », qui propose des frais de transaction nettement inférieurs à ceux d’Orange Money ou Wave (1,2% contre 2%). Par ailleurs, les travailleurs bénéficient d’une couverture accident de travail à 100%, ainsi que d’une assurance médicale intégrale, bien au-delà des 70% exigés par le Code du travail guinéen.
Un chantier aux normes et des conditions optimales
L’entreprise ACC ne se contente pas seulement d’assurer des salaires compétitifs. Elle met également à disposition de ses ouvriers des Équipements de Protection Individuelle (EPI) conformes aux standards de sécurité. De plus, des formations techniques et pratiques sont régulièrement organisées pour permettre aux travailleurs d’améliorer leurs compétences et d’accéder à des échelons supérieurs, avec une rémunération en conséquence. Les heures supplémentaires et le travail de nuit sont rémunérés dans le strict respect des dispositions du droit du travail.
Un « syndicat » aux pratiques contestables
Face aux tensions générées par cette grève, la SONAPI et l’entreprise ACC ont décidé d’ouvrir un dialogue avec les ouvriers afin de comprendre leurs doléances. Cependant, un point troublant ressort de cette situation : selon les responsables de l’ACC, il n’a jamais été question d’un syndicat formel au sein du chantier. Or, la création d’un syndicat répond à une procédure bien établie :
- Informer l’Inspection du travail ;
- Consulter la fédération syndicale du secteur ;
- Aviser la direction générale de l’entreprise et les employés.
Aucune de ces étapes n’a été respectée. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la SONAPI et ACC refusent de reconnaître ces ouvriers qui s’auto-proclament syndicat, sans cadre légal, et dont l’objectif semble plus proche d’une tentative de déstabilisation que d’une véritable négociation sociale.
Un retour au calme nécessaire
La construction de la Cité administrative de Koloma représente un projet stratégique pour le pays. Toute perturbation de son avancement impacte non seulement les délais de livraison, mais également l’ensemble des acteurs impliqués dans sa réalisation. Il est essentiel que les travailleurs prennent conscience des réalités contractuelles et des efforts consentis pour garantir des conditions de travail optimales. Un dialogue structuré, respectant les règles et procédures en vigueur, est la seule voie légitime pour faire valoir des revendications justifiées.
En attendant, les travaux doivent reprendre pour que ce projet d’envergure voie le jour dans les délais prévus.
Naby Chérif